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Aux confins de l’eau et de la pierre

La forteresse du Hohenwield

Arrivée samedi 5 avril 2025 – Ofingen

Nous sommes à deux heures de voiture de la maison, au Sud-Est de Strasbourg dans une région située entre la Forêt-Noire et le Jura souabe, sur ces plateaux sommitaux qui donnent l’illusion d’être en plaine.

Nous avons loué une maison avec petit jardin dans un village de vacances le Feriendorf Öfingen, situé sur le plateau de Baar à 900 mètres d’altitude.

L’endroit offre une vue dégagée sur ces plateaux d’altitude et la maison est assez incroyable. De l’extérieur, on dirait une cabane rectangulaire en bois mais comme elle est construite sur une pente, elle se déploie sur trois niveaux et l’espace intérieur est immense !

De multiples chemins de randonnée sillonnent le village et passent devant notre porte. Nous sommes à quelques mètres de sentiers bucoliques qui offrent des vues dégagées jusqu’au Felberg, le plus haut sommet de la Forêt Noire qui culmine à 1493 mètres.

Ce qui est génial en Allemagne, c’est pour la nourriture, pas besoin d’apporter nos vivres ! Ici c’est la véganie. J’ai donc été faire les premières courses à Kaufland, supermarché local situé à coté de là où nous logeons.

Nous sommes arrivées en fin d’après-midi et avons fait une mini randonnée avec Rosa et Suzy pour se familiariser avec notre nouveau lieu de vie. Le soleil se couchait et embrasait le ciel de milles nuances rougeoyantes semblant flamber les forêts de résineux. La terre ocre s’irisait d’éclats fauves. Une ambiance martienne ou apocalyptique selon nos états d’âme.

Dimanche 6 avril 2025 – Sentier d’altitude au-dessus de la vallée de l’Eschach

La vallée de l’Eschach entre Horgen et Bühlingen est un paysage protégé depuis 1953. Nous avons fait un circuit d’environ 13 km en suivant la rivière. Dépaysement garanti car le cours d’eau emprunte des méandres au cœur de paysages enclavés où les traces humaines sont rares si ce n’est les panneaux d’informations qui nous renseignent sur l’histoire des lieux. Un chemin de St Jacques de Compostelle traverse ces territoires. C’est aussi un lieu de migration des crapauds.

Le circuit s’achève par un sentier de montagne saisissant, accroché aux pentes escarpées du coteau, suspendu au-dessus de l’Eschach. Là, le chaos du monde semble s’éloigner ; seuls subsistent le murmure de la vallée et le brouhaha de nos pensées. Ce chemin étroit nous mène au cœur de vastes forêts de sapins aux silhouettes élancées, cathédrales végétales où la lumière filtre discrètement à travers les cimes. Sous leur voûte silencieuse, le sous-bois frémit : tapis de mousse, éclats de fleurs printanières, et mille vies discrètes animent ces ombres accueillantes. Un bout de féérie.

Ce que j’aime aussi dans ces espaces, c’est qu’il n’y a plus de chasse et que l’élevage n’a pas colonisé toutes les pentes à l’inverse des Vosges du Sud. On peut encore s’imaginer qu’un autre monde est possible et arrêter, l’espace de quelques heures, la furie de ce monde.

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L’après-midi est paresseuse. Les filles récupèrent des overdoses d’odeurs de ce matin. Phlau explore Happy Cow pour savoir où nous sustenter dans les prochains jours et je vois le Felberg, inondé de lumière, depuis la table de la cuisine où j’écris.

Lundi 7 avril 2025 – découverte d’un cratère et du gouffre du Danube

Aujourd’hui ce fut un florilège de découvertes géologiques. Nous avons débuté par une petite randonnée d’une dizaine de km qui nous a conduit au cratère Höwenegg. Il résulte d’une activité volcanique il y a environ 10 à 12 millions d’années (Miocène). C’est l’un des volcans de la chaîne du Hegau.

« L’exploitation du basalte jusqu’à la fin des années 1970 a créé un cratère dans lequel les eaux de surface se sont accumulées pour former un petit lac vert scintillant. La zone est désormais une réserve naturelle.

Höwenegg est également connu pour les découvertes de fossiles qui ont été faites lors de fouilles au milieu du 20e siècle. Le plus célèbre d’entre eux est le cheval préhistorique à trois doigts, l’Hipparion. »

Source > https://geotouren-schwarzwald.de/immendingen-hoewenegg-runde/

Ce site est considéré comme un des gisements fossilifères les plus importants du Miocène en Europe centrale. Les fossiles trouvés ont permis de reconstituer une partie de la faune préhistorique du sud de l’Allemagne comme des proboscidiens (anciens éléphants) et des félins à dents de sabre.

Le paysage vallonné est parsemé de volcans basaltiques très reconnaissables car ils forment des collines coniques abruptes, souvent surmontées de châteaux en ruines. Et, au loin, sur la ligne d’horizon, on aperçoit les sommets enneigés de la chaine des Alpes.

A côté du site, il y a un énorme terrain d’essai de Daimler pour ses Mercedes. Les bois ont subi des coupes sévères mais nous avons veillé à rester en sous-bois pour la suite du parcours.

Au retour, nous avons fait une halte dans un lieu extraordinaire : le gouffre du Danube. Le fleuve s’infiltre dans un sol criblé de fissures, comme un vieux parchemin craquelé, et ressort 60h plus tard… dans le Rhin ! Une histoire géologique fascinante. Et nous l’avons vu littéralement disparaître par endroits, et entendu ses eaux gronder sous terre, aspirées comme par magie dans ses fissures invisibles.

C’est fou de penser qu’un fleuve aussi emblématique que le Danube peut s’effacer sous terre… pour aller nourrir un autre fleuve, le Rhin, son rival naturel. Car ici, on est à la frontière entre deux mondes : le bassin versant du Danube, qui se jette dans la mer Noire, et celui du Rhin, qui file vers la mer du Nord. Et chaque goutte d’eau infiltrée ici change de destinée – basculant d’un continent fluvial à un autre. Une frontière invisible, mais bien réelle.

En été, toute l’eau du Danube disparaît sous terre pendant plus de 200 jours. Lors de notre passage, une partie du lit du fleuve était déjà asséchée. Rosa et Suzy ont bu et se sont baignées dans des petites « flaques de Danube », comme des souvenirs d’un cours d’eau en fuite.

Sous nos pieds, il y a un immense réseau de grottes et de failles calcaires — un labyrinthe souterrain. C’est ce qu’on appelle un système karstique. L’eau y voyage sur près de 12 km, avant de rejaillir à la source de l’Aachtopf, la plus grande source d’Allemagne. Nous avons d’ailleurs décidé d’y faire un crochet sur le chemin du retour.

Ce qui est troublant, c’est que ce système reste en mouvement : petit à petit, le Danube semble délaisser sa route de surface, attiré par les profondeurs. Comme s’il ne savait plus très bien de quel monde il dépend, fleuve happé par les entrailles de la terre, tiraillé entre la lumière du ciel et l’obscurité du calcaire, entre l’Orient et l’Occident — un écho minéral à ce choix endémique de notre histoire humaine.

La géologie est passionnante et cette histoire m’a émerveillé pour la journée et sans doute le reste du séjour. Cela m’a donné envie de parcourir la chaîne des volcans proches et d’explorer les ruines qui s’y trouvent.

Repues de toutes ces découvertes et explorations, nous sommes rentrées au gîte pour y déposer Rosa et Suzy afin qu’elles siestent tranquillement et sommes parties déjeuner à Tuttlingen où Phlau a déniché le petit bijou végane de la ville : le Café Manuto. C’est à 20 minutes de la maison.

Quelle découverte ! C’est décidé, ce sera notre cantine. Il propose des petits-déjeuners et des déjeuners servis toute la journée, avec une variété de plats tels que des wraps, des bowls, des salades, des pâtes et des burgers. Le café offre également une sélection de boissons chaudes, jus de fruits et autres boissons non alcoolisées.

Notre repas était excellent. Les desserts sont crus et incroyables ! Divinement bons. La pistache semble à l’honneur et j’adore la pistache.

L’ambiance du restaurant est chaleureuse, parfaite pour une pause gourmande. L’intérieur est spacieux et baigné d’une lumière naturelle grâce à de grandes baies vitrées donnant sur la rue piétonne.

De grandes suspensions en verre au-dessus des tables diffusent une lumière douce et tamisée. Des banquettes confortables ornées de coussins, un long comptoir en bois naturel et des chaises noires minimalistes habillent la salle avec élégance, offrant un cadre à la fois moderne et convivial, propice à la détente comme à la conversation. Bref, on s’y sent bien.

Mardi 8 avril 2025  – Découverte de la forteresse du Hohenwield

Ce matin, je suis partie seule, une heure, avec Rosa et Suzy, marcher dans les bois proches. Le vent est tenace et glacé au petit matin, sur notre plateau sommital. Traverser la forêt nous a protégé de sa morsure. Les filles étaient ravies car le large chemin que nous avons emprunté était couvert de crottins de chevaux. Je l’étais un peu moins et j’ai passé une partie de la balade à veiller à ce qu’elles ne se goinfrent pas du crottin dont elles raffolent !

Ensuite, Phlau et moi sommes parties découvrir le paysage des volcans de la chaîne du Hegau pendant que les filles digéraient leur repas improvisé sur le canapé du salon. Nous sommes à 40 minutes de ces paysages, situés plus au Sud, proche du lac de Constance.

La découverte du jour était le Hohenwield, volcan éteint à 690 m d’altitude, sur lequel une forteresse du Xè s, impressionnante, se dresse, surplombant majestueusement tout le paysage qui s’ouvre sur la ville de Singen, le lac de Constance et les sommets enneigés des Alpes dans le lointain.

Au milieu des blocs de pierre et des murailles en ruine on peut rencontrer une espèce de sauterelle rare, le criquet italien.

Au Hohentwiel se trouve aussi le plus haut vignoble d’Allemagne avec 562 mètres d’altitude.

Cependant, une mauvaise surprise nous attendait au sommet : les billets pour visiter la forteresse ne sont pas vendus au château mais à l’office de tourisme de Singen ! C’est n’importe quoi ! J’étais désappointée de ne pouvoir la visiter. Nous avons décidé d’y retourner vendredi, munies des billets d’entrée cette fois ci !

En redescendant, nous avons pris le temps de flâner un peu dans la douceur printanière du jour et d’observer les prairies sèches qui habillent ce sommet. Puis nous sommes passées à l’office de tourisme de Singen acheter ces fameux billets.

Au retour, j’ai voulu sortir les chiennes mais elles n’étaient pas du tout motivées. J’ai donc abrégé la balade et nous sommes toutes posées au gîte dans des flaques de soleil. Ce soir, nous testons les deux plats véganes au restaurant du village de vacances.

Les deux plats furent excellents mais le serveur s’était trompé dans la commande et la cuisinière nous a d’abord apporté deux plats crémeux douteux. J’ai immédiatement posé la question s’ils étaient bien véganes. Elle a dit non et s’est confondue en excuses en repartant avec les deux plats ! J’ai toujours un doute quand je vais manger dans un restaurant carné qui propose des options végétaliennes.

Mercredi 9 avril 2025 – Découverte des gorges de l’Haslach

Aujourd’hui, nous avons découvert une randonnée absolument spectaculaire : le Genießerpfad Viadukt- und Schluchtentour, que l’on pourrait traduire par Sentier du plaisir – Tour du Viaduc et des Gorges. Rien que le nom donne envie de partir à l’aventure ! J’ai mis deux heures, la veille, à dénicher ce bijou sur Komoot et a le retravailler pour éviter l’asphalte et l’ennui de certains chemins monotones.

Le parcours, d’environ 13 km, nous a emmenés à travers une incroyable diversité de paysages. Nous avons traversé des forêts profondes, longé des gorges impressionnantes, admiré des rochers étonnants comme le Höllloch-Felsen et le Rechenfelsen surplombant l’Haslach, et marché le long d’un sentier de genêts à flanc de colline où les vallons et plateaux sommitaux de la Forêt Noire se découpaient dans le lointain.

Peu d’humains, peu d’urbanisation sur ce parcours extraordinaire qui nous a enchanté. Les ruisseaux traversés, les falaises abruptes très romantiques, les sentiers escarpés des gorges, les panoramas magnifiques ont sublimé notre journée. Le soleil et la douceur étaient aussi au rendez-vous.

Lors de cette magnifique randonnée, nous sommes passées devant un panneau racontant l’histoire de l’ancienne voie ferrée Kappel-Gutachbrücke – Bonndorf, surnommée affectueusement le « Bonndorferli ». Inaugurée en 1907, cette ligne desservait jadis la région six fois par jour avec ses locomotives à vapeur. Elle transportait aussi bien des voyageurs, des voyageuses, que du bois, des graines, du charbon… tout ce qui faisait vivre les vallées de la Forêt Noire.

Le transport de passagers a été arrêté en 1966, puis celui de marchandises en 1977. Les rails ont été démontés, laissant place à un tout autre voyage… Aujourd’hui, ce tracé revit grâce à la piste cyclable du Bahnradweg, très prisée des randonneurs, randonneuses et cyclistes.

Nous sommes rentrées repues de ces paysages sauvages et émerveillées par tant de beauté préservée.

Pour notre repas, nous sommes retournées au Manuto Café à Tuttlingen. Leur carte est tellement variée, leurs plats succulents et, au moins là, pas de confusions possibles, tout est végane !

Jeudi 10 avril 2025 – le mont Himmelberg : « la montagne du ciel »

Comme nous sommes situées à un point central qui rayonne vers une multitude de paysages variés à découvrir, nous faisons minimum 1 h de route tous les jours pour nos périples. Aujourd’hui nous avons décidé d’explorer les lieux à partir du gîte.

Notre vilage

Nous sommes aux pieds du Himmelberg qui culmine à 950 m d’altitude, de notre gîte la vue se déploie sur le plateau sommital et les massifs les plus hauts de la Forêt Noire découpent notre ligne d’horizon. Après les randonnées spectaculaires des jours précédents, je craignais d’être déçue par celle d’aujourd’hui. Evidemment, ce ne fut pas le cas.

Il y a quand même quelque chose, dans ces campagnes allemandes, qui me gêne, une scène qui frôle l’absurde : d’un côté, on épand des milliers de litres de lisier sur les champs qui pue, ruisselle dans les rivières, pollue les sols, mais personne ne s’indigne – parce que c’est “la norme”.

Et à côté de ça ? On oblige les humains des chiens à ramasser religieusement les crottes de leur animal, en pleine nature, dans des sachets plastiques individuels, bien hermétiques. L’acte est devenu un symbole de “civisme”, presque de vertu urbaine. Il ne s’agit pourtant que de quelques grammes de matière organique biodégradable, surtout dans la campagne. On les emballe, on les scelle, et on les jette comme si c’était du plutonium.

Où est la cohérence ?

Il semble qu’on ait deux poids, deux mesures. Quand c’est de l’élevage, en grande quantité, au nom de la “production”, on tolère l’intolérable. Mais quand il s’agit de la petite crotte d’un chien dans l’herbe d’un champ, alors là, on brandit la loi, la morale et la menace d’amende.

Ironique, n’est-ce pas ? On ensevelit des hectares sous le lisier qui pollue mais on s’indigne d’une trace canine sur un sentier qui fera la joie des limaces passant par là.

Peut-être qu’il est temps de revoir nos priorités. De reconsidérer ce qu’on appelle « salissure », et ce qu’on appelle pollution. Et surtout, d’arrêter de camoufler nos incohérences sous des couches bien rangées de plastique.

Notre périple du jour a donc traversé des champs immenses recouverts de lisier qui ont fait la joie des chiennes et beaucoup moins la nôtre.

La « montagne du ciel » (j’aime beaucoup ce nom), dont c’était l’objectif, est recouverte d’épineux et de hêtres. L’ail des ours illumine d’un vert tendre et surprenant les sous-bois où les branches des feuillus n’ont pas encore bourgeonnées. A son sommet, un abri en bois triangulaire, une table d’orientation et… une boîte contenant le « livre d’or » du sommet où les personnes passant par-là, ont laissé des mots, des vœux. Il restait une dernière page à remplir avant que le petit carnet ne soit plein. Nous y avons aussi mis notre vœu.

Nous avons fait une jolie boucle de 12 km sans croiser d’humains, traversé des allées de sapins géants, colosses silencieux et impressionnants de verticalité nous renvoyant à notre ridicule condition humaine. Nous avons cheminé sur de petits sentiers à peine visibles au milieu de l’ail des ours foisonnant et sommes rentrées, à nouveau repues de nature, de lumière et d’air frais.

Pour le déjeuner, nous sommes encore retournées au Manuto Café, notre cantine, à Tuttlingen. Nous avons testé l’offre du jour, une spécialité locale composée de pommes de terre röstis saupoudrées de sucre et accompagnées d’une compote de pommes maison. C’était surprenant et bon.

J’ai aussi pris une glace sur le retour, ma première de l’année, les températures s’y prêtant !

Vendredi 11 avril 2025 – Visite du Hohentwiel

Notre chemin nous a menées à nouveau vers le château fort, campé sur les hauteurs du volcan dont il porte le nom. Cette fois ci, nous avions nos billets.  Nous sommes arrivées à l’ouverture des grilles et l’avons visitée à tour de rôle pour rester avec les chiennes en contre bas. Quand j’en ai fait le tour, nous étions quatre humains dans cet immense espace surplombant les paysages alentour.

Cette forteresse du Hohentwiel trône sur les hauteurs des vallons du pays de Bade comme une sentinelle oubliée du temps. Ce bastion de pierre noire, vestige imposant d’un château imprenable, semble surgir du relief basaltique avec une austérité portant le poids des siècles vécus.

Construite au Xe s, puis agrandie au fil des siècles, la forteresse a longtemps été un symbole de pouvoir militaire et spirituel. À son apogée, elle servait de prison d’État wurtembergeoise et de rempart contre les invasions. Aujourd’hui en ruines, elle dégage toujours une force tranquille, avec ses bastions enchevêtrés, ses casemates silencieuses, ses portes effondrées ouvertes sur le ciel. Les vents y murmurent encore des récits de résistance et d’exil.

Depuis ses hauteurs, la vue s’étire sur le lac de Constance, la vallée de la chaine des volcans du Hegau et, par temps clair, jusqu’aux Alpes suisses. Le silence règne, seulement troublé par le bêlement des chèvres, gardiennes involontaires de ce décor vivant, dont la présence interroge sur notre rapport aux êtres sentients. Car, oui, des chèvres sont exploitées pour l’entretien écologique, elles sont considérées comme des « outils vivants » pour la gestion des paysages. Et évidemment, une fois qu’elles ne sont plus utiles ou qu’elles ne rentrent plus dans les plans d’élevage, elles finissent à l’abattoir. C’est la logique utilitariste répandue dans les systèmes agroécologiques traditionnels qui reposent sur l’exploitation des êtres sentients sous prétexte « d’entretien des paysages ».

Quand on monte vers la forteresse, sur la droite, il y a un large et haut portail en fer forgé qui s’ouvre sur un saisissant petit cimetière tapissé d’ail des ours. Un panneau raconte son histoire. Il s’agit d’un cimetière protestant déjà présent au XVIe siècle, il témoigne de l’époque où la place forte, devenue poste protestant après la Réforme de 1534, formait un petit district pastoral autonome. Après la destruction de la citadelle en 1801, le domaine subsista comme communauté rurale jusqu’en 1968. Les familles de fermiers y furent inhumées jusqu’aux années 1960. C’est un havre de verdure où les pierres tombales, usées par le temps, semblent dialoguer en silence avec les grands arbres qui les entourent. Je me disais que les morts et mortes, sous nos pieds, avaient bien de la chance de reposer dans un tel lieu même si elles n’en ont plus conscience.

Nous avons regagné le gîte en début d’après-midi et sommes reparties, pour notre déjeuner, au Manuto Café, pour un dernier repas succulent et sans souffrance.

Samedi 12 avril 2025 – L’Aachtopf : là où le Danube renaît…

Ce matin, avant de prendre le chemin du retour, nous sommes passées voir l’Aachtopf, la plus grande source d’Allemagne et l’origine de la Hegauer Aach, environ 3/4 de son eau provient du Danube, infiltrée près de Tuttlingen dans le calcaire jurassique fissuré où nous sommes allés voir le gouffre lundi.

Une source cristalline, mystérieuse et puissante, nourrie par les eaux disparues du fleuve.
Un lien secret entre Danube et Rhin, entre deux mers, deux mondes qui me fascine.

Durant près de 60 heures, le Danube devient silencieux, invisible, avant de renaître à l’Aachtopf. Là, ses eaux rejoignent le Rhin, entamant un nouveau voyage vers la mer du Nord, « trahissant » ainsi leur origine orientale.

Ce qui m’émerveille également est que ce phénomène karstique, unique en Europe, est encore en grande partie mystérieux. Les spéléologues ont exploré une partie de ces cavités, mais l’essentiel du réseau reste caché. Un monde parallèle, fluide et obscur, qui rappelle que sous nos pieds, les fleuves ont parfois leur propre logique et, surtout, que l’humain ne peut pas tout maîtriser. Pour moi, c’est une forme de réconfort : savoir qu’il existe encore des éléments qui échappent à notre contrôle, libres et insaisissables.

Au pays de l’Haut de l’A

Samedi 26 octobre 2024 – Arrivée au gîte

Mes destinations sont de moins en moins lointaines. Nos espaces proches sont souvent méconnus et gagnent à l’être. Nous sommes au pied des Vosges du Sud, dans le Val d’Ajol. J’y ai réservé un gîte immense aux espaces ouverts, spacieux et propres.  Cette ancienne ferme, reconvertie en lieu d’accueil pour touristes, est isolée sur une colline, à proximité d’un point sommital à presque 700 m d’altitude qui s’appelle le Haut de l’A. ça ne s’invente pas ! Il a fallu que Phlau le prononce pour que j’entende le jeu de mot.

Nous avons été accueillies chaleureusement par notre hôte qui nous a confectionné une tarte aux mirabelles (végétalienne bien sûr). Je l’avais prévenu que nous ne consommions pas autrui.

La fenêtre de ma chambre, à l’étage, donne sur l’orée d’un bois et, quand le soir tombe, des chevreuils viennent se poser dans le champ proche. Voisins inattendus et ô combien appréciés !

Quand je pense que l’un des arguments des raisonneurs du spécisme, en tant que doctrine défendable, est d’avancer que, si nous cessons toute exploitation, nous coupons les liens avec les autres espèces. J’avais découvert cette aberration comme critique de l’antispécisme dans « Vegan order » de Marianne Celka. C’est tellement le contraire qui se passe.

Ouvrir les yeux sur un système de domination permet déjà de le rejeter et de porter un regard différent sur les liens que nous tissons avec les autres, les victimes de ce système.

Si couper les liens avec les autres signifient de ne plus les exploiter, ni les tuer, il est alors de notre devoir moral de le faire.

Cela dit, depuis ma prise de conscience, je n’ai jamais autant observé autrui, de loin, dans le respect de qui il ou elle est, en veillant à ne pas être intrusive. Me fondre dans un décor et observer qui y vit, qui je côtoie, qui je dérange.

Depuis ma prise de conscience, je n’ai jamais autant été en affinité avec les autres espèces libres que j’ai l’opportunité d’approcher, de fréquenter. Ces « liens » ne reposent plus sur un système de domination volontaire mais sur un regard nourrit par le respect et l’empathie.

L’autre est devenu mon égal.

Ma nuit fut courte. Changer de lieu, de lit, demandent toujours un temps d’adaptation. Rosa m’a collée. Suzy a dormi à mes pieds.

Nous avions prévu d’aller randonner sur les contreforts de Saint Bresson, bourgade à une vingtaine de km d’ici, en Haute Saône.

Lorsque nous avons entamé la marche, des hurlements effroyables de chiens montaient des bois. Aucun panneau n’indiquait une potentielle chasse pourtant c’était bien de ça qu’il s’agissait.

Ce fut horrible et éprouvant. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut prendre du plaisir à provoquer tant de violence, prendre du plaisir à tuer car c’est bien de cela qu’il s’agit. Soudain, les espaces boisés sont sous contrôle total d’hommes assoiffés de meurtre qui s’approprient TOUT jusqu’à la vie des espèces qu’ils croisent, humains compris. Et, nous, promeneuses pacifiques, n’avons pour seul choix que de rebrousser chemin car nous craignons pour notre vie mais aussi d’être confrontées à un tel déploiement de violence. Rien ne justifie cette agressivité et certainement pas une pseudo régulation. Rien ne justifie l’assassinat d’êtres sentients.

J’ai dû chercher une nouvelle randonnée, le cœur battant et l’estomac au bord des lèvres. C’est dans ces moments que ma part d’ombre m’envahit et que j’ai des pulsions de révolte démesurée.

Il m’a fallu du temps pour m’apaiser et le choix du nouveau circuit fut judicieux : sentiers envahis d’herbes hautes au tracé hésitant qui nous a demandé de la concentration, chemins disparus sous les ronces, demi-tours improbables, à flanc de colline où se déployaient tous les ors de l’automne, loin des hurlements anxiogènes des meutes de chiens. C’était un circuit de moins de 10 km mais j’ai l’impression d’en avoir parcouru le double.

Nous avons visité la chapelle des Jeannery, suivi des allées ombragées aux murs moussus, observé la croix monumentale du Mont Dahin du XVIè s ; (mais qui n’est pas monumentale juste grande et élancée) et déniché des étangs lovés dans le creux boisé des plateaux sommitaux. Nous avons même découvert les ruines envahies de mousses, de lierre et d’arbres d’un couvent abandonné au cœur de la forêt, après avoir suivi une sente improbable longeant des buissons touffus et épineux.

Retour au gîte en début d’après-midi, le soleil inonde les lieux. Le reste de la journée sera lent et apaisé.

Le temps est incroyable, lumineux avec un magnifique soleil d’automne et un vent léger qui apaise l’air. J’écris dehors, à l’arrière du gîte, là où les chevreuils viennent se poser soir et matin. Hier nous n’avons vu personne mais je ne suis pas étonnée. La violence des chasseurs y joue sans doute un rôle. Suzy est posée à mes pieds, à l’ombre de la table. Rosa aussi d’ailleurs.

Aujourd’hui nous sommes parties du côté du Val d’Ajol, à une dizaine de minutes de notre maison. Nous avons fait un circuit d’une dizaine de kilomètres bien mieux balisé que celui d’hier. Toute la différence entre les Vosges et la Haute Saône qui est moins une terre de tourisme de randonnée. La balade débutait par la cascade de Faymont, site naturel classé depuis 1910. Elle est lovée dans un vallon encaissé, point de départ de divers circuits autour de la vallée de la Combeauté. Nous sommes montées par de larges sentiers forestiers bien praticables où l’éclat du soleil faisait de généreuses ombres longues dans les sous-bois traversés, les nimbant d’une lumière féérique.

Nous sommes passées à côté d’une monumentale fourmilière, un panneau demandant de la respecter. Ce genre de panneau me laisse toujours perplexe. C’est très bien qu’il ait été placé là, qu’il souligne l’importance du respect face à cette fourmilière mais qu’en est-il des autres êtres sentients ? Ceux et celles qui finissent dans les assiettes ?

Pourtant la science a prouvé que leur vie n’était pas moins légitime que le nôtre, qu’ils et elles avaient un intérêt à vivre, ressentaient joie, peur, tristesse, accablement, etc. En plus, nous n’avons aucun besoin nutritionnel qui justifierait d’abuser d’eux et elles et ça aussi c’est prouvé par la science.

Le circuit continuait vers le plateau sommital entièrement dédié à … l’élevage ! Tous les espaces sont cloisonnés pour cette pratique délétère. Tous les réels habitants de ces lieux (je ne parle pas des humains qui se sont accaparés ces espaces pour ces pratiques d’un autre âge) sont contraints et chassés. Les écosystèmes sont appauvris par la pratique de l’élevage qui ne conserve en rien les paysages. Là aussi, il faut déconstruire la romantisation des campagnes et du pseudo petit élevage local qui n’a de bienveillant et d’écologique que l’illusion qu’il se donne d’y croire afin de perpétrer une domination pernicieuse.

Une fois qu’on a ouvert les yeux sur tous ces systèmes de domination et d’oppression, il est difficile de remettre des œillères.

Donc je n’ai pas apprécié notre circuit sur les hauteurs. J’ai préféré de loin la montée en sous-bois et la descente sur l’autre versant de la colline, là où chantaient les ruisseaux vagabonds et les fontaines abandonnées.

Enfin ! Enfin des espaces boisés et moussus à perte de vue, des vallons herbeux sans vaches au destin tragique, des ruisseaux chantants dévalant gaillardement tous les pans des collines traversées, des étangs aux eaux sombres parées de bouleaux et sapins gigantesques où vient danser et se fondre l’éclat solaire du jour.

Nous avons débuté la randonnée par le chemin de l’empereur, nom pompeux mais lié à l’histoire de ce territoire. Napoléon III et Eugénie, en cure à Plombières, parcouraient volontiers les environs d’Hérival. Le chemin dit ” de l’Empereur ” témoigne donc de ce passé florissant. Il passe devant la source des Tanchottes qui ressemble à un marécage aux eaux translucides. Cette terre d’humidité est émaillée de 27 sources. L’eau abonde partout.

Le sentier passe devant deux étangs et conduit au monumental et remarquable prieuré d’Hérival, aujourd’hui propriété privée. Les prairies autour du prieuré sont inscrites depuis 2005 à l’inventaire des Espaces Naturels Sensibles du Département des Vosges. Le site est saisissant de sérénité et de beauté.

Nous poursuivons notre montée le long d’une route forestière qui nous conduit à un croisement sur la D 57. A ce carrefour se trouve une guinguette qui semble sortie tout droit d’un décor des années 1970.

La descente se fait part un sentier embourbé au départ où Rosa y perdra momentanément sa blancheur. Il se modifie ensuite en une jolie sente qui serpente dans une forêt où dansent les rayons lumineux du jour exceptionnellement doux pour une fin octobre. Il nous amène le long d’étangs reconvertis en exposition nature.

Le final de cette très belle randonnée passe par la cascade du Géhard.

De l’eau, de l’eau et encore de l’eau… partout, chantante, vive ou plus calme, apaisée, selon les formes qu’elle aime prendre.

Sinon, au gîte, les chevreuils sont là le matin et en fin de journée. Pour l’instant j’en ai vu deux, l’un semble prendre plaisir à se poser dans le pré qui côtoie notre maison, l’autre est plus craintif est reste à l’orée du bois, là où serpente un ru dont j’ignore le nom.

Ce matin je suis partie seule randonner avec Rosa. J’aime marcher seule car je suis entièrement libre de mon choix de tracé que j’adapte à mon énergie du moment. Ainsi, nous avons parcouru 16 km dans les tourbières caractéristiques du paysage où nous logeons.

Mon circuit nous a aussi conduit vers de très belles vues, sur la vallée de la Moselle, où s’agrégeaient des nuées blanches denses dans les zones urbanisées dévoilant un panorama magnifique, nimbé de bleus et de lumière. Nous avons longé plein d’étangs dont j’ai oublié le nom, traversé des forêts aux arbres gigantesques, aux mousses épaisses et aux verts tendres, pris des sentiers bordant de vastes prés ouverts sur des lointains bucoliques, sur les vallons vosgiens, ombragés d’ors et de rouges, emprunté des sentes dans des landes de genêts où affleuraient les ruisseaux…

Les couleurs de l’automne et l’exceptionnelle lumière de cette période parent ces cheminements d’une beauté renversante. Les paysages sont enchanteurs, littéralement. Chaque détour de chemin dévoile une nouvelle émotion et l’air oscille entre une humidité prégnante et une chaleur surprenante selon les endroits parcourus. L’eau est présente partout et ruisselle souvent sur les charmilles embourbées qui font de Rosa, un mini amas de poils boueux (que cela ne semble pas déranger).

Aujourd’hui le temps est de saison, un opaque manteau de brume a envahi les collines et les paysages sont emprunts d’humidité. Le matin, j’avais créé un petit circuit de 6 km, à cinq minutes de la maison en voiture, pour balader les chiennes afin de les laisser au repos au gite pour visiter Plombières-les-Bains l’après-midi. Les villes sont des lieux de stress pour mes louloutes et je préfère les ménager donc j’adapte notre séjour en fonction de chacune.

Le circuit du matin, dans les hameaux bordant le bois du Rey, était en grande partie sur les chemins de l’élevage. Les sentiers étaient défoncés par le passage des tracteurs et des vaches exploitées pour leur lait. Les espaces boisés traversés étaient cloisonnés par des ficelles pour guider les vaches vers les fermes à lait afin qu’elles n’osent pas déambuler au-delà des chemins habituels de leur exploitation. Du coup, c’est littéralement tous les espaces qui sont sous la coupe de l’élevage : promeneurs, promeneuses, autres animaux, etc. Tout comme la chasse, l’élevage s’approprie le corps des autres mais aussi les territoires où il se pratique.

Heureusement, la moitié du parcours s’effectuait dans le bois du Rey, écarté des lieux d’exactions. La brume ombrait les sapinières de halots fantasmagoriques et éthérés où dansaient des toiles d’araignées perlées d’humidité.

Et, pas un seul humain sur le parcours, juste nous quatre, émerveillées et les pieds trempés !

L’après-midi je suis partie juste avec Phlau pour découvrir Plombières-les-Bains à quinze minutes du gîte.

Que dire de Plombières ? Déjà c’est encaissé au creux d’une vallée où coule l’Augronne. Y arriver un 31 octobre par une journée de brouillard ne rend pas le site follement attractif. Plombières existe depuis le Vè siècle avant JC, surnommée la « Ville aux mille balcons » et aux 27 sources, ce fut une station thermale très à la mode à différentes époques et notamment au XIXe siècle, sous Louis-Philippe Ier et l’Empereur Napoléon III

Effectivement, il y a une multitude de balcons aux très belles ferronneries parementées qui agrémentent de vieux immeubles… abandonnés. La cité semble figée dans son passé glorieux mais décati. La grisaille du jour n’embellissait pas ce décor dévasté par le temps. Des enfants déguisés parcouraient les rues en quête de bonbons, rajoutant un soupçon d’étrangeté dans ce cadre révolu. Beaucoup de boutiques étaient fermées souvent de façon définitive.

Nous sommes montées sur les hauteurs de la ville pour découvrir les jardins en terrasse, espace alternatif, à ciel ouvert, qui nous a enchantées, à la fois parc de loisirs et lieu culturel. Des personnes déblayaient les parcelles jardinées pour leur toilette hivernale et les différents lieux de convivialité étaient nettoyés et rangés pour la fin de saison. Cela rajoutait au sentiment d’abandon qui planait sur toute la cité mais c’était plus agréable au cœur de la nature. Nous ne sous sommes pas éternisées sur le site.

L’humidité et la grisaille nous ont donné envie de chocolat chaud et de tartines beurrées.

Nous sommes donc retournées dans notre logement pour savourer tout cela et nous pauser dans la quiétude chaleureuse du gîte.

Retour dans la féerique forêt d’Hérival à cinq minutes de la maison en voiture. Je craignais les chasseurs ou le monde puisque c’est un jour férié mais il n’y avait ni les uns, ni les autres.

Je suis tombée en amour de cette contrée boisée sombre et mystérieuse. J’avais dessiné un circuit différent de celui de mardi. Je pense que si nous restions plus longtemps, j’explorerais tous les sentiers de cette romantique forêt vosgienne.

Extrait de https://urls.fr/rpsIr-

Nous sommes montées par un large chemin herbeux non balisé depuis le chalet de l’empereur (mais ces noms !) jusqu’au croisement de La Vigotte en empruntant, sur le dernier kilomètre, un bout du GR5 (magnifique travée ravinée au cœur des mousses et des sapins). Puis nous sommes redescendues par le « fameux » sentier des vieilles abbayes dont les sites de randonnées vantent la beauté.

Effectivement, à partir des ruines des anciennes abbayes dont il ne reste qu’un mur bas envahi, comme le reste de la forêt, de mousses et de graminées, le chemin s’affine et devient une sente féérique parcourue de rus vagabonds et enchanteurs.

Elle traverse la pente abrupte d’un vallon habillé de roches monumentales, de résineux et de feuillus. Le paysage est spectaculaire, baigné d’un soleil d’automne bas qui fait danser les ombres et les ors des feuillages et des arbres morts. L’eau ruisselle partout, babille entre les pierres glissantes et fait des entrelacs avec le sable du gré.

C’est ce sentier qui nous ramène à notre point de départ.

De retour au gîte, nous douchons les chiennes : Suzy s’est roulée dans toutes les odeurs suspectes qu’elle a dénichées et Rosa a des petites bottes de boue noirâtres qui laissent des indices partout où elle passe.

L’après-midi sera paresseuse, le soleil inonde à nouveau nos prés. Dans la vallée, au loin s’agglutine les nuages. Nous savourons cette lumière et cette douceur bienvenues.

En fin d’après-midi, nous décidons d’aller faire un dernier tour dans la campagne proche, là où sommeille l’eau sombre des étangs qui jalonnent la contrée. Je fais découvrir à Phlau et Suzy (moins enthousiasme) celui où je me suis posée avec Rosa lors de notre tour de 16 km.

Pas un seul humain, le soleil s’efface dans des roses délavés au loin et les eaux sont infiniment calmes. Nous y faisons un bref tour afin de prendre encore une dose de pleine nature avant le retour au monde urbain.

Demain est un autre jour.

Nous partons relativement tôt et déjà les chasseurs ont envahi les lieux. Je ne supporte plus ces pratiques d’un autre temps qui maintiennent tout un système oppressif en place et que laisse faire la majorité de la population pourtant contre cette activité meurtrière. Un seul panneau prévient de la chasse. Il y écrit « Soyez vigilants, chasse en cours » ! Ceux et celles qui arrivent de l’autre côté ne seront pas prévenues. Et je pense surtout à toutes les victimes autres qu’humaines qui subissent cette violence tous les week-ends.

La chasse, un problème mortel…

Le printemps en Vasgovie

Une colline, un château


Le Palatinat, cette région de châteaux médiévaux aux histoires légendaires, de rochers majestueux et d’une forêt extraordinaire classée réserve de biosphère par l’UNESCO, fait du sud de la Rhénanie-Palatinat une de mes destinations préférées.

Au Moyen Âge, la région était l’une des plus importantes politiquement du Saint Empire romain germanique. De là, les rois et les empereurs contrôlaient les destinées de la moitié de l’Europe. Mais les Celtes, les Romains et un roi bavarois y ont également laissé leur marque.

Départ pour notre semaine dans le Palatinat afin d’arpenter à nouveau les sentiers de Vasgovie. On part à 5 nanas de 2 espèces. Cédrine doit nous rejoindre en train lundi.

Ce qui est magique est que nous sommes à moins de 1h30 de Strasbourg. Nous avons pris la route à 13h car le gîte n’est disponible qu’à partir de 15h. Pour nous y rendre nous avons longé la frontière côté allemand, empruntant une route étroite au cœur d’une extraordinaire forêt : celle du Bas Mundat.

Le temps est aux giboulées et oscille entre de violentes tempêtes de grêle et des accalmies bleutées, c’est un peu n’importe quoi. Comme nous sommes au pays de la Véganie, nous nous sommes arrêtées dans un supermarché allemand pour nos courses de la semaine, pas besoin d’emporter depuis la France de quoi nous nourrir car ici le choix est juste hallucinant.

Le gîte est une maison triangulaire surprenante lovée dans un
quartier verdoyant
composé d’autres maisons triangulaires, au cœur de la forêt. Nous sommes à la fois isolées et proches de lieux de vie (25 mn de Landau). C’est tranquille et de là où j’écris j’ai vu sur les verts tendres du printemps qui égayent les bois environnants.

Quelques maisons de notre village de vacances :

Nous avons déjà exploré les alentours depuis le gîte. A 3 km, il y a les ruines médiévales du château de Lindelbrunn situé à 437 m d’altitude, offrant une vue époustouflante à 360 degrés. Comme le temps est extrêmement capricieux, les humains ont fui les lieux pour notre plus grand plaisir et les nuages, chargés de pluie, déployés sur ces contrées boisées, nous ont offert un prodigieux panorama.

Les chambres du gîte sont à l’étage et on ne peut y accéder que par un escalier étroit. Cet accès est impossible pour les chiennes. On a donc descendu un matelas des chambres afin que j’y dorme avec Rosa et Suzy, cette dernière a tout de suite monopolisé la couette à mes pieds.

Le temps est totalement inconstant et… froid. Ce matin, un mélange glacial de pluie et de neige tombait mais la météo annonçait une accalmie dans la journée. Nous sommes parties sur les chemins détrempés à la première éclaircie.

Le circuit d’une dizaine de kilomètres empruntait les sentiers proches. Nous avons d’abord découvert le Silzer See qui borde la L493.

A partir de là, le circuit monte dans la forêt par de larges chemins. Le ciel s’est dégagé et très vite les bois ont ruisselé de lumière et de verts chatoyants. C’était infiniment beau.

Nos pas nous ont conduit au promontoire rocheux du Schweinsfels à 400 m. d’altitude auquel on accède par une échelle en métal raide et étroite. La vue panoramique est aussi impressionnante que celle découverte hier. Une croix trône sur la plateforme étrécie du rocher. Partout où se perd le regard se déploient les collines boisées de cette terre de grés rouges et de ruines médiévales. Les nuages chahutent l’horizon et les caprices du temps lui font un écrin de lumières chatoyantes.

Pas un seul humain sur ces sentiers. Je suis toujours fascinée comment mon espèce se cloître à la moindre goutte de pluie. Pourtant c’est à ce moment là que ces lieux se mettent à frémir et palpiter. C’est aussi là que je peux pénétrer dans leur intimité et, enfin, y prendre part. La nature me remet à ma place, élément fragile et insignifiant qui vibre au rythme de ces soupirs.

Le circuit se poursuit le long d’impressionnantes formations gréseuses, les Kellerfels. C’est là que nous redescendons par d’étroits sentiers la colline pour rejoindre notre quartier de maisons triangulaires au cœur de ces lieux enchanteurs.

L’après-midi est consacré à la lecture, l’écriture, la paresse.

Vers 17h, nous irons à Landau découvrir leur restauration végane qui abonde. Nous avons réservé au « Ich bin so Frey »

Nous sommes revenues repues. Le lieu est très accueillant, vaste et lumineux. Le personnel souriant est à l’écoute. Le restaurant était complet ce qui m’a fait plaisir. L’offre végétalienne est impressionnante. Nous avons attendu plus d’une heure notre repas succulent, cela valait bien un peu de patience.

Les pâtisseries sont tout aussi incroyables.

carrot cake (délicieux) et cookie sans gluten (tout aussi délicieux).

En rentrant, j’ai exploré notre village de conte pour digérer. La lumière du soir était extraordinairement orangée nimbant les lieux, où s’étirait la brume, d’une poésie ouatée.

Cette nuit, les températures sont retombées en dessous de zéro. Ce matin, il a fallu dégivrer la voiture mais le ciel avait des promesses de lumière printanière.

Nous sommes parties à 5 km de la maison pour explorer le massif du Heichsberg culminant à 412 m. d’altitude.

On accède au plateau sommital par de larges sentiers sillonnant les bois où, aujourd’hui, nous avons croisé une biche et des chevreuils. La ligne de crête est clairsemée de bornes numérotées, de roches de gré rose plantureuses et de buissons de myrtilles denses.

De chaque côté de cette ligne de crête se dégagent des massifs gréseux offrant, au nord, une vue sur l’imposant château de Trifels près d’Annweiler et, au sud, un panorama grandiose sur les vallons verdoyants du Palatinat. Le bloc de rochers du sud porte le nom de Geiersteine. Il est aussi apprécié des personnes pratiquant l’escalade.

Aujourd’hui, comme les jours précédents, les chemins semblaient désertés par les humains.

En début d’après-midi, je suis partie chercher Cédrine à la gare de Wissembourg, nous avons fait une pause sur le chemin pour quelques courses à Edeka. De retour dans notre nid, ce fut le temps du goûter et j’ai savouré la part de carotte cake achetée à « Ich bin so Frey » que je n’avais pas mangé hier ainsi qu’un cookie sans gluten. Leurs pâtisseries sont vraiment délicieuses.

Vers 18h, Sonia, Cédrine et moi sommes retournée par la forêt aux ruines médiévales du château de Lindelbrunn. Phlau et les chiennes nous ont rejoint en voiture.

Là aussi, pas un seul humain.

Nous avons découvert le restaurant en contrebas du château qui propose à la vente des cadavres des habitants et habitantes des forêts, avec des images de « suicide food » indécentes.

La montée vers les ruines et le lieu déserté m’ont permis d’évacuer ma colère sourde qui jaillit devant tant de dissonance.

La plateforme herbeuse du château nous a offert un écrin de joie partagée. Rosa et Suzy étaient aussi enthousiastes que nous.

L’éclat du soleil tombant voilait les massifs d’une ombre satinée et adoucissait la grisaille des pierres préservées.  Au loin, on pouvait distinguer les nuages porteurs de pluie qui s’amoncelaient par endroit, concentrant des gris plus sombres dans l’éclat azuré de cette soirée quasi parfaite.

C’est le froid de plus en plus mordant qui a eu raison de notre présence et nous a renvoyées vers la voiture garée en contrebas.

Le dîner fut simple et appétissant, cuisiné par Cédrine : raviolis en conserve (je les adore) agrémentées de fromage et passées au four, accompagnées d’une salade de mâche. Le tout végane bien entendu.

Pendant que j’écris mon journal, les filles humaines lisent et celles d’une autre espèce dorment, repues d’une journée chargée d’odeurs et de jeux.

Cette nuit Rosa a partagé mon oreiller. Elle a aussi aboyé à chaque grincement de lit de mes comparses… Malgré tout, j’ai relativement bien dormi. Suzy a préféré rester sur le canapé où il y a clairement plus de place.

La rando du jour est à une vingtaine de minutes en voiture d’ici, plus à l’est, près de Landau. Le départ s’effectue à partir d’un de ces jolis villages de la route des vins du Palatinat sud : St. Johann. Les montagnes sont truffées de blocs rocheux qui leur font des promontoires aux vues grandioses où que l’on aille.  Aujourd’hui, nous sommes parties à la découverte de l’Orenfels à plus de 500m d’altitude.

Une montée de 4 km, à travers les magnifiques forêts de Vasgovie, depuis le village, nous conduit à cette terrasse de grés en surplomb, habitée depuis le haut moyen-âge. La vue y est grandiose et ouvre sur la plaine du Rhin mais aussi sur les vallons, que j’aime tant, de ces paysages boisés où trône le Trifels, ce château imposant qui est le point de convergence de quasi toutes les plateformes visitées à ce jour.

Ces vues époustouflantes m’emportent dans un imaginaire féerique peuplé de dragons, de quêtes impossibles et de secrets farouchement gardés.

Je suis gueuse, va-nu-pieds, truande, chevalière, guerrière, je suis tous ces possibles et plus encore. Ce qui me ravit est ce sentiment que là, dans ces espaces aux vallons infinis gorgés d’histoire et de forêts profondes, un autre monde onirique s’entrouvre.

Sur le sentier qui monte à ces remarquables roches, se trouve un gîte nature à flanc de colline où des gamelles d’eau fraiche étaient proposées à Suzy et Rosa : Naturfreundehaus Kiesbuckel.  Visiblement c’est une auberge ouverte les week-ends où on peut loger et demander des repas adaptés aux engagements de chacun et chacune (vous me voyez venir ?)

Le retour se fait par la forêt et la dernière partie dans les vignes où nous avons profité de la lumière du jour pour nous recharger en bonne humeur.  

Nous sommes aussi passées devant une maison au portail clos qui avait posé un panneau à son entrée, rempli d’autocollants aux messages antispécistes. C’était l’autre moment joie du jour.

J’ai glissé quelques autocollants dans leur portail. Ma petite contribution.

Les après-midis sont paisibles, nous vaquons à nos diverses occupations dans notre maison de conte où le chauffage au gaz crépite comme un feu de bois. Plus tard, j’irai me dégourdir une dernière fois les jambes dans notre hameau si particulier.

Le temps oscillant entre une pluie légère et une neige fondante glacée, nous avons décidé de consacrer la journée à la visite du Trifels, le château restauré, star du coin et visible de partout. Ensuite nous visiterons Landau et testerons un autre restaurant vegan : le VELO, identifié grâce à la formidable application Happy Cow.

Nous nous sommes garées sur le parking au pied du château édifié sur le mont Sonnenberg (494 m). Il se dresse sur un triple piton gréseux, long de 145 m, large de 40 m et surélevé de 50 m. et surplombe, majestueusement, toute la région. Le temps humide a contribué à enchanter les lieux en enrobant de brumes mouvantes les bois et collines alentours où apparaissaient, par moments fugaces, les autres ruines des environs. Ici chaque sommet semble porter un château médiéval.

Entre 1088 et 1330, le Trifels fut un château impérial, l’un des centres de pouvoir les plus importants sous les Hohenstaufen et les Saliens. Les insignes impériaux tels que la couronne, le sceptre et l’orbe impérial y étaient toujours conservés. Aujourd’hui, ce sont leurs répliques qu’on peut encore admirer.

Le château servait également de prison pour des personnalités importantes tel que le roi anglais Richard Cœur de Lion, otage du Saint Empire.

Aujourd’hui il est le résultat d’une alternance de phases d’expansion, de délabrement et de reconstruction sur près de 1000 ans – depuis ses débuts au XIe siècle jusqu’à un passé récent.

Il regorge d’escaliers que Cédrine a exploré avec enthousiasme et ses plateformes s’ouvrent sur de grandioses points de vue.  L’entrée est payante : 4€50.

L’après-midi nous avions réservé une table au VELO restaurant. En allemand, le mot vélo français se dit Fahrrad donc ce nom n’a rien à voir avec une bicyclette. C’est un mélange des lettres du mot « LOVE ». Le lieu est vaste et élégant, la décoration est épurée.

Le repas était succulent. Le restaurant a des menus du midi et du soir et propose une « petite » restauration à tout heure de la journée.

Les propositions sont élaborées et gustativement excellentes, la quasi-totalité des suggestions sont faites maison à partir de produits frais.

J’ai quand même pris deux desserts dont une part de tarte à la mousse de fraise hyper légère et fondante. Chaque bouchée était une explosion de délice dans la bouche. Servie avec des fruits et de la crème chantilly ! Et, comme c’était léger, j’ai aussi savouré leur mousse au chocolat également accompagnée d’un coulis de fraise et de chantilly.

Après cette pause gourmande, nous avons fait un petit tour dans le centre-ville de Landau, ville fondée au XIIIè siècle. Elle est le chef-lieu de l’arrondissement de la Route-du-Vin-du-Sud du Palatinat.

En rentrant au gîte, Sonia, Cédrine, Rosa, Suzy et moi sommes reparties pour un petit tour sur la colline proche de la maison où trône un imposant rocher de 34 m. de haut, le Kriemhildenstein avec vue sur les forêts et notre village particulier en contrebas. Nous sommes montées jusqu’à la croix en pierre Steinernes et son banc qui offrent cette fois ci une vue sur le rocher précédent et toujours sur les reliefs environnants. La pluie avait cessé et le soleil du soir irradiait la forêt d’ombres longues satinant les vallons boisés du lointain. Les chiennes que nous n’avions pas prises avec nous aujourd’hui (interdites au Trifels et compliqué en ville) étaient ravies de cette sortie post méridienne.

Ce matin le ciel gris couronnait de morosité les bois alentours. Nous sommes parties à cinq pour une randonnée de 13 km depuis le parking du Trifelsruhe près d’Annweiler en empruntant une partie du sentier « Richard cœur de Lion », l’otage célèbre du coin.

Rosa et Suzy étaient visiblement ravies de faire partie du périple. Hier était leur journée de récupération où elles n’ont été qu’une heure en balade.

Une grêle fine est tombée pendant une dizaine de minutes sinon nous avons évité l’humidité.

Le circuit conduit à une tour sur la colline du Rehberg qui offre une vue panoramique complète sur la forêt méridionale du Palatinat, la trinité des châteaux de Trifels, Anebos et Scharfenberg (Münz), la plaine du Rhin et la bordure orientale de la Forêt Noire et des montagnes de l’Odenwald. La structure actuelle de la tour s’élève sur un socle de 2 m de haut et atteint une hauteur de 14 m avec le parapet. Un escalier extérieur de neuf marches mène à la porte en arc brisé de la tour , et un escalier en colimaçon de 49 marches mène à sa plate-forme panoramique avec son mur extérieur crénelé. La tour est classée monument historique et fut inaugurée le 17 septembre 1862 après cinq mois de construction.

En somme, en Allemagne, sur chaque colline on trouve soit une ruine de château-fort, soit une croix, soit une tour. On sent l’appropriation forte de l’humain homme sur le paysage par ce besoin de dresser des monuments toujours plus haut que la montagne elle-même.

L’objectif suivant de la randonnée était le Kleiner Hahnstein, « petit rocher » à escalader pour découvrir une nouvelle vue époustouflante sur la région. Encore plus belle que la précédente !

Et tout le long du circuit nous traversons de magnifiques forêts de hêtres, ormes, châtaigniers et chênes aux verts printaniers intenses qui illuminent les sous-bois et accentuent la couleur foncée des troncs, les rendant quasi noirs.

La suite du circuit devait nous mener au pied d’un gigantesque bloc rocheux (400 m de haut) découpé en trois parties : l’Asselstein néanmoins fermé pour cause de nidification des faucons pèlerins qui habitent ces lieux. Il est considéré comme l’une des formations rocheuses les plus puissantes de la région rocheuse de Vasgovie et est donc également appelé le « roi des roches du Palatinat ». Une fois à ses pieds on comprend pourquoi.

En face de cette masse rocheuse impressionnante se trouvait un large banc en demi-cercle faisant face à une sculpture commémorative avec une citation de B. Brecht dont j’ai cherché la signification en rentrant :

– Pour commémorer la rencontre à Asselstein entre socialistes et sociaux-démocrates de différents groupes de résistance du Palatinat le 6 mai 1934, une pierre commémorative et un banc avec vue sur le rocher ont été érigés en 2019.

L’inscription se lit comme suit :

« À la mémoire des sociaux-démocrates qui se sont réunis illégalement à Asselstein le 6 mai 1934 pour discuter des options de résistance contre le régime nazi. » SPD-Palatinat 

Cette citation de Bertold Brecht est magnifique. Un bel hommage à l’humilité.

Ne pouvant accéder à l’Asselstein, nous avons rebroussé chemin pour reprendre, sur deux kilomètres, le large sentier au cœur des bois qui nous a ramené au parking.

Le long du parking, il y avait une aire boisée avec des petites étoiles gravées sur les arbres. Cet endroit est un cimetière pour les cendres de notre espèce. Cela m’a rappelé le lieu de souvenirs au cœur de la forêt de Esch sur Alzette, au Luxembourg, que j’avais découvert avec Gabriel.

Cette randonnée nous a bien affamées, j’ai nourri Suzy et Rosa à la voiture. Nous n’avions qu’une quinzaine de minutes pour rejoindre le gîte, notre faim fut aussi vite comblée.

L’après-midi sera consacrée au repos et à nos menues occupations personnelles.

Nous sommes indubitablement dans une bulle de tendresse où chacune veille sur l’autre et où nos échanges sont drôles, attentionnés et sereins.

Aujourd’hui, départ à 9h pour Dahn, à environ 30 mn du gîte, pour un circuit de 12 km afin de découvrir ce coin défini par ses rochers monumentaux.

La randonnée débute par une montée vers un cimetière militaire comprenant plus de 2 000 soldats morts lors de la Seconde Guerre mondiale. Les noms des soldats sont notés sur de petites pierres – la plupart des pierres portent la mention « inconnu ». Au-dessus de ce lieu de recueillement se trouve une petite chapelle commémorative et au-delà le premier bloc colossal de roches de grés : le Hoschstein. Il fait partie du vaste Dahner Felsenland et se trouve à la limite sud de la petite ville. Un chemin sécurisé et très pentu monte sur la crête et offre encore une vue fantastique sur les montagnes et les autres formations rocheuses.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les habitants et habitantes de Dahn se sont cachées dans ces niches rocheuses naturelles et les grottes sur le Hochstein. La plus grande est « la cabane du soldat », ouverte des deux côtés, elle offre une belle vue sur la ville.

Ce circuit passe par un des chemins de St Jacques de Compostelle.

Nous avons poursuivi notre randonnée vers le Dahner Burgengruppe, un immense complexe de trois châteaux médiévaux semi-troglodytes de toute beauté, composés de Tanstein à l’ouest, du Grafendahn au milieu et de l’Altdahn à l’est.

Il s’agit du plus grand complexe de châteaux du Palatinat construit sur des rochers abrupts et ses parties les plus anciennes remontent au XIe siècle.

Le mieux conservé est l’Altdahn qui offre un dédale d’escaliers, chambres et couloirs creusés dans la roche où on pourrait presque se perdre.

Au retour, j’ai même vu un troupeau de chevreuils qui est passé juste devant Suzy et moi, ce qui a bien intrigué Suzy d’ailleurs qui aurait aimé les suivre… mais non.

Nous sommes rentrées en début d’après-midi, petite pause post-méridienne avant de repartir pour dîner une dernière fois à Landau au « Ich bin so Frey ».

Le luxe de partir à une centaine de km de chez soi c’est que nous avons pris deux voitures.  Demain, Cédrine et moi irons faire une dernière randonnée du côté de Dahn tandis que les filles rentreront directement à Strasbourg.

Nous nous disions aujourd’hui combien ce territoire de vallons et de roches prodigieuses est époustouflant de beauté et nul besoin de partir à l’autre bout du monde pour être au cœur d’une nature généreuse et exceptionnelle.

Jour de départ. Premier réel jour de printemps.

Le gîte doit être libéré pour 10h. Nous nous scindons en deux groupes, l’opportunité d’avoir deux voitures. Tandis que Phlau, Rosa, Sonia et Suzy rentrent à Strasbourg, Cédrine et moi partons une dernière fois randonner dans cette terre d’histoire et de nature.

Le circuit est sur le territoire de Dahn, il part d’un château conservé dont la visite est payante mais que nous ne visiterons pas : le Burg Berwartstein. Aujourd’hui nous avons envie d’espaces et de ruines, loin des foules et du brouhaha de l’humanité.

La première étape nous mène au pied d’un promontoire rocheux, le Schlüsselfels. Nous n’avons pas trouvé le sentier et sommes montées à même la pente au travers d’amoncellements d’arbres chus et de terre glissante. Parcours éprouvant et technique néanmoins gratifiant une fois arrivées sur la plateforme. Il s’agit d’une des parois rocheuses parmi les plus hautes de Vasgovie.  La vue y est époustouflante (comme toujours) et s’épanouit sur ces paysages aux vallons boisés qui m’émeuvent tant.

Nous poursuivons sur le Heidenberg jusqu’au Buchkammerfelsen qui est, à lui seul, un point culminant. Le sentier traverse des falaises de grès parées d’arbres noueux aux racines entrelacées où le pied doit être sûr et l’œil vigilant. À l’intérieur de ces rochers se trouvent des chambres sculptées datant de l’Antiquité. La porte d’entrée est située à environ 8 m de hauteur sur le versant nord du massif, inaccessible pour un ou une marcheuse.

L’étape suivante sont les ruines du Drachenfels (le château dragon) où j’ai eu un réel coup de cœur pour ces vestiges. De loin, on distingue un gros rocher avec une plateforme accessible par un escalier mais en s’en approchant, on découvre un château monumental dont l’exploration est une véritable aventure. Il regorge d’escaliers, de pièces troglodytes et de passages de liaisons. Il a probablement été construit peu après 1200. En 1523, le château a été presque entièrement détruit. Deux rochers de grès rouge, abrupts et très étroits, portent ces impressionnantes ruines.

Partout il y a des terrasses aux vues dégagées sur les forêts, sur les Buchkammerfelsen et sur le village proche. Au loin, on y voit également l’ensemble rocheux des ruines du Dahner Burgengruppe visitées la veille.

Nous rentrons par le sentier boisé de St Jacques de Compostelle pour retrouver la voiture.

Le retour à Strasbourg se fait par la même route qui traverse l’extraordinaire forêt du Bas Mundat sous un soleil radieux.

Ce qui me réjouit c’est la proximité de ces lieux enchanteurs et que je peux y retourner pour m’y replonger quand j’en ressens le besoin. Ce n’est réellement qu’un aurevoir.


L’automne en Vasgovie

Samedi 21 octobre 2023

Cela fait déjà un moment que j’avais envie de passer quelques jours dans la forêt au-delà de la frontière au Nord de l’Alsace. Cet espace boisé infini qui s’offre à la vue depuis le sommet des châteaux forts peuplant les Vosges du Nord. Je l’ai côtoyée parfois, lors de brèves incursions en Allemagne, quand je vais explorer ces châteaux semi troglodytes que j’aime tant.  Ces doux vallons boisés qui s’étendent à perte de vue m’invitent aux rêves loin des turpitudes du monde.

 » La forêt palatine rassemble un ensemble continu de contrées environnées de montagnes forestières dans le land de Rhénanie-Palatinat en Allemagne. Il s’agit d’un reliquat d’une vaste « foresta » placée sous l’autorité des comtes du palais impérial à la fin de la dynastie carolingienne. Ces dignitaires émancipés en partie du pouvoir régalien sont devenus les comtes palatins du Rhin, laissant à leur principauté le nom de Palatinat.

La forêt palatine forme par ailleurs un ensemble géomorphologique unique avec les Vosges du Nord, rassemblé au sein de la réserve de biosphère transfrontière des Vosges du Nord-Pfälzerwald. Cet ensemble est étroitement lié au massif des Vosges, dont il n’est séparé que par le col de Saverne. » Source : WIKIPEDIA

Pour ces trois jours de découverte, j’ai choisi un gîte au pied des vignes à Pleisweiller-Oberhofen. C’est à 1h30 de la maison, à côté donc, et c’est totalement dépaysant. Inutile de parcourir de longues distances pour se sentir ailleurs. Suzy et Rosa étaient du voyage.

Parfois, je sépare les chiennes pour offrir d’autres alchimies dans leur quotidien. Le combo Emma/Rosa est quelquefois difficile à gérer parce qu’Emma est l’idole de Rosa et que cette dernière fait un peu n’importe quoi quand Emma est en balade avec nous. En outre, pour Emma, cela lui permet de souffler aussi car « l’amour » de Rosa est, par intermittence, envahissant pour elle.

Nous avons débuté par un petit circuit de 11km à partir de Göcklingen, village viticole lové au cœur des vignes sur la route des vins du Sud du Palatinat.

De nombreux circuits de randonnées traversent la forêt, de nombreuses ruines l’habitent. La balade fut riche en points de vue, en ruines visitées. Une tour en grès, construite en 1886, la Martinsturm, était notre point culminant à plus de 500 m. d’altitude. C’est une tour d’observation de 14 m de haut . Elle a entièrement été rénovée dans les années 1990, le bâtiment est classé. Dans le passé, elle était également utilisée pour la protection contre les incendies de forêt , mais aujourd’hui, elle n’a qu’une importance touristique. Lorsque la visibilité est bonne, le panorama s’étend sur l’ Odenwald , la Forêt-Noire et les Vosges.

L’autre grande attraction de notre petit périple fut la visite du Burg Landeck, ruine du XIIe s. plutôt bien conservée, avec un remarquable donjon carré et imposant visible de loin, depuis la plaine.

Beaucoup de monde le côtoie, un samedi lumineux d’octobre en plus. Un restaurant trône à l’intérieur et offre deux plats copieux et succulents véganes, la belle surprise de fin de randonnée. Evidemment, nous avons commandé les deux plats et nous nous sommes régalées.

A 17h, découverte de notre gîte qui est parfait, propre, hyper confortable et nos hôtes sont chaleureux et accueillants. Une douche bienvenue va clore cette journée riche en découvertes et en belles surprises.

Dimanche 22 octobre 2023

Le gîte est vraiment exceptionnel, la literie est extraordinaire de confort, j’ai le sentiment de dormir sur un nuage. L’endroit est incroyablement calme. C’est une tanière de luxe où on se ressource pleinement.

Ce matin, nous sommes parties explorer de nouvelles pistes à dix minutes de notre lieu de vie temporaire. Onze kilomètres et presque cinq cent mètres de dénivelé avec un ressenti de vingt kilomètres parcourus tant les paysages sont variés et offrent des panoramas tous plus beaux les uns que les autres. Nous avons fait un circuit sur les vallons qui dominent la plaine, au départ du village viticole de Leinsweiler, sur la route des vins du Sud.

La forêt qui surplombe cette partie du paysage s’appelle la Vasgovie. Composée en grande majorité de châtaigniers, hêtres et chênes, elle est remarquable par ses vallons profondément encaissés et ses ruines médiévales qui jalonnent ses sommets boisés.

L’automne sublime ses sentiers d’ors et de bruns chatoyants.

La montée un peu rude nous a conduit à une première ruine qui offre un panorama époustouflant à 360° sur la plaine du Rhin et tous les vallons qui lui font un contrefort boisé : le Neukastel. Il ne reste qu’un promontoire rocheux de ce château du XIIè s. culminant à 459 mètres d’altitude. De forts vents activaient la course des nuages et créaient une ambiance voilée sur la plaine s’étendant à perte de vue.

Le temps suspendu à l’élan fou des nuages…

Nous avons traversé des forêts immenses, pénétrant au cœur de ces vallons encaissés où des vues incroyables se déployaient par endroit, offrant des panoramas sur les rochers et ruines que nous allions découvrir.

Chaque détour de sentiers déployait d’autres paysages, tous plus beaux les uns que les autres, loin des bruits de l’humanité.

Nous avons fini nos découvertes par les ruines du château de Scharfenberg qui n’est pas ouvert à la visite et l’impressionnant site du château rupestre d’Anebos à 463 mètres d’altitude. Ces sites font partie d’un ensemble de trois châteaux médiévaux : les Trifels. C’est également un lieu d’escalade.

Les contreforts rocheux sont colossaux et la vue qui s’y déploie est spectaculaire, notamment depuis les ruines du château d’Anebos vers le Trifels, le mieux conservé des trois.

Repues, nous sommes redescendues par de larges sentiers vers Leinsweiler que nous avons pris le temps de visiter avant de retourner au gîte.

Lundi 23 octobre 2023

Le ciel se couvre et les températures baissent, l’or des forêts et des coteaux viticoles n’en reste pas moins beau.

J’ai presque dormi 10 heures la nuit passée. C’est bien reposée que je pars pour la dernière randonnée de notre séjour. Nous allons nous enfoncer au cœur des vallons de la Vasgovie. L’objectif du jour est le site de Rötzensteinpfeiler. Il semblerait que ce soit l’un des endroits les plus impressionnants de cette forêt, il culmine à 460 m d’altitude. C’est un long récif rocheux gréseux qui s’étire en aplomb d’une montagne, son mur escarpé de 50 m. est apprécié des personnes pratiquant l’escalade. Sur sa pointe la plus extrême trône une croix qui ouvre sur un grandiose panorama.

La vue est effectivement époustouflante sur les vallons qui s’étirent dans un infini bleuté, nature insoumise à perte de vue où pointent par endroit, les vestiges des châteaux médiévaux qui rappellent le passé glorieux de ces contrées délaissées. Pas un humain sur les sentiers empruntés, le lieu est aussi désert.

C’est là que je voudrais que le temps se suspende. Bulle primitive d’émois décuplés où toute cette beauté me nourrit, je me sens repue et apaisée. Peu de paysages provoque un tel sentiment de complétude chez moi.

Même Phlau qui préfère les forêts aux panoramas est conquise !

Quand nous quittons ce lieu fascinant, c’est pour le découvrir depuis la crête voisine, 3 km plus loin, où s’étale un autre amas rocheux remarquable : les Kieungerfelsen. L’accès par le Sud est difficile, pentu et très technique, la terre et la roche sont humides, je préfère jouer la carte de la sécurité et rebrousser chemin pour retrouver les larges sentiers où abondent les châtaigniers pour retourner à la voiture.

Sur le retour, nous décidons de nous arrêter au Burg Landeck pour savourer une dernière fois leur cuisine végane découverte le premier jour.

Je fais également une cueillette de feuilles locales pour mes prochaines empreintes végétales : chênes, châtaigniers et hêtres, souvenirs de cette forêt splendide et profonde.

Je sais déjà que je reviendrai.

Explorations végétales – les monotypes

Encres, feuilles, fleurs et presse

Empreintes végétales

~Monotypes~

Cela fait plus de trente ans que je travaille avec des végétaux : feuilles, fleurs, racines. Soit en tant que sujet photographique, soit en tant que matière première de mes créations.

J’ai un jardin d’herbes folles qui est ma principale source d’inspiration. Parfois, lors de mes balades quotidiennes, j’en trouve le long des sentiers côtoyés. Mon travail sur les cyanotypes a aiguisé mon regard pour repérer les feuilles qui laisseront la trace la plus remarquable sur le papier choisi.

Ces « cueillettes » je les utilise entre autres dans les empreintes encrées. Les bénéfices de ces créations sont entièrement reversés à des refuges ou sanctuaires. On peut retrouver ces créations à la boutique ENVIE VEGANE de Strasbourg qui participe à ce projet entièrement altruiste.

Pour faire une empreinte, il faut des feuilles ou fleurs fraîchement cueillies. Plus la feuille aura des nervures, plus le résultat sera surprenant. J’aime travailler avec les feuilles de sauge ou de viorne dont la trace laisse de remarquables motifs détaillés mais il en existe une multitude d’autres qui ont fait ma joie et enchanté mon regard.

Je les encre à l’aide de rouleaux encreurs, recto et verso du végétal utilisé. Je travaille essentiellement avec les encres taille douce aqua wash de Charbonnel. J’utilise trois à quatre plaques d’encrage différentes car j’aime le jeu des nuances que les encres permettent de donner à mon empreinte. Parfois j’utilise un monochrome mais c’est plus rare.

Quand le végétal est prêt, je le dépose sur un papier aquarelle dense de 300g/m², le format va dépendre de la feuille ou fleur à imprimer, de mes envies.

Afin de pouvoir réaliser des monotypes assez grands, j’ai acheté une presse à main format A3 de RITUALIS PRESS, portable, robuste, elle est très simple d’utilisation et très pratique.

Sur le végétal à imprimer, je rajoute un papier qui peut être aussi épais que celui de la base mais j’aime aussi travailler avec des pages de vieux livres que j’ai récupérés et que j’ai chiné au hasard de mes déambulations urbaines. Dernièrement, j’ai aussi testé les empreintes sur de vieilles partitions.

Une fois la feuille ou la fleur posées délicatement entre les deux papiers, je la presse manuellement quelques secondes, c’est rapide et très simple à faire.

Le résultat est toujours une surprise pour moi. J’adore ôter délicatement le papier du dessus et découvrir le rendu du jeu des encres, du végétal et de la pression exercée.

Les possibilités se déclinent à l’infini au gré des inspirations.

Verdoyante Auvergne

Journal de vacances

  • Dimanche 9 juillet 2023 – Le Pradal, Haute-Loire.

Hameau de quelques maisons en pierre resserrées autour d’une chapelle dédiée aux mineurs, hors de toute temporalité, le présent s’est suspendu là, à 672 m d’altitude, à flanc de coteau boisé de chênes au pied duquel coule le ruisseau d’Arçon. Nous nous situons en Haute-Loire, à plus de 700 km de chez nous.

Nous sommes arrivées hier, vers 17h, après un voyage débuté à 8h. La fin fut éprouvante du fait des températures caniculaires dépassant les trente degrés. Eprouvantes surtout pour les chiennes qui nous accompagnent. La climatisation a tourné à plein régime et je n’ai pris la mesure de ses bienfaits que lorsque j’ai ouvert ma portière pour affronter le vent chaud qui assèche la moindre parcelle d’air.

Le gîte, maison en pierre épaisse blottie contre la colline, est un havre de fraîcheur.

Nous avons été accueillies par un couple âgé. La dame était très rigide, inquiète de découvrir que nous avions un grand chien avec nous, Emma. Leur prestataire leur ayant menti sur la taille de nos chiennes. Inquiète car elle pensait que nous allions les laisser divaguer et qu’Emma allait se transformer en croqueuse de poules du village. Ensuite notre numéro de réservation ne collait pas avec le leur…  parce que nous n’avions pas le même prestataire, un sketch. Heureusement, le couple habite à trois quart d’heure d’ici. Nous serons tranquilles. L’espace n’est pas clos mais encastré dans la logique de la pente et dévale sur le ruisseau qui le traverse. J’ai prévu une longe pour qu’Emma puisse rester dehors avec nous (quand nous profitons du mini jardin) sans aller croquer les poules ou les intrus.

Pas de wifi, très peu de réseau, de quoi bien se déconnecter.

Lavaudieu

La chaleur écrasante est annoncée jusqu’à mercredi. Nous avons donc décidé de partir tôt pour notre première escapade hors de notre havre. J’ai aussi choisi une randonnée, en grande partie boisée, avec des points d’eau pour amener les chiennes avec nous.

Le point de départ est à 30 mn du gîte, dans un autre village de vieilles pierres construit autour d’une remarquable abbatiale du XIè s. : Lavaudieu.

Le circuit déniché sur visorando, débute par des chemins asphaltés et des vues dégagées sur les monts d’Auvergne, les champs ont été fauchés et les ballots ronds de foin parsèment le paysage. Une source est notre premier point d’eau sur le parcours mais elle est tarie quand nous y arrivons (Buze). Notre chemin suit un tracé longeant un bois et Phlau y remarque un joli sentier s’enfonçant dans le sous-bois. La carte m’indique une sente en pointillés qui nous permettrait de raccourcir le trajet en coupant à travers bois pour accéder plus vite à la Sénouire, rivière qui longe le GR300 et me promet fraîcheur et baignades pour les chiennes. Les filles sont OK pour suivre ces pointillés et surtout le joli chemin ombragé qui s’ouvre devant nous. Très vite, le sentier est happé par les bois morts et nous cherchons son tracé à travers les insectes bourdonnants et les toiles d’araignées qui ont investi les lieux et vu, le foisonnement ambiant, on les comprend. Nous avançons malgré tout vers la rivière. Mais à quelques mètres avant de l’atteindre, la pente se fait roche en aplomb et le bois se transforme en ronces et fougères épaisses.  Nous décidons de rebrousser chemin car nous nous mettons en danger et les chiennes nous accompagnent.  On revient tant bien que mal sur nos pas pour retrouver le tracé du départ mais la chaleur est de plus en plus éprouvante. Suzy est au taquet pour être en tête avant de s’écraser dans la fraîcheur de la terre au moindre coin d’ombre. Nous sommes chargées d’eau pour les chiennes, faisons des pauses régulières et mouillons le torse de Suzy. C’est elle qui souffre le plus de ces températures hors normes, comme elle ne perd pas ses poils.

Nous arrivons enfin à la rivière, je craignais que nous n’y ayons pas accès mais son cours large est baigné de galets ronds et elle est abordable à de nombreux endroits, pour le plus grand plaisir de Suzy, Emma et Rosa. L’humidité qu’elle dégage modifie la végétation traversée, les acacias ont remplacé les chênes et des fougères immenses et élégantes ouvrent le chemin et apportent un peu de fraîcheur. Le chemin du retour longe cette rivière, remonte le long des coteaux, traverse des collines boisées aux buissons épineux où la nature touffue grésille dans le soleil qui devient de plus en plus ardent. Claudia est éprouvée par cette chaleur, Phlau me suit de près, tractée par Emma.

A l’orée du village, je sais qu’il reste un km à faire pour rejoindre la voiture mais sur l’asphalte brûlant ce n’est pas la meilleure chose à faire avec les chiennes. Je décide donc d’aller chercher la voiture et de venir les récupérer dans un coin ombragé, malgré les interdictions de circuler pour les touristes dans le village aux rues étroites. Il y a très peu de monde. Les quelques visiteurs sont agglutinés le long de l’eau pour pique-niquer à l’ombre.

Nous croisons un groupe de jeunes (et beaux) séminaristes en robe noire apprêtées et splendides mais sans doute très peu confortables. Ils sont français, viennent d’une école internationale italienne (je leur ai demandé car leur tenue nous a intriguées). Nous offrons un dernier bain aux chiennes dans la Senouire avant de retrouver la fraîcheur bienfaitrice de notre gîte.

Claudia a siesté dormi 3 heures pour récupérer de notre périple ! L’après-midi est lente et paresseuse. Seule Rosa reste vive et vigilante au moindre bruit de mâchoire…

  • Lundi 10 juillet – visites des villages proches.

Nous appréhendons les températures qui ne cessent de monter. Heureusement que nous sommes dans notre vallon boisé loin du bitume et de toute circulation. Le ciel couvert de la matinée a apporté du supportable dans les mouvements. J’ai baladé les chiennes une petite demi-heure au-dessus de notre gîte. Le paysage est magnifique. Je suis impressionnée par le camaïeu de verts, cette nature ne semble pas encore être altérée par la sécheresse.

Nous sommes parties explorer les quelques villages historiques alentours. D’abord Ally culminant à 1000 m d’altitude, point central de ces lieux. D’anciennes mines de plomb, d’antimoine et d’argent parsèment la carte topographique, des moulins également, témoins d’un passé riche en histoire. Sur les hauteurs, c’est un plateau sommital qui se déploie et ne donne pas du tout l’impression d’être en montagne, les espaces sont dominés par la présence humaine et l’exploitation d’autrui.

Nous sommes redescendues vers l’Allier et sa vallée verdoyante. Deuxième arrêt à Lavoûte-Chilhac, labélisé parmi les plus beaux villages de France. C’est son ancienne abbaye des Bénédictins qui en a fait sa gloire. Il semblerait qu’elle a collectionné des reliques diverses mais, à notre grande déception, nous n’en avons vu aucune. J’aime bien le côté magique du religieux et son folklore tant qu’il ne provoque ni n’entraîne violence et meurtre.

J’aime surtout l’histoire et ses méandres, ses traces dans le paysage et j’ai un faible pour toute la période médiévale. Ici, je suis particulièrement gâtée.

Le troisième lieu du jour fut les vestiges du site castral de St Ilpize, perché en aplomb de l’Allier, magnifique forteresse agrémentée d’une chapelle romane et de sa tour seigneuriale.

On y accède depuis Villeneuve d’Allier en passant par un pont suspendu, petite prouesse architecturale plus contemporaine mais qui vaut aussi le détour. La vue est également impressionnante depuis le pont.

Nous sommes retournées vers midi au gîte. Les températures grimpent et l’air devient irrespirable. Les filles sont dans la fraîcheur de la maison, moi j’écris depuis notre jardin, abritée par un lilas foisonnant, une vigne grimpante le long des vieilles pierres et le parasol déployé. Plus tard, j’irai faire un tour en sous-bois. Emma est allongée à mes pieds et sieste. Elle n’est plus attachée par la longe. Le lieu est tellement tranquille que je ne crains pas qu’elle se sauve. Il n’est pas sur le versant boisé plus habité par les animaux de la forêt. Les papillons sont légions et les insectes saturent l’air du crissement de leurs ailes.

  • Mardi 11 juillet – randonnée à partir du gîte sur le GR 470.

Aujourd’hui la chaleur sera à son paroxysme. Des orages sont prévus dans l’après-midi. Hier soir, j’ai exploré la carte topographique pour un circuit court à partir de la maison. Je suis surprise car les divers sites de randonnée ne proposent rien dans le vallon qui nous héberge et pourtant il est truffé de sentiers menant à de vieilles mines et reliant les hameaux entre eux.  Le GR 470, à 2 km d’ici, concentre l’intérêt.

Phlau était OK pour m’accompagner, Claudia est restée au gîte avec les chiennes. Nous sommes parties à 7h30 explorer les collines proches. J’avais prévu une petite boucle de moins de 10 km qui rejoignait le GR. J’adore son nom : Robe de bure et cotte de mailles. Tout ici nous relie au moyen-âge, période historique que j’affectionne. Nous sommes revenues enchantées de ce mini périple, repue de panoramas grandioses et gorgées d’images bucoliques où nous n’avons croisé aucun humain.

Nous avons traversé le hameau de Condors qui semblait inhabité, pourtant des fenêtres fleuries aux rideaux brodés et pimpants témoignaient d’une vie intime et privée. Le village semble figé dans un autre siècle :  panneaux improvisés, chapelle improbable aménagée dans une cave pour recueillir deux sous afin de restaurer une maison locale, habitats abandonnés en ruine, vieille boite postale du siècle passé et pourtant toujours utilisée, vélos oubliés transformés en décoration florale…C’est à partir de ce lieu que nous avons parcouru un morceau du GR 470, en partie à flanc de colline s’ouvrant sur des vallons lointains et bleutés dans la lumière matinale, déjà saturée par le rayonnement cru du soleil. Au loin, le site castral de St Ilpize se découpait dans l’infini de l’horizon. La danse des insectes bourdonnants rythmait nos pas, une vie grouillait dans les buissons, les papillons virevoltaient, insouciants de la torpeur ambiante.

La flore est exceptionnelle, d’une diversité et d’une densité incroyable : lande à genêt, sainfoin, thym, molène pubescente aux épis floraux exubérants, sauge des prés, scabieuse, achillée, vipérine aux violets chatoyants, œillet du granite, fougères foisonnantes par endroit, etc.    

Parfois j’aimerais que le temps se suspende. Savourer ces instants, les étirer, m’en imprégner à jamais, bulles de quiétude dans le tumulte des mondes.

Une partie du GR emprunte aussi des sentes boisées bienvenues dans la torpeur étouffante de l’été. Nous sommes passées à côté d’un château médiéval en excellent état où la boite aux lettres indiquait : « Général et Madame Guy de Rochegonde ». Naïvement, je suis toujours fascinée que l’on puisse s’identifier d’abord par sa fonction. Cela renvoie à notre rapport au monde et à nos priorités. Et je ne parle même pas de « Madame » qui n’existe que dans le nom de son époux… En faisant des recherches, j’ai aussi compris qu’il s’agissait d’une famille noble. La nuit du 4 août a aboli les privilèges sur le papier mais 250 ans plus tard, ils persistent encore.

Notre retour s’est fait majoritairement en sous-bois, appréciable car les températures étaient déjà de 30 degrés à 10h.

J’ai repris ma place d’hier, dans notre petit jardin ouvert, pour rédiger ces phrases. Rosa et Emma me tiennent compagnie. Suzy préfère rester à l’intérieur avec les filles qui supportent beaucoup  moins la chaleur que moi.

  • Mercredi 12 juillet 2023- Boucle à partir de St Austremoine.

Au réveil, j’espérais que la pluie aurait enchantée le jardin, que nenni. Pas une goutte. L’herbe s’assèche de jour en jour et la terre se craquèle, se repliant sur ses dernières molécules d’humidité pour survivre. Les orages sont passés et nous ont oubliées. Je me demande où tout ce vallon si verdoyant puise son énergie. Je ne me lasse pas de ce lieu délaissé de l’humanité, de Michèle, notre voisine adorable aux petits soins avec nous. Hier nous avons eu droit à une énorme salade de son jardin. Elle aime savoir où nous marchons, ce que nous visitons. Elle me raconte des petites histoires de sa vie et me partage les humeurs de ses compagnons de cœur : Mimi, le chat roux adopté et Anaïs, une yorkshire aveugle qui a atteint l’âge remarquable de 20 ans.

Ici, les routes sont parfois si peu empruntées que des liserons y poussent. C’est beau.

La randonnée du jour nous a conduit à 20 mn d’ici, sur les hauteurs de St Austremoine à + de 900 m d’altitude. Les nuages offraient l’opportunité de marcher à découvert. Nous avons pris Rosa avec nous car elle était particulièrement remuante ce matin et avait besoin de se dépenser. Je savais aussi que le circuit n’était pas long et était faisable pour elle. Suzy et sa tignasse de mouton aurait souffert, quant à Emma, je lui proposerai une balade à notre retour. Vivre avec elles c’est aussi s’adapter à la personnalité de chacune. Quand Rosa a vu que son idole (Emma) ne nous accompagnait pas, elle a voulu rester au gîte mais sa jeunesse aurait fini par nous épuiser, toutes, chiennes comprises. C’est pourquoi elle a fait partie du voyage.

Le point de départ fut la petite place de la mairie, face à la belle église romane (fermée) de St Austremoine. La montée se fait par une route goudronnée, ce n’était pas précisé sur le circuit et j’aurais sans doute adapté notre petite virée. Heureusement que les nuages voilaient l’ardeur du soleil de juillet car nous n’aurions jamais pu l’emprunter par 30 degrés, cela aurait été impraticable pour les coussinets de Rosa. Cela dit les panoramas étaient époustouflants, dévoilant les combes verdoyantes d’Auvergne des versants sud. Les gris en camaïeu d’un ciel bousculé sublimaient les verts profonds des vallons boisés. Et, plus loin, dans le creux des gorges, on devinait les méandres de l’Allier. Nous avons traversé deux hameaux au même charme d’histoires révolues s’ancrant dans un passé d’un autre siècle, contant les temps plus illustres de ces vieilles pierres.

C’est en basculant sur le versant nord que nous avons quitté la route asphaltée pour cheminer enfin le long d’un large sentier sommital aux contours parfois boisés. La campagne traversée alternait des champs prodigieusement fleuris et des landes plus rudes où affleurait la roche. Partout où se perdait le regard, la nature abondait de vie.

L’air oscillait entre la torpeur des jours précédents, quand un voile de nuage se déchirait sur un creux ouvert au soleil, et une brise bienvenue quand les nuages repartaient à la conquête du ciel. Parfois les nuées dessinaient un carcan sombre et inquiétant au loin, nous faisant encore espérer une pluie salvatrice qui n’est jamais venue. Phlau a qualifié ces humeurs de « météo bipolaire », c’est assez justement défini.

Au retour à St Austremoine, nous avons baigné Rosa dans la fontaine du village et nous nous sommes posées à l’ombre d’un tilleul avant de reprendre la route.

De retour au gîte, je suis partie d’abord avec Emma, puis avec Suzy, musarder aux alentours du gîte pendant encore une petite heure.

  • Jeudi 13 juillet 2023 – boucle entre Lavoûte Chilhac et Chilhac.

Cette nuit j’ai presque eu froid et j’ai du me glisser sous le drap pour dormir, quelle merveilleuse sensation ! Ce matin, quelques nuages sont encore présents et rendent l’atmosphère agréable. Nous décidons donc d’emmener les chiennes avec nous pour la randonnée du jour.

Le départ se fait à partir de Lavoûte Chilhac que nous avons déjà visité en partie lundi. Sa particularité, outre qu’il est classé parmi les plus beaux villages de France, est la boucle que forme l’Allier, son pont dont une arche date du XIè siècle et bien sûr, son majestueux prieuré clunisien de Sainte-Croix de La Volte datant également du XIè siècle surplombant la courbe de la rivière.

Cette fois-ci, le circuit se fera essentiellement sur des sentiers souvent boisés dont une partie emprunte le GR 470. Des fontaines jalonnent le chemin et permettent de rafraîchir les chiennes. La campagne est bucolique, les blés blonds ondoient sous une légère brise et ouvrent sur des collines lointaines. Je suis surprise car je vois très peu d’élevages de vaches ou de brebis. Par contre, il y a quelques centres équestres et les champs clos de fils électriques enferment surtout des chevaux.

La montée se fait en sous-bois, le long d’un sentier à la roche ravinée. Il semblerait qu’il ait plu dans ce coin. Quelques flaques de boue font la joie des chiennes. Comme d’habitude, nous ne croisons aucun humain. J’ouvre la voie et les toiles d’araignée s’accrochent à mes bras, à mes épaules. Je suis désolée de saper ainsi leur travail de dentellières. Parfois, les branchages s’ébrasent sur une échappée dévoilant un paysage pastorale idyllique.

Tout est beau. J’ai un sentiment de plénitude.

Au niveau d’Aubazat, nous traversons la D585 pour basculer sur l’autre pan de colline qui nous mène au GR 470.  Le paysage change encore. Nous suivons une ligne de crête où affleure la roche, plus méditerranéenne dans sa végétation. Le sentier est parfois sableux, d’anciens murets témoins du passé viticole de la région bornent la ligne du chemin. La richesse de la flore est encore exceptionnelle. Cette arête nous conduit au remarquable et surprenant village de Chilhac. Dominant l’Allier de près de 70 mètres, le cœur historique du village est construit à l’aplomb d’un spectaculaire escarpement basaltique. Le bourg s’est ensuite développé en contrebas, profitant d’une exposition au sud.

Cette falaise, qui confère au site toute son originalité, est le résultat d’une coulée de lave datée de 1,6 millions d’années. A sa base, comme le feraient les fûts d’un orgue, se dresse une colonnade de prismes réguliers. Propice à la défense, ce site naturel a favorisé, au moyen-âge, l’essor d’un village fortifié. Une église d’origine romane est construite en aplomb de la falaise et son clocher carré ajouré de baies surveille la vallée. Un pont suspendu datant de 1883 permet de traverser l’Allier. Une autre fontaine bienvenue a pu désaltérer tout le monde. Les filles étaient épuisées par la montée et je suis partie seule arpenter les rues de ce village fortifié et découvrir son église et sa nef de quatre travées aux dimensions irrégulières. La lumière jouait avec des vitraux plus contemporains qui sublimaient les statues anciennes.

Nous sommes reparties sur le GR qui nous a conduites par un chemin plus large à notre point de départ.

Les chiennes ont savouré une longue baignade dans l’Allier, Claudia et Phlau se sont fait plaisir en dégustant des frites locales.

Cette après-midi c’est sieste collective sauf pour moi. Ces paysages sont si beaux qu’ils me nourrissent et m’énergisent. J’aime le moment où je me pause dans notre coin de jardin gorgé de chaleur pour écrire les instants du jour. Lézards, papillons et autres insectes me tiennent compagnie. J’ai l’impression d’avoir toujours vécu ici. Ce creux de vallon éloigné du monde me donne un sentiment de profondeur réconfortante. Je suis en amour de ces lieux.

  • Vendredi 14 juillet 2023 – Plateau sommital d’Ally

Si les appareils connectés ne me donnaient pas la date, je ne saurais pas que nous sommes le 14 juillet. C’est sans aucun doute l’un des meilleurs que j’ai passé. En fait, dans notre creux de verdure, seuls les rythmes de la nature, le vent ronronnant dans les branchages et glissant sur les pierres saturées de chaleur, les insectes laborieux, la course du soleil nous indiquent le moment du jour où nous nous trouvons. Cette tranquillité vaut tous les trésors du monde. Rien ne vient l’entraver, surtout pas l’effervescence destructrice humaine.

Ce matin, je suis partie seule découvrir le plateau sommital qui surplombe notre havre, à plus de 1000 m d’altitude. Nous avions déjà été voir la commune d’Ally et son moulin en début de semaine. Aujourd’hui j’avais décidé de faire le circuit des moulins sur tout le plateau. Une douzaine de kilomètres empruntant routes et sentiers à travers un paysage totalement prédaté par l’homme qui y a inscrit son emprise et sa violence. Pas de forêts, des prairies vouées à l’exploitation des bovins, toutes clôturées. Chaque hameau traversé avait sa ferme d’élevage. Cette prédation sur le paysage remonte à l’antiquité où un gisement de plomb et d’argent y était déjà exploité (le site de la Rodde). Redécouvert à la fin du XIXè siècle, il fut mis à profit jusqu’en 1905. Aujourd’hui on peut encore le visiter mais je déteste descendre dans les entrailles de la terre. Ce qui me rassure quand j’explore wikipédia pour trouver des informations sur le plateau, c’est que les fermes d’élevage ont diminué de 41 % depuis 1988.

Mais la France a clairement un retard qui se creuse. Pour nos courses de la semaine au Carrefour Market de Brioude, nous n’avons trouvé aucune alternative végétale excepté une tartinade « Nurish ». C’est honteux. Quand je vois comment les rayons s’étoffent de produits veganes en Allemagne, c’est un gouffre que notre pays devra surmonter. Là-bas, le mot « vegan » n’est pas un gros mot. D’ailleurs les produits carnés ont augmenté de 20 %. Le gouvernement français balance des subventions honteuses aux éléveurs, rampe devant la FNSEA, au lieu de les orienter vers une reconversion végétale qui, seule, garantira l’avenir de l’humanité. Et je ne parle pas de l’oppression systémique qu’est le spécisme qui envoie plus de trois millions d’animaux terrestres à l’abattoir chaque jour. Dans le même temps, des dizaines de millions de poissons sont sortis de l’eau et tués. 

« Selon l’ONU, près de 90 % des subventions publiques de l’agriculture dans le monde ont des effets environnementaux ou sociaux « dommageables ».

La France est, de loin, l’État de l’UE qui bénéficie le plus de la politique agricole commune : 9,5 milliards d’euros d’aides agricoles en 2018, dont 1 milliard d’euros d’aides couplées qui bénéficient à 80 % à l’élevage. » Source : https://www.viande.info/elevage-viande-subventions-aides-europeennes

Le plateau d’Ally est ouvert aux vents et recouvert d’éoliennes, 26 au total. Ce qui explique aussi la présence des moulins, cinq ont été restaurés, deux sont des gîtes ruraux. Un moulin à parole offre des contes et légendes du pays. Ces moulins, majoritairement à farine, datent du XIXè siècle et étaient à disposition des familles locales, de paysans ou de mineurs. Ce sont des tours à corps cylindrique, construits en pierres de pays avec quelques moellons de quartz. Elles offrent un décor original dans l’azur du ciel d’été. Le panorama s’étire sur les monts très lointains et on pourrait se croire en plaine tant les moindres recoins sont cultivés ou domptés.

Je suis revenue au gîte vers midi, accueilli par l’allégresse débordante des chiennes. Chacune s’est adaptée au gîte.

Emma adore passer de longues heures allongée à l’ombre ou au soleil, elle fait parfois le petit tour du propriétaire, elle aime rester dehors, comme moi. Elle est très calme, le lieu l’apaise aussi. Elle n’a plus de longe, elle ne vagabonde pas, ça ne l’intéresse pas. Elle va parfois jusqu’à la rivière en contrebas pour ses besoins et remonte, autonome.

Rosa est la plus curieuse et la plus attentive au voisinage, la plus vive aussi mais elle jeune. Celle qu’on entend le plus également et qui rameute les copines. Elle alterne les siestes sous ma chaise ou sous le canapé si les mouches l’agacent trop. Parfois elle va se coucher sur le carrelage des toilettes pour un maximum de fraicheur. C’est une petite gourmande qui a parfaitement compris comment communiquer avec nous pour atteindre ses objectifs. Elle est irrémissiblement fan d’Emma ce qui n’est pas du tout réciproque. Mais elle s’en fiche. Si nous partons en laissant Emma, elle ne veut pas venir avec nous, son choix est clair. Elle aime les grandes noires élancées. C’est parfois lourd pour Emma et c’est pour cette raison que lorsque je pars en weekend, je n’en prends qu’une pour qu’elle puisse souffler et savourer ce temps entre elle et moi, égoïstement pour chacune.

Quant à Suzy, elle préfère de loin la fraîcheur de ma chambre ou du salon. Son poil dense et épais qu’elle ne perd pas est clairement un handicap par fortes chaleurs. Elle me rejoint dehors le soir quand l’air est moins étouffant. Elle n’aime que les randonnées. Les petites balades du matin ou du soir l’ennuient, surtout au départ du gîte. D’ailleurs, une fois qu’elle a fait ses besoins sur les 50 premiers mètres elle s’assied et décide de nous attendre.

Ce qui est extraordinaire et reposant est qu’il n’y a jamais de tensions entre elles.

Là, Emma s’est déplacée pour se mettre au soleil, le vent est fort aujourd’hui est rend l’atmosphère supportable. Elle pousse des petits gémissements de satisfaction.

J’irai sans doute faire une dernière balade dans le vallon en début de soirée. Demain, 9 h de route nous attendent. J’avoue que je n’ai pas du tout envie de rentrer.

Finalement, les filles m’ont accompagnée pour la dernière sortie. Nous sommes montées au lieu-dit « La Licoulne » où s’arrête la route et commence le sentier conduisant à une autre entrée de mine. Mais tout le site est fermé, sans doute par sécurité. Cette balade m’a permis de savourer une dernière fois la beauté de notre vallon verdoyant.

«Un jour viendra où l’idée que, pour se nourrir, les hommes du passé élevaient et massacraient des êtres vivants et exposaient complaisamment leur chair dans les vitrines, inspirera […] la même répulsion qu’aux voyageurs du XVIe et XVIIe siècle, les repas cannibales des sauvages américains, océaniens ou africains.» –

Claude Lévi-Strauss

Les crêtes découpées du Jura suisse

Les vacances de la Toussaint sont les bienvenues dans ce premier trimestre de lycée dense en préparatifs, réunions, corrections, etc.

Cette année j’ai encore décidé de ne pas partir trop loin, moins de quatre heures de voiture de la maison. Se dépayser n’exige pas forcément de longues distances et marcher reste mon moyen le plus efficace pour me recentrer et me déconnecter des tracas du quotidien.

Jesper et Julie m’ont accompagnée pour cette escapade de cinq jours.

Samedi 29 octobre – Jour 1

J’avais réservé un gîte à la Chaux-du-Milieu en Suisse, dans un coin surnommé « La Petite Sibérie ». Le gîte est aménagé dans une ancienne ferme. Il est immense, tout en bois, rustique et préservé. Nous avions chacun et chacune notre chambre. Seul bémol, il est situé au cœur d’une région d’exploitation des vaches et nous ne pouvions pas ouvrir les fenêtre sans entendre le son de leur cloche, monotonie glaçante d’un outil de torture banalisé pour ces êtres. Outil obsolète qui les rend sourdes et n’est justifié par rien. L’espace est cloisonné en prisons à ciel ouvert, elles ne peuvent échapper à leur mort programmée.

Nous sommes arrivées le samedi 29 octobre en milieu d’après-midi. Le temps de nous installer et de prendre connaissance de notre lieu de vie pour cinq jours fut rapide. Nous sommes ensuite parties dîner à Neuchâtel, la ville importante la plus proche, à 30 mn de la maison.

Jesper avait repéré dans l’application « Happy Cow » LE restaurant végane de la cité : Eateco.

Comme nous étions un peu en avance, nous en avons profité pour monter sur les hauteurs de la ville afin de contempler le lac depuis la roche de l’Ermitage qui offre aussi un point de vue exceptionnel sur les Alpes.

Le restaurant végane fut une agréable découverte, le dîner était succulent et l’ambiance conviviale. Je me suis régalée avec un risotto complet à la courge et aux noix accompagné d’une salade de carottes à la sauce amande et de farinata de pois chiche.

Nous sommes retournées à notre gîte de nuit, croisant une multitude d’yeux brillants au détour des virages, roulant le plus lentement possible afin de préserver cette vie nocturne exceptionnelle.

Dimanche 30 octobre – Jour 2

Ma nuit fut courte. Réveillée à 3h30, j’ai eu le temps de peaufiner quelques randonnées pour le séjour.

Nous sommes parties tôt à la découverte du grand canyon suisse, le point touristique à ne pas rater de la région : le Creux-du-Van, 15 km² de nature protégée où s’épanouissent bouquetins, chamois, chevreuils, lynx et grand tétras. Les températures étaient quasi estivales. Nous avons fait un circuit de 11,5 km et de 646 m de dénivelé avec une pente abrupte. Les pentes escarpées sont le lot du Jura constitué de blocs calcaires massifs et carrés.

Dès notre montée, nous avons croisé deux puissants bouquetins qui mangeaient tranquillement sur le sentier. Nous avons donc coupé à flanc de montagne afin de ne pas les déranger. C’est la première fois que je croisais cette impressionnante chèvre sauvage, peu farouche.

Arrivées au sommet de la pente, le panorama est impressionnant. Les couches de calcaire qui forment l’extraordinaire cirque rocheux du Creux-du-Van ont été déposées par une mer primitive il y a près de 200 millions d’années. Le glacier, par alternances de gel et de dégel, puis les ruisseaux ont sculpté un spectaculaire amphithéâtre, particularité géologique typique du plissement de la chaîne du Jura.

Le sentier qui longe le cirque est balisé et étroit afin de préserver la flore fragile des lieux. Nous sommes montées jusqu’à la Croix du Soliat à 1464 m d’altitude offrant un point de vue exceptionnel sur les Alpes.

Nous avons aussi croisé un troupeau de chamois, qui se déplaçait en escaladant tant bien que mal les barbelés qui enferment ce paysage pour les besoins non vitaux de la pratique arriérée de l’élevage.

D’ailleurs, les éleveurs ont placé régulièrement des panneaux hypocrites disant que les « bovins entretiennent le paysage ». Panneaux installés parfois quelques mètres après ceux rappelant qu’il faut préserver la flore sauvage ! Il semblerait que les vaches suisses sachent faire la différence dans les plantes qu’elles vont brouter. Au-delà de cette fumisterie, la nature n’a pas besoin d’être façonnée par des bovins, de plus ces prisons bloquent et limitent la circulations des autres êtres qui y vivent. Les champs infinis de pâtures n’ont aucun lieu d’exister et n’embellissent en rien le paysage, bien au contraire.

Nous sommes redescendues tranquillement par un chemin moins escarpé pour rejoindre le parking où nous étions garées près de la Ferme Robert.

En rentrant au gîte, Julie et moi nous sommes accordées une parenthèse danse, l’espace immense et ouvert de notre habitacle s’y prête parfaitement.

Lundi 31 octobre – Jour 3

Aujourd’hui c’est la découverte des Gorges de l’Areuse.

« L’Areuse, habituellement paisible, s’écoule avec fracas dans les gorges de l’Areuse, longues de 11 km, situées entre Noiraigue et Boudry dans le canton de Neuchâtel. Un magnifique sentier de randonnée longe le lit de la rivière, par endroits tranquille et à d’autres tumultueuse. Le sentier emprunte des ponts de pierre, des passerelles et des escaliers, traverse des étranglements rocheux et longe des parois rocheuses remarquablement abruptes. »

Ces propos recopiés du site mis en lien expriment parfaitement l’ambiance du parcours du jour. Les températures ont chuté et nous sommes parties sous un ciel gris et chargé d’humidité. Nous avons longé la voie ferrée sur deux kilomètres, l’Areuse suit également cette voie avant de bifurquer vers les falaises qui vont l’encercler. Le spectacle au « Saut du Brot » et son vieux pont de pierre très romantique est impressionnant. Par contre, l’essentiel de la randonnée se fait sur des sentiers goudronnés ce qui est moins agréable.

En fin de journée, nous sommes parties découvrir la petite cité de Neuchâtel et les rives de son lac. C’était Halloween et les maisons s’étaient habillées de décors macabres. Nous sommes retournées dîner à Eateco pour l’occasion.

Mardi 1er novembre – Jour 4

La météo annonçait des torrents de pluie dans la nuit et en matinée. Le paysage des prisons à ciel ouvert s’est davantage appesanti sous le crachin qui tombait. Le gris noyait le vert. Nous avions décidé de découvrir l’autre lieu vegane de la région : la Crème renversante se situant à la Chaux-de-Fonds. C’est un bar à chocolat qui propose aussi des petits plats salés le midi.

Des cieux plus calmes étaient prévus pour la fin de matinée. Nous avons décidé de faire une randonnée sur les hauteurs de la Chaux-de-Fonds mais la pluie ne s’est pas calmée et le paysage était noyé d’eau et de brume. Nous avons traversé une infinité de champs clos où de pauvres vaches mugissaient à fendre l’âme. Le point de vue était totalement bouché. Nous avons écourté cette randonnée pour aller nous réconforter dans un lieu chaleureux.

La Crème renversante nous a proposé une succulente tarte salée sans gluten ainsi que de savoureux desserts. Nous avons fini par déguster un délicieux et immense chocolat viennois chaud.

Rentrées tôt et repues, nous avons fini la journée devant un film léger, profitant de ce temps de repos pour nous ressourcer.

Mercredi 2 novembre – Jour 5

Pour cette dernière journée, nous sommes parties à la découverte des Aiguilles de Baulmes, au départ de Ste Croix, à trente minutes en voiture du gîte. Elles forment un ensemble de crêts dont le point le plus élevé culmine à 1 558 m d’altitude. D’ailleurs ce point le plus élevé était noyé dans une mer de nuages au départ. La montée fut rude (40% par endroit), presque à flanc de falaise entre rocailles et racines glissantes, terre gorgée d’eau des dernières pluies.

La ligne de crête s’étend sur 4 km et la vue s’est dégagée peu à peu, offrant des échappées incroyables jusqu’au lac Léman et sur les Alpes encore baignées de nuages cotonneux.

C’est une très belle randonnée aux vues toutes plus surprenantes les unes que les autres. Le versant nord abrupt est couvert d’une hêtraie-sapinière. Le versant sud est constitué par une falaise calcaire avec des ourlets de prairies et prés-bois. Une réserve forestière de 106 hectares couvre le sommet du crêt. Cet espace est bien moins fréquenté que le Creux-du-Van et d’autant plus appréciable.

Les températures ont bien baissé depuis le 1er jour et sont plus de saison. La neige est annoncée pour le week-end mais nous repartons demain tôt.

Un autre monde est possible #stopElevage

Hormis l’élevage omniprésent, pesant, les sommets restent à peu près des lieux où nous pouvons nous déconnecter de notre humanité assassine. Et puis, notre entente fut chouette pendant cette pause de cinq jours. D’ailleurs, j’ai fait le choix d’utiliser le féminin pluriel dans mes accords puisque nous étions deux filles et un garçon.

A tous les mangeurs et mangeuses de cailloux 😉 LOVE

Toute progression passe par un changement de regard sur les normes.

Explorations végétales – les cyanotypes

Bleus et végétaux

Cet été fut celui où j’ai repris mes envies d’explorer ce que la nature nous offre pour créer. La photo restant ma passion de base, je me suis penchée sur les processus intégrants cette technique et j’ai découvert les cyanotypes.

Le cyanotype est un procédé photographique monochrome négatif ancien par le biais duquel on obtient un tirage photographique bleu de Prusse, bleu cyan.

Cette technique a été mise au point en 1842 par la botaniste Anna Atkins.

Le procédé utilise deux produits chimiques :

On mélange en volumes égaux une solution à 8 % (masse sur volume) de  ferricyanure de potassium et une solution à 20 % de citrate d’ammonium ferrique.

Ce mélange photosensible est ensuite appliqué sur une surface papier. On laisse sécher dans l’obscurité ce support préparé. Une fois le papier sec, les expérimentations peuvent commencer.

Le papier devenu photosensible est exposé au soleil avec des végétaux qui vont imprimer sa surface de leur ombre. Puis il est passé sous l’eau pendant cinq minutes pour révéler le bleu si typique du cyanotype.

Les nuances mettent 24h à se révéler complètement.

J’ai exploré le processus au début de l’été et cela m’a rappelé les photograms que je créais dans les années 80-90 quand j’initiais les élèves à l’aventure photographique argentique.

Très vite, j’ai eu besoin d’aller au-delà de la monochromie bleue du cyanotype de base et j’ai découvert les « cyanotypes humides ». C’est à dire qu’on va humidifier le papier photosensible avec de l’eau, du savon, du vinaigre, etc. On va l’exposer beaucoup plus longtemps aux rayons du soleil (parfois 5 h !).

J’ai laissé mon imaginaire opérer et j’ai rajouté des épices que j’avais sous la main, puis des pigments que j’ai achetés aux Ocres de France.

A partir de là, ce fut pour moi une révélation. J’ai adoré ce qui se révélait avec chaque œuvre créée. Et je me suis mise à observer de plus près toutes les feuilles que je côtoyais. J’ai ainsi découvert des essences d’arbres dont j’ignorais l’existence. Par exemple le chêne rouge d’Amérique m’a fait découvrir que le genre Quercus comprend entre 200 et 600 espèces !!! (chiffre variable selon les classifications vu le nombre important d’hybrides).
En tout cas, pour le chêne rouge d’Amérique, ses grandes feuilles atteignent de 12 à 22 cm en moyenne et se distinguent de celles des chênes caducs européens par leurs 4 à 6 lobes anguleux à extrémité plus ou moins épineuse. Je suis tombée en amour de ses feuilles.

J’ai aussi craqué pour toutes les espèces d’érable et les feuilles de courgettes jaunes à la dentelle si délicate.

Et puis, j’ai été au-delà, je me suis appropriée chaque création, j’en ai retravaillé certaines dont je n’étais pas satisfaite, y intégrant de la peinture aquarelle ou acrylique.

J’ai entrouvert une dimension où je me suis laissée emporter, heureuse de ce que j’y découvrais.

Quelques formats carrés : 17×17 / 21×21 / 27×27

Voyage en Terre du Milieu

~Journal de voyage ~

Samedi 17 juillet

Départ de Strasbourg à 8h, Phlau, Cédrine, Emma , Suzy et moi pour découvrir la région centrale des Puys.

Emma a pris beaucoup de place sur les sièges arrière de la voiture. Elle a eu du mal à se poser comme toujours quand nous partons quelque part. Suzy se cale aux pieds et ne bouge plus du trajet. Elle sait s’économiser.

La route fut assez fluide. Nous sommes arrivées à Saint-Donat vers 17h. Village auvergnat de 200 hab. situé à plus de 1000m d’altitude sur le flanc Sud-ouest du Massif du Sancy. La maison est spacieuse et baignée de lumière, elle est située au bout du village. Elle est agrémentée de jolis volets rouges et ouvre sur un jardin clos, idéal pour les chiennes d’où le choix de cet endroit.

Un immense champ l’avoisine. Il sera le lieu des balades matinales et crépusculaires des chiennes. La vue se déploie sur les Monts Dore au Nord et les Monts du Cantal au Sud. Ce sont de vastes étendues où se perd le regard et où l’accompagne les pensées vagabondes. Ici, des histoires se dessinent au creux de nos imaginaires portées par ces collines verdoyantes.

Le champ avoisinant notre gîte.

L’activité principale sur laquelle repose le village est l’exploitation à outrance des vaches. Les mouches sont légions, partout et surtout dans la maison.

Sorry

Nous avons fait une première sortie de 5 km en fin de journée autour du village voisin de Chastreix. L’eau chante et ruisselle de toute part. Cédrine a sympathisé avec un chaton qu’elle a failli adopté. Mais le chaton n’était pas abandonné, il voulait juste créer du lien.

Le chaton (photo Cédrine)

Dimanche 18 juillet

Mise en  jambe pour démarrer cette semaine de marches : Découverte des lacs entre Cantal et Puy de Dôme par un circuit de 11 km.

Randonnée qui sillonne une partie du GR 30, le chemin y est partiellement boisé ou offre des vues bucoliques sur les campagnes traversées.

Il y a également de jolis panoramas sur les lacs de la Crégut, du Tact, de Laspialade et du Tauron et vers les monts du Sancy.

Une partie du sentier de randonnée était transformée en lit de ruisseau par les pluies diluviennes de ce mois de juillet. Beaucoup d’épicéas tombés encombraient le chemin. Ce fut la partie technique de notre parcours.

Nous avons traversé un champ où vivaient quatre ânes qui ont été fortement intrigués par Suzy et Emma. Du coup, ils nous ont suivies, ont tenté une approche des chiennes qui fut un total échec. Nous les avons quand même papouillés à leur demande en éloignant Emma et Suzy passablement traumatisées par l’insistance intrusive de ces quatre êtres curieux.

Aurélie, Sam et Matéo.

En fin de journée, nous étions invitées à diner chez ma filleule qui habite à 30 mn de notre gîte. Cela faisait un moment que je ne l’avais plus vue. Elle partage son quotidien avec un jeune homme charmant et tous les deux vivent dans une maison accrochée à une colline au dessus de Borg les Orgues. La revoir m’a fait infiniment plaisir. Sa grande sœur et son fils étaient aussi présents. Nous avons passé une soirée chaleureuse. Sam, ma filleule, a un pincher nain, Nouki, qui a littéralement fondu d’amour pour Emma et Suzy mais ce ne fut pas réciproque. D’ailleurs Emma a demandé à dormir dans la voiture sans doute pour être tranquille et être certaine qu’on ne l’oublierait pas en partant ! Beaucoup d’émotions pour cette première journée.

Lundi 19 juillet

Rafales à 70 km /h aujourd’hui. Elles ont chassé loin les derniers nuages.

Les rafales à plus de 70 km/h.

Phlau est restée à la maison aujourd’hui avec les chiennes. Cédrine et moi sommes parties pour découvrir les sommets autour du Puy de Sancy. Le vent nous a surpris par sa violence lorsque nous sommes arrivées au point de départ de la randonnée à Chastreix-Sancy. Nous avons quand même débuté la randonnée mais très vite nous nous sommes retrouvées à escalader des rochers et à traverser des buissons de myrtilles et de bruyères. C’était rude dans ces rafales. Nous avons donc décidé d’aller marcher ailleurs, protégées de ces vents impressionnants.

Nous avons opté pour une magnifique randonnée en partie en sous bois, du côté d’Orcival,  autour de deux surprenants pitons rocheux : la Roche Tuilière et la Roche Sanadoire et de belles vues sur le tranquille vallon du Ruisseau de Fontsalade.

La forêt traversée était verdoyante et magnifique, totalement féerique, l’eau ruisselait partout. Nous sommes passées à côté d’un monastère orthodoxe perdu au cœur des vallons boisés à Malvialle.

Je préfère de beaucoup tomber sur ce type d’endroit au détour des sentes empruntées que sur les élevages qui pullulent dans la région et, comme d’habitude, cloisonnent les paysages. J’ai évidemment beaucoup de mal avec toutes les pubs mensongères qui ventent les productions locales de St Nectaire et les vaches mises en esclavage pour leur lait.

Saviez-vous qu’une vache ne produit « naturellement » que 4 litres de lait par jour qui devrait être (évidemment) réservé à son bébé et que les modifications génétiques imposées à ces espèces leur font produire cinq fois plus de lait en bio et quinze fois plus en conventionnel ? Donc, oui, j’ai beaucoup de mal avec les publicités qui font la promotion des vaches soi-disant heureuses paissant dans les pâturages. Pâturages bien gardés par des enclos de fils barbelés ou de fils électriques qui sont en fait des prisons à ciel ouvert que peu d’humains questionnent.

En fin d’après midi, nous sommes reparties, en famille, à la station de Chartreix Sancy pour se poser sur les hauteurs et contempler la fin du jour sur le plateau de l’Artense déployé au Sud du paysage.

Mardi 20 juillet.

Au col du Pas de l’Ane vers le Sancy.

A la découverte du Puy de Sancy culminant à 1886m d’altitude.

La randonnée prévue hier s’est faite aujourd’hui. 15 km dont la majeure partie sur les crêtes à plus de 1700m d’altitude…éblouissant !

Photo Cédrine

Nous sommes parties de la station de sports d’hiver de Chastreix-Sancy et avons traversé les herbages d’altitude vers la Tour Carrée où nous avons suivi le chemin de crêtes aux vues époustouflantes. Le panorama se déploie au bout de la montée et j’ai, soudain, basculé dans un autre monde, dans une Terre du Milieu qui pourrait accompagner les plus belles épopées de temps anciens ! Ces monstres telluriques apaisés nous rappellent qu’ils furent des démons exhalant la colère des entrailles terrestres en des temps plus reculés. Leur trompeuse douceur toute en rondeur irradie une force tranquille surprenante.

Nous suivons le GR30 sur cette ligne de crêtes qui va de la Tour Carrée et passe par le Puy de Sancy. Par moment, il faut escalader quelques rochers. Une corde sécurise le trajet. Les vues se déploient de part et d’autre notamment vers la station du Mont-Dore et nous croisons des marmottes vivant sur les lieux. Un téléphérique monte jusqu’au Pas de l’Ane et permet d’escalader, par des escaliers, le Puy de Sancy.

A partir de là, c’est l’enfer. Une foule compacte se presse sur les lieux et s’agglutine au sommet du Puy de Sancy. Très vite nous fuyons cet endroit pour rejoindre les sentes plus délaissées loin des téléphériques. 

Nous passons à côté du Puy Gros et redescendons, tranquillement, par les alpages verdoyants incroyablement fleuris avec vue sur le plateau de l’Artense qui se déploie sur l’horizon azuré. Les gentianes abondent. L’espace reste tristement cloisonné pour l’exploitation des vaches. C’est fou comment l’humain s’approprie toujours tout. Dans ces hauteurs vivent des chamois et des mouflons corses et, sans conteste, beaucoup d’autres animaux, c’est avant tout leur lieu de vie que les éleveurs ont électrifié à tout va. Ces magnifiques paysages sont en fait de gigantesques prisons électrifiées au nom d’une tradition mortifère.

Nous finissons notre parcours par la traversée du cirque de la Fontaine Salée culminant à 1400m d’altitude. Paysage alpin de carte postale. Les derniers kilomètres nous ramènent à travers d’autres pâtures électrifiées à notre point de départ. Nous sommes repues par la beauté des lignes de crêtes de  ces anciens volcans.

Mercredi 21 juillet

Cascade des Essarts et visite de La Bourboule.

Ce matin, nous sommes parties toutes les cinq à la découverte de la cascade des Essarts à Chastreix. Située à côté du village, un sentier boisé y conduit.  La cascade est nichée dans un creux et ruisselle sur des colonnes prismatiques dues aux coulées de lave sur le ruisseau de la Gagne. Nous y étions seules et avons savouré ce moment hors temporalité.

L’après-midi fut plus urbaine avec visite de La Bourboule. Dans la 1ere moitié du XXè siècle elle fut l’une des stations thermales les plus importantes du Massif Central.  Elle a accueilli une élite bourgeoise de toute l’Europe comme en témoigne ses villas pour la plupart abandonnées de nos jours ou reconverties en appartements de vacances.  Buster Keaton y a même séjourné. Au cours des Trente Glorieuse elle se reconvertit pour devenir la plus importante station thermale de France pour enfants sous l’impulsion de la Sécurité Sociale. Dire que petite j’ai failli y aller en cure ! C’était d’ailleurs ma hantise. Je ne voulais pas partir seule loin de mes parents et je pense que cela aurait été traumatisant. En passant, je les remercie de ne pas avoir écouté le médecin de l’époque. Je n’ai aucun problème aux poumons, j’ai juste grandi dans une famille de fumeurs et fumeuses…

Nous sommes montées à la Roche aux Fées qui offre un très beau panorama sur la ville lovée dans un élargissement de la vallée glaciaire de la Hte Dordogne à 852m d’altitude.

La Bourboule

Jeudi 22 juillet 21

Découverte des Puys de la Védrine et du Baladou entre 1311 et 1455 m d’altitude.

La randonnée choisie suit une partie du GR 4 par un sentier large et agréable. Nous sommes montées avec Phlau en haut du Puy du Baladou à l’accès difficile car clos par ces barbelés des champs prisons. Cédrine nous a attendues à l’ombre d’un sapin avec Emma et Suzy.

Quand nous avons repris notre parcours, je suis tombée sur Emma qui se roule tous les 200m sur le dos. Là, elle avait décidé de le faire juste devant moi pendant que j’observais le paysage sur ma gauche. Elle s’en est beaucoup mieux sortie que moi, j’ai mon genou gauche écorché ainsi que ma main gauche…plus de surprise que de mal.

Le GR 4 chemine vers la chaîne des Puys. Les paysages sont splendides et ouverts sur l’espace des sommets arrondis qu’ont formé les anciens cratères des volcans assoupis.

A un moment on quitte le GR pour passer par une forêt de sapins datant du XIXè s. Ici aussi on a rasé les forêts primaires pour s’accaparer la matière première et exploiter les espaces. La traversée de la forêt, en grande partie à l’ombre, fait du bien. Au lieu dit Le Buron du Creux, une vieille bâtisse est à l’abandon et une chouette a établi son repaire dans la cheminée. Nous avons pu la voir subrepticement avant qu’elle ne retourne dans sa cheminée.

Une grande partie de la forêt a été déboisée récemment. Du coup, marcher sous un soleil ardent est assez éprouvant pour Suzy. J’ai veillé à ce qu’il y ait des points d’eau sur tout le parcours.

Après notre pause déjeuner, nous n’avons pas trouvé le sentier indiqué et avons improvisé avec la carte topo. Ce fut l’aventure sur 500m où nous avons traversé une mini jungle locale de fougères verdoyantes, d’arbres déracinés par les dernières tempêtes, tout en longeant un ru moussu. C’était beau… les chiennes sont revenues pleines de tiques (c’était moins poétique du coup !).

Le retour s’est fait pas un sentier à découvert de hautes herbes. Les paysages déployés avaient un goût de Provence. Heureusement que ce chemin n’était que sur la fin du tracé car c’est assez pénible de marcher dans les hautes graminées, surtout pour les chiennes. Nous nous sommes toutes rafraichies une dernière fois à la fontaine du village de Pessade (où des gens utilisent l’eau pour laver leur salade).

Sur le retour, nous nous sommes arrêtées au lac de Chauvet mais n’y avons trouvé aucun intérêt particulier. Nous sommes rentrées pour nous gaver de melon, pastèque et brugnon.

Vendredi 23 juillet

Notre ligne de Puys du jour.

Notre randonnée d’hier nous a donné envie de remonter sur les lignes de crêtes des Puys, autour du Sancy, où les vues m’avaient tellement émue, mardi dernier, quand j’ai découvert ces sommets arrondis et herbeux surplombant les plateaux de cette terre du Milieu qu’est finalement le Massif Central. Les chiennes sont interdites afin de ne pas stresser les autres animaux, notamment les chamois qui peuvent avorter spontanément de peur. Donc, elles sont restées tranquillement dans notre gîte, qu’elles ont totalement adopté, et ont ainsi pu récupérer de leur journée d’hier. De plus, les températures ont dépassé les 30 degrés et il n’y a pas une auréole d’ombres sur ces Puys.

Cabine du téléphérique de la Perdrix.

Nous sommes montées par le téléphérique de la Perdrix, notre temps étant compté du fait de ne pas laisser Emma et Suzy plus de 5h seules. En même temps, cela nous a permis de suivre la ligne de crêtes des Puys, autour du Sancy, sur une dizaine de kilomètres en comptant l’aller et le retour et nos pauses contemplatives pour absorber la beauté de ces sommets herbeux et verdoyants.

Nous avons emprunté le GR4 vers le Puy de Cacadogne culminant à 1785 m d’altitude, sur son versant  Sud s’étend la luxuriante vallée de Chaudefour, réserve naturelle sur laquelle veillent deux rochers impressionnants : la Dent de la Rancune et la Crête de Coq. Nous avons pu y voir, au loin, des chamois. Nous avons aussi observé une marmotte qui a fait de même avec nous.

Nous sommes passées par le Puy des Crebasses et avons continué à proximité du Col de Cuzeau où nous nous sommes posées pour une première halte contemplative. A partir de là, nous sommes revenues sur nos pas. Vers 11h la montagne commence à se peupler de touristes, c’est le temps pour nous de quitter les lieux. Nous avons fait une dernière pause au Puy de la Perdrix culminant à 1825m d’altitude. Engranger un maximum de paysages dans notre boite à souvenirs…

Je suis littéralement tombée en amour de ces sommets.

Ego Portraits souvenirs après 80 km et 3500 m de dénivelé + en 6 jours.

« L’Auvergne… C’est un secret plus qu’une province. Elle vous tourmente toujours d’un tendre songe. C’est quand on l’a trouvée qu’on la cherche le plus. »

Chroniques de La Montagne d’Alexandre Vialatte

Si les rochers m’étaient contés…

Aujourd’hui je vous emmène au cœur de la forêt domaniale de Saverne.

Un endroit que j’affectionne particulièrement car isolé des habitations. Un endroit qui me laisse croire que je ne vis pas dans une des zones les plus urbanisées de la planète. Un endroit où m’évader est possible. Un endroit où je peux avoir l’illusion, pour quelques heures, d’être seule humaine sur les sentiers parcourus. Un endroit où je peux oublier les dérives de l’espèce à laquelle j’appartiens. Un endroit qui peut protéger mes rêves et nourrir mes espérances d’un monde plus juste.

J’ai tracé ce circuit au début du printemps.

Julie et Emma m’ont accompagnée dans mes découvertes par une radieuse journée d’avril.

Le point de départ est le parking proche de la maison forestière du Haberacker. A partir de là, on suit le triangle bleu jusqu’au carrefour de La Seeb d’où partent de multiples chemins de randonnée.

Nous décidons de monter vers les Seebfels, premier piton rocheux qui offre une vue sur le Schlossberg, juste en face, où se situent les ruines d’un château que j’aime particulièrement : l’Ochstenstein.

Ensuite nous continuons vers le deuxième promontoire rocheux, le Schweizerberg : celui qui abrite la Gloriette de Neubaufels, construite en 2006, où il est possible de se réfugier par temps pluvieux.  Le chemin serpente sur le petit plateau rocheux au milieu de fougères asséchées par l’hiver rigoureux.

On redescend ensuite, en suivant le cercle bleu, sur un chemin forestier qui bifurque très vite en une sente à flanc de rocher ouvrant un panorama boisé sur le plateau voisin.

Cette sente rejoint le chemin des pionniers (cercle rouge) qui mène, après 3 km, à la jolie maison forestière abandonnée du Baerenbach. Ce long chemin se déploie dans un décor boisé de toute beauté, révélant par endroits, le plateau du Wuestenberg, haut lieu de mythes nordiques. Le chemin doit son nom au 157è bataillon de pionniers qui l’a construit en 1895.

La maison forestière est au creux d’une petite vallée encaissée où coule le ru qui lui a donné son nom : le Baerenbach. Emma peut s’y désaltérer.

A partir de là, on entame une longue montée vers la grotte des Francs Tireurs dans un décor tout aussi enchanteur où le vert tendre des premiers feuillages irisent les verts plus sombres des épicéas recouvrant les vallons traversés.

La grotte des Francs Tireurs est un vaste abri-sous-roche de 28 m de largeur ouvert au pied d’une paroi de grès. Elle aurait servi de cache aux habitants et habitantes de Garrebourg au début de la guerre de 1870. Nous y croisons un couple qui alimente un feu de camp. Le moment semble hors de toute temporalité.

Assez vite, nous les laissons à leur complicité et continuons vers le sommet et ses rochers prometteurs en empruntant le chemin forestier du Margaretenweg.

A partir de là, roches monumentales, pitons rocheux, amas gréseux sont légions et offrent des panoramas tous plus beaux les uns que les autres : rocher Marguerite, Kelchfels, Pfannenfels.

C’est sur ce dernier que nous nous posons pour déjeuner. La vue sur le rocher de Dabo et les collines avoisinantes nourrit notre désir d’évasion.

Je me délecte du cake à l’orange que Julie a apporté dans ses sacoches.

Les derniers kilomètres descendent et montent plus sportivement en suivant le balisage triangle bleu.

Nous traversons une nouvelle fois le Baerenbach à la grande joie d’Emma et rejoignons, au bout d’un kilomètre, le carrefour de la Seeb, point de notre départ, où nous nous arrêtons pour savourer une dernière fois la magie de cette forêt et du moment partagé.

« Gravir

Prendre le pouls de la terre

Accrocher son regard aux ronces

Viser pentes abruptes

Repousser la satisfaction

Un peu

Plus loin

Grandir dans l’étirement »

Tania Tchénio « Pop-corn », 2020.