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Au pays de l’Haut de l’A

Samedi 26 octobre 2024 – Arrivée au gîte

Mes destinations sont de moins en moins lointaines. Nos espaces proches sont souvent méconnus et gagnent à l’être. Nous sommes au pied des Vosges du Sud, dans le Val d’Ajol. J’y ai réservé un gîte immense aux espaces ouverts, spacieux et propres.  Cette ancienne ferme, reconvertie en lieu d’accueil pour touristes, est isolée sur une colline, à proximité d’un point sommital à presque 700 m d’altitude qui s’appelle le Haut de l’A. ça ne s’invente pas ! Il a fallu que Phlau le prononce pour que j’entende le jeu de mot.

Nous avons été accueillies chaleureusement par notre hôte qui nous a confectionné une tarte aux mirabelles (végétalienne bien sûr). Je l’avais prévenu que nous ne consommions pas autrui.

La fenêtre de ma chambre, à l’étage, donne sur l’orée d’un bois et, quand le soir tombe, des chevreuils viennent se poser dans le champ proche. Voisins inattendus et ô combien appréciés !

Quand je pense que l’un des arguments des raisonneurs du spécisme, en tant que doctrine défendable, est d’avancer que, si nous cessons toute exploitation, nous coupons les liens avec les autres espèces. J’avais découvert cette aberration comme critique de l’antispécisme dans « Vegan order » de Marianne Celka. C’est tellement le contraire qui se passe.

Ouvrir les yeux sur un système de domination permet déjà de le rejeter et de porter un regard différent sur les liens que nous tissons avec les autres, les victimes de ce système.

Si couper les liens avec les autres signifient de ne plus les exploiter, ni les tuer, il est alors de notre devoir moral de le faire.

Cela dit, depuis ma prise de conscience, je n’ai jamais autant observé autrui, de loin, dans le respect de qui il ou elle est, en veillant à ne pas être intrusive. Me fondre dans un décor et observer qui y vit, qui je côtoie, qui je dérange.

Depuis ma prise de conscience, je n’ai jamais autant été en affinité avec les autres espèces libres que j’ai l’opportunité d’approcher, de fréquenter. Ces « liens » ne reposent plus sur un système de domination volontaire mais sur un regard nourrit par le respect et l’empathie.

L’autre est devenu mon égal.

Ma nuit fut courte. Changer de lieu, de lit, demandent toujours un temps d’adaptation. Rosa m’a collée. Suzy a dormi à mes pieds.

Nous avions prévu d’aller randonner sur les contreforts de Saint Bresson, bourgade à une vingtaine de km d’ici, en Haute Saône.

Lorsque nous avons entamé la marche, des hurlements effroyables de chiens montaient des bois. Aucun panneau n’indiquait une potentielle chasse pourtant c’était bien de ça qu’il s’agissait.

Ce fut horrible et éprouvant. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut prendre du plaisir à provoquer tant de violence, prendre du plaisir à tuer car c’est bien de cela qu’il s’agit. Soudain, les espaces boisés sont sous contrôle total d’hommes assoiffés de meurtre qui s’approprient TOUT jusqu’à la vie des espèces qu’ils croisent, humains compris. Et, nous, promeneuses pacifiques, n’avons pour seul choix que de rebrousser chemin car nous craignons pour notre vie mais aussi d’être confrontées à un tel déploiement de violence. Rien ne justifie cette agressivité et certainement pas une pseudo régulation. Rien ne justifie l’assassinat d’êtres sentients.

J’ai dû chercher une nouvelle randonnée, le cœur battant et l’estomac au bord des lèvres. C’est dans ces moments que ma part d’ombre m’envahit et que j’ai des pulsions de révolte démesurée.

Il m’a fallu du temps pour m’apaiser et le choix du nouveau circuit fut judicieux : sentiers envahis d’herbes hautes au tracé hésitant qui nous a demandé de la concentration, chemins disparus sous les ronces, demi-tours improbables, à flanc de colline où se déployaient tous les ors de l’automne, loin des hurlements anxiogènes des meutes de chiens. C’était un circuit de moins de 10 km mais j’ai l’impression d’en avoir parcouru le double.

Nous avons visité la chapelle des Jeannery, suivi des allées ombragées aux murs moussus, observé la croix monumentale du Mont Dahin du XVIè s ; (mais qui n’est pas monumentale juste grande et élancée) et déniché des étangs lovés dans le creux boisé des plateaux sommitaux. Nous avons même découvert les ruines envahies de mousses, de lierre et d’arbres d’un couvent abandonné au cœur de la forêt, après avoir suivi une sente improbable longeant des buissons touffus et épineux.

Retour au gîte en début d’après-midi, le soleil inonde les lieux. Le reste de la journée sera lent et apaisé.

Le temps est incroyable, lumineux avec un magnifique soleil d’automne et un vent léger qui apaise l’air. J’écris dehors, à l’arrière du gîte, là où les chevreuils viennent se poser soir et matin. Hier nous n’avons vu personne mais je ne suis pas étonnée. La violence des chasseurs y joue sans doute un rôle. Suzy est posée à mes pieds, à l’ombre de la table. Rosa aussi d’ailleurs.

Aujourd’hui nous sommes parties du côté du Val d’Ajol, à une dizaine de minutes de notre maison. Nous avons fait un circuit d’une dizaine de kilomètres bien mieux balisé que celui d’hier. Toute la différence entre les Vosges et la Haute Saône qui est moins une terre de tourisme de randonnée. La balade débutait par la cascade de Faymont, site naturel classé depuis 1910. Elle est lovée dans un vallon encaissé, point de départ de divers circuits autour de la vallée de la Combeauté. Nous sommes montées par de larges sentiers forestiers bien praticables où l’éclat du soleil faisait de généreuses ombres longues dans les sous-bois traversés, les nimbant d’une lumière féérique.

Nous sommes passées à côté d’une monumentale fourmilière, un panneau demandant de la respecter. Ce genre de panneau me laisse toujours perplexe. C’est très bien qu’il ait été placé là, qu’il souligne l’importance du respect face à cette fourmilière mais qu’en est-il des autres êtres sentients ? Ceux et celles qui finissent dans les assiettes ?

Pourtant la science a prouvé que leur vie n’était pas moins légitime que le nôtre, qu’ils et elles avaient un intérêt à vivre, ressentaient joie, peur, tristesse, accablement, etc. En plus, nous n’avons aucun besoin nutritionnel qui justifierait d’abuser d’eux et elles et ça aussi c’est prouvé par la science.

Le circuit continuait vers le plateau sommital entièrement dédié à … l’élevage ! Tous les espaces sont cloisonnés pour cette pratique délétère. Tous les réels habitants de ces lieux (je ne parle pas des humains qui se sont accaparés ces espaces pour ces pratiques d’un autre âge) sont contraints et chassés. Les écosystèmes sont appauvris par la pratique de l’élevage qui ne conserve en rien les paysages. Là aussi, il faut déconstruire la romantisation des campagnes et du pseudo petit élevage local qui n’a de bienveillant et d’écologique que l’illusion qu’il se donne d’y croire afin de perpétrer une domination pernicieuse.

Une fois qu’on a ouvert les yeux sur tous ces systèmes de domination et d’oppression, il est difficile de remettre des œillères.

Donc je n’ai pas apprécié notre circuit sur les hauteurs. J’ai préféré de loin la montée en sous-bois et la descente sur l’autre versant de la colline, là où chantaient les ruisseaux vagabonds et les fontaines abandonnées.

Enfin ! Enfin des espaces boisés et moussus à perte de vue, des vallons herbeux sans vaches au destin tragique, des ruisseaux chantants dévalant gaillardement tous les pans des collines traversées, des étangs aux eaux sombres parées de bouleaux et sapins gigantesques où vient danser et se fondre l’éclat solaire du jour.

Nous avons débuté la randonnée par le chemin de l’empereur, nom pompeux mais lié à l’histoire de ce territoire. Napoléon III et Eugénie, en cure à Plombières, parcouraient volontiers les environs d’Hérival. Le chemin dit ” de l’Empereur ” témoigne donc de ce passé florissant. Il passe devant la source des Tanchottes qui ressemble à un marécage aux eaux translucides. Cette terre d’humidité est émaillée de 27 sources. L’eau abonde partout.

Le sentier passe devant deux étangs et conduit au monumental et remarquable prieuré d’Hérival, aujourd’hui propriété privée. Les prairies autour du prieuré sont inscrites depuis 2005 à l’inventaire des Espaces Naturels Sensibles du Département des Vosges. Le site est saisissant de sérénité et de beauté.

Nous poursuivons notre montée le long d’une route forestière qui nous conduit à un croisement sur la D 57. A ce carrefour se trouve une guinguette qui semble sortie tout droit d’un décor des années 1970.

La descente se fait part un sentier embourbé au départ où Rosa y perdra momentanément sa blancheur. Il se modifie ensuite en une jolie sente qui serpente dans une forêt où dansent les rayons lumineux du jour exceptionnellement doux pour une fin octobre. Il nous amène le long d’étangs reconvertis en exposition nature.

Le final de cette très belle randonnée passe par la cascade du Géhard.

De l’eau, de l’eau et encore de l’eau… partout, chantante, vive ou plus calme, apaisée, selon les formes qu’elle aime prendre.

Sinon, au gîte, les chevreuils sont là le matin et en fin de journée. Pour l’instant j’en ai vu deux, l’un semble prendre plaisir à se poser dans le pré qui côtoie notre maison, l’autre est plus craintif est reste à l’orée du bois, là où serpente un ru dont j’ignore le nom.

Ce matin je suis partie seule randonner avec Rosa. J’aime marcher seule car je suis entièrement libre de mon choix de tracé que j’adapte à mon énergie du moment. Ainsi, nous avons parcouru 16 km dans les tourbières caractéristiques du paysage où nous logeons.

Mon circuit nous a aussi conduit vers de très belles vues, sur la vallée de la Moselle, où s’agrégeaient des nuées blanches denses dans les zones urbanisées dévoilant un panorama magnifique, nimbé de bleus et de lumière. Nous avons longé plein d’étangs dont j’ai oublié le nom, traversé des forêts aux arbres gigantesques, aux mousses épaisses et aux verts tendres, pris des sentiers bordant de vastes prés ouverts sur des lointains bucoliques, sur les vallons vosgiens, ombragés d’ors et de rouges, emprunté des sentes dans des landes de genêts où affleuraient les ruisseaux…

Les couleurs de l’automne et l’exceptionnelle lumière de cette période parent ces cheminements d’une beauté renversante. Les paysages sont enchanteurs, littéralement. Chaque détour de chemin dévoile une nouvelle émotion et l’air oscille entre une humidité prégnante et une chaleur surprenante selon les endroits parcourus. L’eau est présente partout et ruisselle souvent sur les charmilles embourbées qui font de Rosa, un mini amas de poils boueux (que cela ne semble pas déranger).

Aujourd’hui le temps est de saison, un opaque manteau de brume a envahi les collines et les paysages sont emprunts d’humidité. Le matin, j’avais créé un petit circuit de 6 km, à cinq minutes de la maison en voiture, pour balader les chiennes afin de les laisser au repos au gite pour visiter Plombières-les-Bains l’après-midi. Les villes sont des lieux de stress pour mes louloutes et je préfère les ménager donc j’adapte notre séjour en fonction de chacune.

Le circuit du matin, dans les hameaux bordant le bois du Rey, était en grande partie sur les chemins de l’élevage. Les sentiers étaient défoncés par le passage des tracteurs et des vaches exploitées pour leur lait. Les espaces boisés traversés étaient cloisonnés par des ficelles pour guider les vaches vers les fermes à lait afin qu’elles n’osent pas déambuler au-delà des chemins habituels de leur exploitation. Du coup, c’est littéralement tous les espaces qui sont sous la coupe de l’élevage : promeneurs, promeneuses, autres animaux, etc. Tout comme la chasse, l’élevage s’approprie le corps des autres mais aussi les territoires où il se pratique.

Heureusement, la moitié du parcours s’effectuait dans le bois du Rey, écarté des lieux d’exactions. La brume ombrait les sapinières de halots fantasmagoriques et éthérés où dansaient des toiles d’araignées perlées d’humidité.

Et, pas un seul humain sur le parcours, juste nous quatre, émerveillées et les pieds trempés !

L’après-midi je suis partie juste avec Phlau pour découvrir Plombières-les-Bains à quinze minutes du gîte.

Que dire de Plombières ? Déjà c’est encaissé au creux d’une vallée où coule l’Augronne. Y arriver un 31 octobre par une journée de brouillard ne rend pas le site follement attractif. Plombières existe depuis le Vè siècle avant JC, surnommée la « Ville aux mille balcons » et aux 27 sources, ce fut une station thermale très à la mode à différentes époques et notamment au XIXe siècle, sous Louis-Philippe Ier et l’Empereur Napoléon III

Effectivement, il y a une multitude de balcons aux très belles ferronneries parementées qui agrémentent de vieux immeubles… abandonnés. La cité semble figée dans son passé glorieux mais décati. La grisaille du jour n’embellissait pas ce décor dévasté par le temps. Des enfants déguisés parcouraient les rues en quête de bonbons, rajoutant un soupçon d’étrangeté dans ce cadre révolu. Beaucoup de boutiques étaient fermées souvent de façon définitive.

Nous sommes montées sur les hauteurs de la ville pour découvrir les jardins en terrasse, espace alternatif, à ciel ouvert, qui nous a enchantées, à la fois parc de loisirs et lieu culturel. Des personnes déblayaient les parcelles jardinées pour leur toilette hivernale et les différents lieux de convivialité étaient nettoyés et rangés pour la fin de saison. Cela rajoutait au sentiment d’abandon qui planait sur toute la cité mais c’était plus agréable au cœur de la nature. Nous ne sous sommes pas éternisées sur le site.

L’humidité et la grisaille nous ont donné envie de chocolat chaud et de tartines beurrées.

Nous sommes donc retournées dans notre logement pour savourer tout cela et nous pauser dans la quiétude chaleureuse du gîte.

Retour dans la féerique forêt d’Hérival à cinq minutes de la maison en voiture. Je craignais les chasseurs ou le monde puisque c’est un jour férié mais il n’y avait ni les uns, ni les autres.

Je suis tombée en amour de cette contrée boisée sombre et mystérieuse. J’avais dessiné un circuit différent de celui de mardi. Je pense que si nous restions plus longtemps, j’explorerais tous les sentiers de cette romantique forêt vosgienne.

Extrait de https://urls.fr/rpsIr-

Nous sommes montées par un large chemin herbeux non balisé depuis le chalet de l’empereur (mais ces noms !) jusqu’au croisement de La Vigotte en empruntant, sur le dernier kilomètre, un bout du GR5 (magnifique travée ravinée au cœur des mousses et des sapins). Puis nous sommes redescendues par le « fameux » sentier des vieilles abbayes dont les sites de randonnées vantent la beauté.

Effectivement, à partir des ruines des anciennes abbayes dont il ne reste qu’un mur bas envahi, comme le reste de la forêt, de mousses et de graminées, le chemin s’affine et devient une sente féérique parcourue de rus vagabonds et enchanteurs.

Elle traverse la pente abrupte d’un vallon habillé de roches monumentales, de résineux et de feuillus. Le paysage est spectaculaire, baigné d’un soleil d’automne bas qui fait danser les ombres et les ors des feuillages et des arbres morts. L’eau ruisselle partout, babille entre les pierres glissantes et fait des entrelacs avec le sable du gré.

C’est ce sentier qui nous ramène à notre point de départ.

De retour au gîte, nous douchons les chiennes : Suzy s’est roulée dans toutes les odeurs suspectes qu’elle a dénichées et Rosa a des petites bottes de boue noirâtres qui laissent des indices partout où elle passe.

L’après-midi sera paresseuse, le soleil inonde à nouveau nos prés. Dans la vallée, au loin s’agglutine les nuages. Nous savourons cette lumière et cette douceur bienvenues.

En fin d’après-midi, nous décidons d’aller faire un dernier tour dans la campagne proche, là où sommeille l’eau sombre des étangs qui jalonnent la contrée. Je fais découvrir à Phlau et Suzy (moins enthousiasme) celui où je me suis posée avec Rosa lors de notre tour de 16 km.

Pas un seul humain, le soleil s’efface dans des roses délavés au loin et les eaux sont infiniment calmes. Nous y faisons un bref tour afin de prendre encore une dose de pleine nature avant le retour au monde urbain.

Demain est un autre jour.

Nous partons relativement tôt et déjà les chasseurs ont envahi les lieux. Je ne supporte plus ces pratiques d’un autre temps qui maintiennent tout un système oppressif en place et que laisse faire la majorité de la population pourtant contre cette activité meurtrière. Un seul panneau prévient de la chasse. Il y écrit « Soyez vigilants, chasse en cours » ! Ceux et celles qui arrivent de l’autre côté ne seront pas prévenues. Et je pense surtout à toutes les victimes autres qu’humaines qui subissent cette violence tous les week-ends.

La chasse, un problème mortel…

Le printemps en Vasgovie

Une colline, un château


Le Palatinat, cette région de châteaux médiévaux aux histoires légendaires, de rochers majestueux et d’une forêt extraordinaire classée réserve de biosphère par l’UNESCO, fait du sud de la Rhénanie-Palatinat une de mes destinations préférées.

Au Moyen Âge, la région était l’une des plus importantes politiquement du Saint Empire romain germanique. De là, les rois et les empereurs contrôlaient les destinées de la moitié de l’Europe. Mais les Celtes, les Romains et un roi bavarois y ont également laissé leur marque.

Départ pour notre semaine dans le Palatinat afin d’arpenter à nouveau les sentiers de Vasgovie. On part à 5 nanas de 2 espèces. Cédrine doit nous rejoindre en train lundi.

Ce qui est magique est que nous sommes à moins de 1h30 de Strasbourg. Nous avons pris la route à 13h car le gîte n’est disponible qu’à partir de 15h. Pour nous y rendre nous avons longé la frontière côté allemand, empruntant une route étroite au cœur d’une extraordinaire forêt : celle du Bas Mundat.

Le temps est aux giboulées et oscille entre de violentes tempêtes de grêle et des accalmies bleutées, c’est un peu n’importe quoi. Comme nous sommes au pays de la Véganie, nous nous sommes arrêtées dans un supermarché allemand pour nos courses de la semaine, pas besoin d’emporter depuis la France de quoi nous nourrir car ici le choix est juste hallucinant.

Le gîte est une maison triangulaire surprenante lovée dans un
quartier verdoyant
composé d’autres maisons triangulaires, au cœur de la forêt. Nous sommes à la fois isolées et proches de lieux de vie (25 mn de Landau). C’est tranquille et de là où j’écris j’ai vu sur les verts tendres du printemps qui égayent les bois environnants.

Quelques maisons de notre village de vacances :

Nous avons déjà exploré les alentours depuis le gîte. A 3 km, il y a les ruines médiévales du château de Lindelbrunn situé à 437 m d’altitude, offrant une vue époustouflante à 360 degrés. Comme le temps est extrêmement capricieux, les humains ont fui les lieux pour notre plus grand plaisir et les nuages, chargés de pluie, déployés sur ces contrées boisées, nous ont offert un prodigieux panorama.

Les chambres du gîte sont à l’étage et on ne peut y accéder que par un escalier étroit. Cet accès est impossible pour les chiennes. On a donc descendu un matelas des chambres afin que j’y dorme avec Rosa et Suzy, cette dernière a tout de suite monopolisé la couette à mes pieds.

Le temps est totalement inconstant et… froid. Ce matin, un mélange glacial de pluie et de neige tombait mais la météo annonçait une accalmie dans la journée. Nous sommes parties sur les chemins détrempés à la première éclaircie.

Le circuit d’une dizaine de kilomètres empruntait les sentiers proches. Nous avons d’abord découvert le Silzer See qui borde la L493.

A partir de là, le circuit monte dans la forêt par de larges chemins. Le ciel s’est dégagé et très vite les bois ont ruisselé de lumière et de verts chatoyants. C’était infiniment beau.

Nos pas nous ont conduit au promontoire rocheux du Schweinsfels à 400 m. d’altitude auquel on accède par une échelle en métal raide et étroite. La vue panoramique est aussi impressionnante que celle découverte hier. Une croix trône sur la plateforme étrécie du rocher. Partout où se perd le regard se déploient les collines boisées de cette terre de grés rouges et de ruines médiévales. Les nuages chahutent l’horizon et les caprices du temps lui font un écrin de lumières chatoyantes.

Pas un seul humain sur ces sentiers. Je suis toujours fascinée comment mon espèce se cloître à la moindre goutte de pluie. Pourtant c’est à ce moment là que ces lieux se mettent à frémir et palpiter. C’est aussi là que je peux pénétrer dans leur intimité et, enfin, y prendre part. La nature me remet à ma place, élément fragile et insignifiant qui vibre au rythme de ces soupirs.

Le circuit se poursuit le long d’impressionnantes formations gréseuses, les Kellerfels. C’est là que nous redescendons par d’étroits sentiers la colline pour rejoindre notre quartier de maisons triangulaires au cœur de ces lieux enchanteurs.

L’après-midi est consacré à la lecture, l’écriture, la paresse.

Vers 17h, nous irons à Landau découvrir leur restauration végane qui abonde. Nous avons réservé au « Ich bin so Frey »

Nous sommes revenues repues. Le lieu est très accueillant, vaste et lumineux. Le personnel souriant est à l’écoute. Le restaurant était complet ce qui m’a fait plaisir. L’offre végétalienne est impressionnante. Nous avons attendu plus d’une heure notre repas succulent, cela valait bien un peu de patience.

Les pâtisseries sont tout aussi incroyables.

carrot cake (délicieux) et cookie sans gluten (tout aussi délicieux).

En rentrant, j’ai exploré notre village de conte pour digérer. La lumière du soir était extraordinairement orangée nimbant les lieux, où s’étirait la brume, d’une poésie ouatée.

Cette nuit, les températures sont retombées en dessous de zéro. Ce matin, il a fallu dégivrer la voiture mais le ciel avait des promesses de lumière printanière.

Nous sommes parties à 5 km de la maison pour explorer le massif du Heichsberg culminant à 412 m. d’altitude.

On accède au plateau sommital par de larges sentiers sillonnant les bois où, aujourd’hui, nous avons croisé une biche et des chevreuils. La ligne de crête est clairsemée de bornes numérotées, de roches de gré rose plantureuses et de buissons de myrtilles denses.

De chaque côté de cette ligne de crête se dégagent des massifs gréseux offrant, au nord, une vue sur l’imposant château de Trifels près d’Annweiler et, au sud, un panorama grandiose sur les vallons verdoyants du Palatinat. Le bloc de rochers du sud porte le nom de Geiersteine. Il est aussi apprécié des personnes pratiquant l’escalade.

Aujourd’hui, comme les jours précédents, les chemins semblaient désertés par les humains.

En début d’après-midi, je suis partie chercher Cédrine à la gare de Wissembourg, nous avons fait une pause sur le chemin pour quelques courses à Edeka. De retour dans notre nid, ce fut le temps du goûter et j’ai savouré la part de carotte cake achetée à « Ich bin so Frey » que je n’avais pas mangé hier ainsi qu’un cookie sans gluten. Leurs pâtisseries sont vraiment délicieuses.

Vers 18h, Sonia, Cédrine et moi sommes retournée par la forêt aux ruines médiévales du château de Lindelbrunn. Phlau et les chiennes nous ont rejoint en voiture.

Là aussi, pas un seul humain.

Nous avons découvert le restaurant en contrebas du château qui propose à la vente des cadavres des habitants et habitantes des forêts, avec des images de « suicide food » indécentes.

La montée vers les ruines et le lieu déserté m’ont permis d’évacuer ma colère sourde qui jaillit devant tant de dissonance.

La plateforme herbeuse du château nous a offert un écrin de joie partagée. Rosa et Suzy étaient aussi enthousiastes que nous.

L’éclat du soleil tombant voilait les massifs d’une ombre satinée et adoucissait la grisaille des pierres préservées.  Au loin, on pouvait distinguer les nuages porteurs de pluie qui s’amoncelaient par endroit, concentrant des gris plus sombres dans l’éclat azuré de cette soirée quasi parfaite.

C’est le froid de plus en plus mordant qui a eu raison de notre présence et nous a renvoyées vers la voiture garée en contrebas.

Le dîner fut simple et appétissant, cuisiné par Cédrine : raviolis en conserve (je les adore) agrémentées de fromage et passées au four, accompagnées d’une salade de mâche. Le tout végane bien entendu.

Pendant que j’écris mon journal, les filles humaines lisent et celles d’une autre espèce dorment, repues d’une journée chargée d’odeurs et de jeux.

Cette nuit Rosa a partagé mon oreiller. Elle a aussi aboyé à chaque grincement de lit de mes comparses… Malgré tout, j’ai relativement bien dormi. Suzy a préféré rester sur le canapé où il y a clairement plus de place.

La rando du jour est à une vingtaine de minutes en voiture d’ici, plus à l’est, près de Landau. Le départ s’effectue à partir d’un de ces jolis villages de la route des vins du Palatinat sud : St. Johann. Les montagnes sont truffées de blocs rocheux qui leur font des promontoires aux vues grandioses où que l’on aille.  Aujourd’hui, nous sommes parties à la découverte de l’Orenfels à plus de 500m d’altitude.

Une montée de 4 km, à travers les magnifiques forêts de Vasgovie, depuis le village, nous conduit à cette terrasse de grés en surplomb, habitée depuis le haut moyen-âge. La vue y est grandiose et ouvre sur la plaine du Rhin mais aussi sur les vallons, que j’aime tant, de ces paysages boisés où trône le Trifels, ce château imposant qui est le point de convergence de quasi toutes les plateformes visitées à ce jour.

Ces vues époustouflantes m’emportent dans un imaginaire féerique peuplé de dragons, de quêtes impossibles et de secrets farouchement gardés.

Je suis gueuse, va-nu-pieds, truande, chevalière, guerrière, je suis tous ces possibles et plus encore. Ce qui me ravit est ce sentiment que là, dans ces espaces aux vallons infinis gorgés d’histoire et de forêts profondes, un autre monde onirique s’entrouvre.

Sur le sentier qui monte à ces remarquables roches, se trouve un gîte nature à flanc de colline où des gamelles d’eau fraiche étaient proposées à Suzy et Rosa : Naturfreundehaus Kiesbuckel.  Visiblement c’est une auberge ouverte les week-ends où on peut loger et demander des repas adaptés aux engagements de chacun et chacune (vous me voyez venir ?)

Le retour se fait par la forêt et la dernière partie dans les vignes où nous avons profité de la lumière du jour pour nous recharger en bonne humeur.  

Nous sommes aussi passées devant une maison au portail clos qui avait posé un panneau à son entrée, rempli d’autocollants aux messages antispécistes. C’était l’autre moment joie du jour.

J’ai glissé quelques autocollants dans leur portail. Ma petite contribution.

Les après-midis sont paisibles, nous vaquons à nos diverses occupations dans notre maison de conte où le chauffage au gaz crépite comme un feu de bois. Plus tard, j’irai me dégourdir une dernière fois les jambes dans notre hameau si particulier.

Le temps oscillant entre une pluie légère et une neige fondante glacée, nous avons décidé de consacrer la journée à la visite du Trifels, le château restauré, star du coin et visible de partout. Ensuite nous visiterons Landau et testerons un autre restaurant vegan : le VELO, identifié grâce à la formidable application Happy Cow.

Nous nous sommes garées sur le parking au pied du château édifié sur le mont Sonnenberg (494 m). Il se dresse sur un triple piton gréseux, long de 145 m, large de 40 m et surélevé de 50 m. et surplombe, majestueusement, toute la région. Le temps humide a contribué à enchanter les lieux en enrobant de brumes mouvantes les bois et collines alentours où apparaissaient, par moments fugaces, les autres ruines des environs. Ici chaque sommet semble porter un château médiéval.

Entre 1088 et 1330, le Trifels fut un château impérial, l’un des centres de pouvoir les plus importants sous les Hohenstaufen et les Saliens. Les insignes impériaux tels que la couronne, le sceptre et l’orbe impérial y étaient toujours conservés. Aujourd’hui, ce sont leurs répliques qu’on peut encore admirer.

Le château servait également de prison pour des personnalités importantes tel que le roi anglais Richard Cœur de Lion, otage du Saint Empire.

Aujourd’hui il est le résultat d’une alternance de phases d’expansion, de délabrement et de reconstruction sur près de 1000 ans – depuis ses débuts au XIe siècle jusqu’à un passé récent.

Il regorge d’escaliers que Cédrine a exploré avec enthousiasme et ses plateformes s’ouvrent sur de grandioses points de vue.  L’entrée est payante : 4€50.

L’après-midi nous avions réservé une table au VELO restaurant. En allemand, le mot vélo français se dit Fahrrad donc ce nom n’a rien à voir avec une bicyclette. C’est un mélange des lettres du mot « LOVE ». Le lieu est vaste et élégant, la décoration est épurée.

Le repas était succulent. Le restaurant a des menus du midi et du soir et propose une « petite » restauration à tout heure de la journée.

Les propositions sont élaborées et gustativement excellentes, la quasi-totalité des suggestions sont faites maison à partir de produits frais.

J’ai quand même pris deux desserts dont une part de tarte à la mousse de fraise hyper légère et fondante. Chaque bouchée était une explosion de délice dans la bouche. Servie avec des fruits et de la crème chantilly ! Et, comme c’était léger, j’ai aussi savouré leur mousse au chocolat également accompagnée d’un coulis de fraise et de chantilly.

Après cette pause gourmande, nous avons fait un petit tour dans le centre-ville de Landau, ville fondée au XIIIè siècle. Elle est le chef-lieu de l’arrondissement de la Route-du-Vin-du-Sud du Palatinat.

En rentrant au gîte, Sonia, Cédrine, Rosa, Suzy et moi sommes reparties pour un petit tour sur la colline proche de la maison où trône un imposant rocher de 34 m. de haut, le Kriemhildenstein avec vue sur les forêts et notre village particulier en contrebas. Nous sommes montées jusqu’à la croix en pierre Steinernes et son banc qui offrent cette fois ci une vue sur le rocher précédent et toujours sur les reliefs environnants. La pluie avait cessé et le soleil du soir irradiait la forêt d’ombres longues satinant les vallons boisés du lointain. Les chiennes que nous n’avions pas prises avec nous aujourd’hui (interdites au Trifels et compliqué en ville) étaient ravies de cette sortie post méridienne.

Ce matin le ciel gris couronnait de morosité les bois alentours. Nous sommes parties à cinq pour une randonnée de 13 km depuis le parking du Trifelsruhe près d’Annweiler en empruntant une partie du sentier « Richard cœur de Lion », l’otage célèbre du coin.

Rosa et Suzy étaient visiblement ravies de faire partie du périple. Hier était leur journée de récupération où elles n’ont été qu’une heure en balade.

Une grêle fine est tombée pendant une dizaine de minutes sinon nous avons évité l’humidité.

Le circuit conduit à une tour sur la colline du Rehberg qui offre une vue panoramique complète sur la forêt méridionale du Palatinat, la trinité des châteaux de Trifels, Anebos et Scharfenberg (Münz), la plaine du Rhin et la bordure orientale de la Forêt Noire et des montagnes de l’Odenwald. La structure actuelle de la tour s’élève sur un socle de 2 m de haut et atteint une hauteur de 14 m avec le parapet. Un escalier extérieur de neuf marches mène à la porte en arc brisé de la tour , et un escalier en colimaçon de 49 marches mène à sa plate-forme panoramique avec son mur extérieur crénelé. La tour est classée monument historique et fut inaugurée le 17 septembre 1862 après cinq mois de construction.

En somme, en Allemagne, sur chaque colline on trouve soit une ruine de château-fort, soit une croix, soit une tour. On sent l’appropriation forte de l’humain homme sur le paysage par ce besoin de dresser des monuments toujours plus haut que la montagne elle-même.

L’objectif suivant de la randonnée était le Kleiner Hahnstein, « petit rocher » à escalader pour découvrir une nouvelle vue époustouflante sur la région. Encore plus belle que la précédente !

Et tout le long du circuit nous traversons de magnifiques forêts de hêtres, ormes, châtaigniers et chênes aux verts printaniers intenses qui illuminent les sous-bois et accentuent la couleur foncée des troncs, les rendant quasi noirs.

La suite du circuit devait nous mener au pied d’un gigantesque bloc rocheux (400 m de haut) découpé en trois parties : l’Asselstein néanmoins fermé pour cause de nidification des faucons pèlerins qui habitent ces lieux. Il est considéré comme l’une des formations rocheuses les plus puissantes de la région rocheuse de Vasgovie et est donc également appelé le « roi des roches du Palatinat ». Une fois à ses pieds on comprend pourquoi.

En face de cette masse rocheuse impressionnante se trouvait un large banc en demi-cercle faisant face à une sculpture commémorative avec une citation de B. Brecht dont j’ai cherché la signification en rentrant :

– Pour commémorer la rencontre à Asselstein entre socialistes et sociaux-démocrates de différents groupes de résistance du Palatinat le 6 mai 1934, une pierre commémorative et un banc avec vue sur le rocher ont été érigés en 2019.

L’inscription se lit comme suit :

« À la mémoire des sociaux-démocrates qui se sont réunis illégalement à Asselstein le 6 mai 1934 pour discuter des options de résistance contre le régime nazi. » SPD-Palatinat 

Cette citation de Bertold Brecht est magnifique. Un bel hommage à l’humilité.

Ne pouvant accéder à l’Asselstein, nous avons rebroussé chemin pour reprendre, sur deux kilomètres, le large sentier au cœur des bois qui nous a ramené au parking.

Le long du parking, il y avait une aire boisée avec des petites étoiles gravées sur les arbres. Cet endroit est un cimetière pour les cendres de notre espèce. Cela m’a rappelé le lieu de souvenirs au cœur de la forêt de Esch sur Alzette, au Luxembourg, que j’avais découvert avec Gabriel.

Cette randonnée nous a bien affamées, j’ai nourri Suzy et Rosa à la voiture. Nous n’avions qu’une quinzaine de minutes pour rejoindre le gîte, notre faim fut aussi vite comblée.

L’après-midi sera consacrée au repos et à nos menues occupations personnelles.

Nous sommes indubitablement dans une bulle de tendresse où chacune veille sur l’autre et où nos échanges sont drôles, attentionnés et sereins.

Aujourd’hui, départ à 9h pour Dahn, à environ 30 mn du gîte, pour un circuit de 12 km afin de découvrir ce coin défini par ses rochers monumentaux.

La randonnée débute par une montée vers un cimetière militaire comprenant plus de 2 000 soldats morts lors de la Seconde Guerre mondiale. Les noms des soldats sont notés sur de petites pierres – la plupart des pierres portent la mention « inconnu ». Au-dessus de ce lieu de recueillement se trouve une petite chapelle commémorative et au-delà le premier bloc colossal de roches de grés : le Hoschstein. Il fait partie du vaste Dahner Felsenland et se trouve à la limite sud de la petite ville. Un chemin sécurisé et très pentu monte sur la crête et offre encore une vue fantastique sur les montagnes et les autres formations rocheuses.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les habitants et habitantes de Dahn se sont cachées dans ces niches rocheuses naturelles et les grottes sur le Hochstein. La plus grande est « la cabane du soldat », ouverte des deux côtés, elle offre une belle vue sur la ville.

Ce circuit passe par un des chemins de St Jacques de Compostelle.

Nous avons poursuivi notre randonnée vers le Dahner Burgengruppe, un immense complexe de trois châteaux médiévaux semi-troglodytes de toute beauté, composés de Tanstein à l’ouest, du Grafendahn au milieu et de l’Altdahn à l’est.

Il s’agit du plus grand complexe de châteaux du Palatinat construit sur des rochers abrupts et ses parties les plus anciennes remontent au XIe siècle.

Le mieux conservé est l’Altdahn qui offre un dédale d’escaliers, chambres et couloirs creusés dans la roche où on pourrait presque se perdre.

Au retour, j’ai même vu un troupeau de chevreuils qui est passé juste devant Suzy et moi, ce qui a bien intrigué Suzy d’ailleurs qui aurait aimé les suivre… mais non.

Nous sommes rentrées en début d’après-midi, petite pause post-méridienne avant de repartir pour dîner une dernière fois à Landau au « Ich bin so Frey ».

Le luxe de partir à une centaine de km de chez soi c’est que nous avons pris deux voitures.  Demain, Cédrine et moi irons faire une dernière randonnée du côté de Dahn tandis que les filles rentreront directement à Strasbourg.

Nous nous disions aujourd’hui combien ce territoire de vallons et de roches prodigieuses est époustouflant de beauté et nul besoin de partir à l’autre bout du monde pour être au cœur d’une nature généreuse et exceptionnelle.

Jour de départ. Premier réel jour de printemps.

Le gîte doit être libéré pour 10h. Nous nous scindons en deux groupes, l’opportunité d’avoir deux voitures. Tandis que Phlau, Rosa, Sonia et Suzy rentrent à Strasbourg, Cédrine et moi partons une dernière fois randonner dans cette terre d’histoire et de nature.

Le circuit est sur le territoire de Dahn, il part d’un château conservé dont la visite est payante mais que nous ne visiterons pas : le Burg Berwartstein. Aujourd’hui nous avons envie d’espaces et de ruines, loin des foules et du brouhaha de l’humanité.

La première étape nous mène au pied d’un promontoire rocheux, le Schlüsselfels. Nous n’avons pas trouvé le sentier et sommes montées à même la pente au travers d’amoncellements d’arbres chus et de terre glissante. Parcours éprouvant et technique néanmoins gratifiant une fois arrivées sur la plateforme. Il s’agit d’une des parois rocheuses parmi les plus hautes de Vasgovie.  La vue y est époustouflante (comme toujours) et s’épanouit sur ces paysages aux vallons boisés qui m’émeuvent tant.

Nous poursuivons sur le Heidenberg jusqu’au Buchkammerfelsen qui est, à lui seul, un point culminant. Le sentier traverse des falaises de grès parées d’arbres noueux aux racines entrelacées où le pied doit être sûr et l’œil vigilant. À l’intérieur de ces rochers se trouvent des chambres sculptées datant de l’Antiquité. La porte d’entrée est située à environ 8 m de hauteur sur le versant nord du massif, inaccessible pour un ou une marcheuse.

L’étape suivante sont les ruines du Drachenfels (le château dragon) où j’ai eu un réel coup de cœur pour ces vestiges. De loin, on distingue un gros rocher avec une plateforme accessible par un escalier mais en s’en approchant, on découvre un château monumental dont l’exploration est une véritable aventure. Il regorge d’escaliers, de pièces troglodytes et de passages de liaisons. Il a probablement été construit peu après 1200. En 1523, le château a été presque entièrement détruit. Deux rochers de grès rouge, abrupts et très étroits, portent ces impressionnantes ruines.

Partout il y a des terrasses aux vues dégagées sur les forêts, sur les Buchkammerfelsen et sur le village proche. Au loin, on y voit également l’ensemble rocheux des ruines du Dahner Burgengruppe visitées la veille.

Nous rentrons par le sentier boisé de St Jacques de Compostelle pour retrouver la voiture.

Le retour à Strasbourg se fait par la même route qui traverse l’extraordinaire forêt du Bas Mundat sous un soleil radieux.

Ce qui me réjouit c’est la proximité de ces lieux enchanteurs et que je peux y retourner pour m’y replonger quand j’en ressens le besoin. Ce n’est réellement qu’un aurevoir.


L’automne en Vasgovie

Samedi 21 octobre 2023

Cela fait déjà un moment que j’avais envie de passer quelques jours dans la forêt au-delà de la frontière au Nord de l’Alsace. Cet espace boisé infini qui s’offre à la vue depuis le sommet des châteaux forts peuplant les Vosges du Nord. Je l’ai côtoyée parfois, lors de brèves incursions en Allemagne, quand je vais explorer ces châteaux semi troglodytes que j’aime tant.  Ces doux vallons boisés qui s’étendent à perte de vue m’invitent aux rêves loin des turpitudes du monde.

 » La forêt palatine rassemble un ensemble continu de contrées environnées de montagnes forestières dans le land de Rhénanie-Palatinat en Allemagne. Il s’agit d’un reliquat d’une vaste « foresta » placée sous l’autorité des comtes du palais impérial à la fin de la dynastie carolingienne. Ces dignitaires émancipés en partie du pouvoir régalien sont devenus les comtes palatins du Rhin, laissant à leur principauté le nom de Palatinat.

La forêt palatine forme par ailleurs un ensemble géomorphologique unique avec les Vosges du Nord, rassemblé au sein de la réserve de biosphère transfrontière des Vosges du Nord-Pfälzerwald. Cet ensemble est étroitement lié au massif des Vosges, dont il n’est séparé que par le col de Saverne. » Source : WIKIPEDIA

Pour ces trois jours de découverte, j’ai choisi un gîte au pied des vignes à Pleisweiller-Oberhofen. C’est à 1h30 de la maison, à côté donc, et c’est totalement dépaysant. Inutile de parcourir de longues distances pour se sentir ailleurs. Suzy et Rosa étaient du voyage.

Parfois, je sépare les chiennes pour offrir d’autres alchimies dans leur quotidien. Le combo Emma/Rosa est quelquefois difficile à gérer parce qu’Emma est l’idole de Rosa et que cette dernière fait un peu n’importe quoi quand Emma est en balade avec nous. En outre, pour Emma, cela lui permet de souffler aussi car « l’amour » de Rosa est, par intermittence, envahissant pour elle.

Nous avons débuté par un petit circuit de 11km à partir de Göcklingen, village viticole lové au cœur des vignes sur la route des vins du Sud du Palatinat.

De nombreux circuits de randonnées traversent la forêt, de nombreuses ruines l’habitent. La balade fut riche en points de vue, en ruines visitées. Une tour en grès, construite en 1886, la Martinsturm, était notre point culminant à plus de 500 m. d’altitude. C’est une tour d’observation de 14 m de haut . Elle a entièrement été rénovée dans les années 1990, le bâtiment est classé. Dans le passé, elle était également utilisée pour la protection contre les incendies de forêt , mais aujourd’hui, elle n’a qu’une importance touristique. Lorsque la visibilité est bonne, le panorama s’étend sur l’ Odenwald , la Forêt-Noire et les Vosges.

L’autre grande attraction de notre petit périple fut la visite du Burg Landeck, ruine du XIIe s. plutôt bien conservée, avec un remarquable donjon carré et imposant visible de loin, depuis la plaine.

Beaucoup de monde le côtoie, un samedi lumineux d’octobre en plus. Un restaurant trône à l’intérieur et offre deux plats copieux et succulents véganes, la belle surprise de fin de randonnée. Evidemment, nous avons commandé les deux plats et nous nous sommes régalées.

A 17h, découverte de notre gîte qui est parfait, propre, hyper confortable et nos hôtes sont chaleureux et accueillants. Une douche bienvenue va clore cette journée riche en découvertes et en belles surprises.

Dimanche 22 octobre 2023

Le gîte est vraiment exceptionnel, la literie est extraordinaire de confort, j’ai le sentiment de dormir sur un nuage. L’endroit est incroyablement calme. C’est une tanière de luxe où on se ressource pleinement.

Ce matin, nous sommes parties explorer de nouvelles pistes à dix minutes de notre lieu de vie temporaire. Onze kilomètres et presque cinq cent mètres de dénivelé avec un ressenti de vingt kilomètres parcourus tant les paysages sont variés et offrent des panoramas tous plus beaux les uns que les autres. Nous avons fait un circuit sur les vallons qui dominent la plaine, au départ du village viticole de Leinsweiler, sur la route des vins du Sud.

La forêt qui surplombe cette partie du paysage s’appelle la Vasgovie. Composée en grande majorité de châtaigniers, hêtres et chênes, elle est remarquable par ses vallons profondément encaissés et ses ruines médiévales qui jalonnent ses sommets boisés.

L’automne sublime ses sentiers d’ors et de bruns chatoyants.

La montée un peu rude nous a conduit à une première ruine qui offre un panorama époustouflant à 360° sur la plaine du Rhin et tous les vallons qui lui font un contrefort boisé : le Neukastel. Il ne reste qu’un promontoire rocheux de ce château du XIIè s. culminant à 459 mètres d’altitude. De forts vents activaient la course des nuages et créaient une ambiance voilée sur la plaine s’étendant à perte de vue.

Le temps suspendu à l’élan fou des nuages…

Nous avons traversé des forêts immenses, pénétrant au cœur de ces vallons encaissés où des vues incroyables se déployaient par endroit, offrant des panoramas sur les rochers et ruines que nous allions découvrir.

Chaque détour de sentiers déployait d’autres paysages, tous plus beaux les uns que les autres, loin des bruits de l’humanité.

Nous avons fini nos découvertes par les ruines du château de Scharfenberg qui n’est pas ouvert à la visite et l’impressionnant site du château rupestre d’Anebos à 463 mètres d’altitude. Ces sites font partie d’un ensemble de trois châteaux médiévaux : les Trifels. C’est également un lieu d’escalade.

Les contreforts rocheux sont colossaux et la vue qui s’y déploie est spectaculaire, notamment depuis les ruines du château d’Anebos vers le Trifels, le mieux conservé des trois.

Repues, nous sommes redescendues par de larges sentiers vers Leinsweiler que nous avons pris le temps de visiter avant de retourner au gîte.

Lundi 23 octobre 2023

Le ciel se couvre et les températures baissent, l’or des forêts et des coteaux viticoles n’en reste pas moins beau.

J’ai presque dormi 10 heures la nuit passée. C’est bien reposée que je pars pour la dernière randonnée de notre séjour. Nous allons nous enfoncer au cœur des vallons de la Vasgovie. L’objectif du jour est le site de Rötzensteinpfeiler. Il semblerait que ce soit l’un des endroits les plus impressionnants de cette forêt, il culmine à 460 m d’altitude. C’est un long récif rocheux gréseux qui s’étire en aplomb d’une montagne, son mur escarpé de 50 m. est apprécié des personnes pratiquant l’escalade. Sur sa pointe la plus extrême trône une croix qui ouvre sur un grandiose panorama.

La vue est effectivement époustouflante sur les vallons qui s’étirent dans un infini bleuté, nature insoumise à perte de vue où pointent par endroit, les vestiges des châteaux médiévaux qui rappellent le passé glorieux de ces contrées délaissées. Pas un humain sur les sentiers empruntés, le lieu est aussi désert.

C’est là que je voudrais que le temps se suspende. Bulle primitive d’émois décuplés où toute cette beauté me nourrit, je me sens repue et apaisée. Peu de paysages provoque un tel sentiment de complétude chez moi.

Même Phlau qui préfère les forêts aux panoramas est conquise !

Quand nous quittons ce lieu fascinant, c’est pour le découvrir depuis la crête voisine, 3 km plus loin, où s’étale un autre amas rocheux remarquable : les Kieungerfelsen. L’accès par le Sud est difficile, pentu et très technique, la terre et la roche sont humides, je préfère jouer la carte de la sécurité et rebrousser chemin pour retrouver les larges sentiers où abondent les châtaigniers pour retourner à la voiture.

Sur le retour, nous décidons de nous arrêter au Burg Landeck pour savourer une dernière fois leur cuisine végane découverte le premier jour.

Je fais également une cueillette de feuilles locales pour mes prochaines empreintes végétales : chênes, châtaigniers et hêtres, souvenirs de cette forêt splendide et profonde.

Je sais déjà que je reviendrai.

Verdoyante Auvergne

Journal de vacances

  • Dimanche 9 juillet 2023 – Le Pradal, Haute-Loire.

Hameau de quelques maisons en pierre resserrées autour d’une chapelle dédiée aux mineurs, hors de toute temporalité, le présent s’est suspendu là, à 672 m d’altitude, à flanc de coteau boisé de chênes au pied duquel coule le ruisseau d’Arçon. Nous nous situons en Haute-Loire, à plus de 700 km de chez nous.

Nous sommes arrivées hier, vers 17h, après un voyage débuté à 8h. La fin fut éprouvante du fait des températures caniculaires dépassant les trente degrés. Eprouvantes surtout pour les chiennes qui nous accompagnent. La climatisation a tourné à plein régime et je n’ai pris la mesure de ses bienfaits que lorsque j’ai ouvert ma portière pour affronter le vent chaud qui assèche la moindre parcelle d’air.

Le gîte, maison en pierre épaisse blottie contre la colline, est un havre de fraîcheur.

Nous avons été accueillies par un couple âgé. La dame était très rigide, inquiète de découvrir que nous avions un grand chien avec nous, Emma. Leur prestataire leur ayant menti sur la taille de nos chiennes. Inquiète car elle pensait que nous allions les laisser divaguer et qu’Emma allait se transformer en croqueuse de poules du village. Ensuite notre numéro de réservation ne collait pas avec le leur…  parce que nous n’avions pas le même prestataire, un sketch. Heureusement, le couple habite à trois quart d’heure d’ici. Nous serons tranquilles. L’espace n’est pas clos mais encastré dans la logique de la pente et dévale sur le ruisseau qui le traverse. J’ai prévu une longe pour qu’Emma puisse rester dehors avec nous (quand nous profitons du mini jardin) sans aller croquer les poules ou les intrus.

Pas de wifi, très peu de réseau, de quoi bien se déconnecter.

Lavaudieu

La chaleur écrasante est annoncée jusqu’à mercredi. Nous avons donc décidé de partir tôt pour notre première escapade hors de notre havre. J’ai aussi choisi une randonnée, en grande partie boisée, avec des points d’eau pour amener les chiennes avec nous.

Le point de départ est à 30 mn du gîte, dans un autre village de vieilles pierres construit autour d’une remarquable abbatiale du XIè s. : Lavaudieu.

Le circuit déniché sur visorando, débute par des chemins asphaltés et des vues dégagées sur les monts d’Auvergne, les champs ont été fauchés et les ballots ronds de foin parsèment le paysage. Une source est notre premier point d’eau sur le parcours mais elle est tarie quand nous y arrivons (Buze). Notre chemin suit un tracé longeant un bois et Phlau y remarque un joli sentier s’enfonçant dans le sous-bois. La carte m’indique une sente en pointillés qui nous permettrait de raccourcir le trajet en coupant à travers bois pour accéder plus vite à la Sénouire, rivière qui longe le GR300 et me promet fraîcheur et baignades pour les chiennes. Les filles sont OK pour suivre ces pointillés et surtout le joli chemin ombragé qui s’ouvre devant nous. Très vite, le sentier est happé par les bois morts et nous cherchons son tracé à travers les insectes bourdonnants et les toiles d’araignées qui ont investi les lieux et vu, le foisonnement ambiant, on les comprend. Nous avançons malgré tout vers la rivière. Mais à quelques mètres avant de l’atteindre, la pente se fait roche en aplomb et le bois se transforme en ronces et fougères épaisses.  Nous décidons de rebrousser chemin car nous nous mettons en danger et les chiennes nous accompagnent.  On revient tant bien que mal sur nos pas pour retrouver le tracé du départ mais la chaleur est de plus en plus éprouvante. Suzy est au taquet pour être en tête avant de s’écraser dans la fraîcheur de la terre au moindre coin d’ombre. Nous sommes chargées d’eau pour les chiennes, faisons des pauses régulières et mouillons le torse de Suzy. C’est elle qui souffre le plus de ces températures hors normes, comme elle ne perd pas ses poils.

Nous arrivons enfin à la rivière, je craignais que nous n’y ayons pas accès mais son cours large est baigné de galets ronds et elle est abordable à de nombreux endroits, pour le plus grand plaisir de Suzy, Emma et Rosa. L’humidité qu’elle dégage modifie la végétation traversée, les acacias ont remplacé les chênes et des fougères immenses et élégantes ouvrent le chemin et apportent un peu de fraîcheur. Le chemin du retour longe cette rivière, remonte le long des coteaux, traverse des collines boisées aux buissons épineux où la nature touffue grésille dans le soleil qui devient de plus en plus ardent. Claudia est éprouvée par cette chaleur, Phlau me suit de près, tractée par Emma.

A l’orée du village, je sais qu’il reste un km à faire pour rejoindre la voiture mais sur l’asphalte brûlant ce n’est pas la meilleure chose à faire avec les chiennes. Je décide donc d’aller chercher la voiture et de venir les récupérer dans un coin ombragé, malgré les interdictions de circuler pour les touristes dans le village aux rues étroites. Il y a très peu de monde. Les quelques visiteurs sont agglutinés le long de l’eau pour pique-niquer à l’ombre.

Nous croisons un groupe de jeunes (et beaux) séminaristes en robe noire apprêtées et splendides mais sans doute très peu confortables. Ils sont français, viennent d’une école internationale italienne (je leur ai demandé car leur tenue nous a intriguées). Nous offrons un dernier bain aux chiennes dans la Senouire avant de retrouver la fraîcheur bienfaitrice de notre gîte.

Claudia a siesté dormi 3 heures pour récupérer de notre périple ! L’après-midi est lente et paresseuse. Seule Rosa reste vive et vigilante au moindre bruit de mâchoire…

  • Lundi 10 juillet – visites des villages proches.

Nous appréhendons les températures qui ne cessent de monter. Heureusement que nous sommes dans notre vallon boisé loin du bitume et de toute circulation. Le ciel couvert de la matinée a apporté du supportable dans les mouvements. J’ai baladé les chiennes une petite demi-heure au-dessus de notre gîte. Le paysage est magnifique. Je suis impressionnée par le camaïeu de verts, cette nature ne semble pas encore être altérée par la sécheresse.

Nous sommes parties explorer les quelques villages historiques alentours. D’abord Ally culminant à 1000 m d’altitude, point central de ces lieux. D’anciennes mines de plomb, d’antimoine et d’argent parsèment la carte topographique, des moulins également, témoins d’un passé riche en histoire. Sur les hauteurs, c’est un plateau sommital qui se déploie et ne donne pas du tout l’impression d’être en montagne, les espaces sont dominés par la présence humaine et l’exploitation d’autrui.

Nous sommes redescendues vers l’Allier et sa vallée verdoyante. Deuxième arrêt à Lavoûte-Chilhac, labélisé parmi les plus beaux villages de France. C’est son ancienne abbaye des Bénédictins qui en a fait sa gloire. Il semblerait qu’elle a collectionné des reliques diverses mais, à notre grande déception, nous n’en avons vu aucune. J’aime bien le côté magique du religieux et son folklore tant qu’il ne provoque ni n’entraîne violence et meurtre.

J’aime surtout l’histoire et ses méandres, ses traces dans le paysage et j’ai un faible pour toute la période médiévale. Ici, je suis particulièrement gâtée.

Le troisième lieu du jour fut les vestiges du site castral de St Ilpize, perché en aplomb de l’Allier, magnifique forteresse agrémentée d’une chapelle romane et de sa tour seigneuriale.

On y accède depuis Villeneuve d’Allier en passant par un pont suspendu, petite prouesse architecturale plus contemporaine mais qui vaut aussi le détour. La vue est également impressionnante depuis le pont.