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Aux confins de l’eau et de la pierre

La forteresse du Hohenwield

Arrivée samedi 5 avril 2025 – Ofingen

Nous sommes à deux heures de voiture de la maison, au Sud-Est de Strasbourg dans une région située entre la Forêt-Noire et le Jura souabe, sur ces plateaux sommitaux qui donnent l’illusion d’être en plaine.

Nous avons loué une maison avec petit jardin dans un village de vacances le Feriendorf Öfingen, situé sur le plateau de Baar à 900 mètres d’altitude.

L’endroit offre une vue dégagée sur ces plateaux d’altitude et la maison est assez incroyable. De l’extérieur, on dirait une cabane rectangulaire en bois mais comme elle est construite sur une pente, elle se déploie sur trois niveaux et l’espace intérieur est immense !

De multiples chemins de randonnée sillonnent le village et passent devant notre porte. Nous sommes à quelques mètres de sentiers bucoliques qui offrent des vues dégagées jusqu’au Felberg, le plus haut sommet de la Forêt Noire qui culmine à 1493 mètres.

Ce qui est génial en Allemagne, c’est pour la nourriture, pas besoin d’apporter nos vivres ! Ici c’est la véganie. J’ai donc été faire les premières courses à Kaufland, supermarché local situé à coté de là où nous logeons.

Nous sommes arrivées en fin d’après-midi et avons fait une mini randonnée avec Rosa et Suzy pour se familiariser avec notre nouveau lieu de vie. Le soleil se couchait et embrasait le ciel de milles nuances rougeoyantes semblant flamber les forêts de résineux. La terre ocre s’irisait d’éclats fauves. Une ambiance martienne ou apocalyptique selon nos états d’âme.

Dimanche 6 avril 2025 – Sentier d’altitude au-dessus de la vallée de l’Eschach

La vallée de l’Eschach entre Horgen et Bühlingen est un paysage protégé depuis 1953. Nous avons fait un circuit d’environ 13 km en suivant la rivière. Dépaysement garanti car le cours d’eau emprunte des méandres au cœur de paysages enclavés où les traces humaines sont rares si ce n’est les panneaux d’informations qui nous renseignent sur l’histoire des lieux. Un chemin de St Jacques de Compostelle traverse ces territoires. C’est aussi un lieu de migration des crapauds.

Le circuit s’achève par un sentier de montagne saisissant, accroché aux pentes escarpées du coteau, suspendu au-dessus de l’Eschach. Là, le chaos du monde semble s’éloigner ; seuls subsistent le murmure de la vallée et le brouhaha de nos pensées. Ce chemin étroit nous mène au cœur de vastes forêts de sapins aux silhouettes élancées, cathédrales végétales où la lumière filtre discrètement à travers les cimes. Sous leur voûte silencieuse, le sous-bois frémit : tapis de mousse, éclats de fleurs printanières, et mille vies discrètes animent ces ombres accueillantes. Un bout de féérie.

Ce que j’aime aussi dans ces espaces, c’est qu’il n’y a plus de chasse et que l’élevage n’a pas colonisé toutes les pentes à l’inverse des Vosges du Sud. On peut encore s’imaginer qu’un autre monde est possible et arrêter, l’espace de quelques heures, la furie de ce monde.

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L’après-midi est paresseuse. Les filles récupèrent des overdoses d’odeurs de ce matin. Phlau explore Happy Cow pour savoir où nous sustenter dans les prochains jours et je vois le Felberg, inondé de lumière, depuis la table de la cuisine où j’écris.

Lundi 7 avril 2025 – découverte d’un cratère et du gouffre du Danube

Aujourd’hui ce fut un florilège de découvertes géologiques. Nous avons débuté par une petite randonnée d’une dizaine de km qui nous a conduit au cratère Höwenegg. Il résulte d’une activité volcanique il y a environ 10 à 12 millions d’années (Miocène). C’est l’un des volcans de la chaîne du Hegau.

« L’exploitation du basalte jusqu’à la fin des années 1970 a créé un cratère dans lequel les eaux de surface se sont accumulées pour former un petit lac vert scintillant. La zone est désormais une réserve naturelle.

Höwenegg est également connu pour les découvertes de fossiles qui ont été faites lors de fouilles au milieu du 20e siècle. Le plus célèbre d’entre eux est le cheval préhistorique à trois doigts, l’Hipparion. »

Source > https://geotouren-schwarzwald.de/immendingen-hoewenegg-runde/

Ce site est considéré comme un des gisements fossilifères les plus importants du Miocène en Europe centrale. Les fossiles trouvés ont permis de reconstituer une partie de la faune préhistorique du sud de l’Allemagne comme des proboscidiens (anciens éléphants) et des félins à dents de sabre.

Le paysage vallonné est parsemé de volcans basaltiques très reconnaissables car ils forment des collines coniques abruptes, souvent surmontées de châteaux en ruines. Et, au loin, sur la ligne d’horizon, on aperçoit les sommets enneigés de la chaine des Alpes.

A côté du site, il y a un énorme terrain d’essai de Daimler pour ses Mercedes. Les bois ont subi des coupes sévères mais nous avons veillé à rester en sous-bois pour la suite du parcours.

Au retour, nous avons fait une halte dans un lieu extraordinaire : le gouffre du Danube. Le fleuve s’infiltre dans un sol criblé de fissures, comme un vieux parchemin craquelé, et ressort 60h plus tard… dans le Rhin ! Une histoire géologique fascinante. Et nous l’avons vu littéralement disparaître par endroits, et entendu ses eaux gronder sous terre, aspirées comme par magie dans ses fissures invisibles.

C’est fou de penser qu’un fleuve aussi emblématique que le Danube peut s’effacer sous terre… pour aller nourrir un autre fleuve, le Rhin, son rival naturel. Car ici, on est à la frontière entre deux mondes : le bassin versant du Danube, qui se jette dans la mer Noire, et celui du Rhin, qui file vers la mer du Nord. Et chaque goutte d’eau infiltrée ici change de destinée – basculant d’un continent fluvial à un autre. Une frontière invisible, mais bien réelle.

En été, toute l’eau du Danube disparaît sous terre pendant plus de 200 jours. Lors de notre passage, une partie du lit du fleuve était déjà asséchée. Rosa et Suzy ont bu et se sont baignées dans des petites « flaques de Danube », comme des souvenirs d’un cours d’eau en fuite.

Sous nos pieds, il y a un immense réseau de grottes et de failles calcaires — un labyrinthe souterrain. C’est ce qu’on appelle un système karstique. L’eau y voyage sur près de 12 km, avant de rejaillir à la source de l’Aachtopf, la plus grande source d’Allemagne. Nous avons d’ailleurs décidé d’y faire un crochet sur le chemin du retour.

Ce qui est troublant, c’est que ce système reste en mouvement : petit à petit, le Danube semble délaisser sa route de surface, attiré par les profondeurs. Comme s’il ne savait plus très bien de quel monde il dépend, fleuve happé par les entrailles de la terre, tiraillé entre la lumière du ciel et l’obscurité du calcaire, entre l’Orient et l’Occident — un écho minéral à ce choix endémique de notre histoire humaine.

La géologie est passionnante et cette histoire m’a émerveillé pour la journée et sans doute le reste du séjour. Cela m’a donné envie de parcourir la chaîne des volcans proches et d’explorer les ruines qui s’y trouvent.

Repues de toutes ces découvertes et explorations, nous sommes rentrées au gîte pour y déposer Rosa et Suzy afin qu’elles siestent tranquillement et sommes parties déjeuner à Tuttlingen où Phlau a déniché le petit bijou végane de la ville : le Café Manuto. C’est à 20 minutes de la maison.

Quelle découverte ! C’est décidé, ce sera notre cantine. Il propose des petits-déjeuners et des déjeuners servis toute la journée, avec une variété de plats tels que des wraps, des bowls, des salades, des pâtes et des burgers. Le café offre également une sélection de boissons chaudes, jus de fruits et autres boissons non alcoolisées.

Notre repas était excellent. Les desserts sont crus et incroyables ! Divinement bons. La pistache semble à l’honneur et j’adore la pistache.

L’ambiance du restaurant est chaleureuse, parfaite pour une pause gourmande. L’intérieur est spacieux et baigné d’une lumière naturelle grâce à de grandes baies vitrées donnant sur la rue piétonne.

De grandes suspensions en verre au-dessus des tables diffusent une lumière douce et tamisée. Des banquettes confortables ornées de coussins, un long comptoir en bois naturel et des chaises noires minimalistes habillent la salle avec élégance, offrant un cadre à la fois moderne et convivial, propice à la détente comme à la conversation. Bref, on s’y sent bien.

Mardi 8 avril 2025  – Découverte de la forteresse du Hohenwield

Ce matin, je suis partie seule, une heure, avec Rosa et Suzy, marcher dans les bois proches. Le vent est tenace et glacé au petit matin, sur notre plateau sommital. Traverser la forêt nous a protégé de sa morsure. Les filles étaient ravies car le large chemin que nous avons emprunté était couvert de crottins de chevaux. Je l’étais un peu moins et j’ai passé une partie de la balade à veiller à ce qu’elles ne se goinfrent pas du crottin dont elles raffolent !

Ensuite, Phlau et moi sommes parties découvrir le paysage des volcans de la chaîne du Hegau pendant que les filles digéraient leur repas improvisé sur le canapé du salon. Nous sommes à 40 minutes de ces paysages, situés plus au Sud, proche du lac de Constance.

La découverte du jour était le Hohenwield, volcan éteint à 690 m d’altitude, sur lequel une forteresse du Xè s, impressionnante, se dresse, surplombant majestueusement tout le paysage qui s’ouvre sur la ville de Singen, le lac de Constance et les sommets enneigés des Alpes dans le lointain.

Au milieu des blocs de pierre et des murailles en ruine on peut rencontrer une espèce de sauterelle rare, le criquet italien.

Au Hohentwiel se trouve aussi le plus haut vignoble d’Allemagne avec 562 mètres d’altitude.

Cependant, une mauvaise surprise nous attendait au sommet : les billets pour visiter la forteresse ne sont pas vendus au château mais à l’office de tourisme de Singen ! C’est n’importe quoi ! J’étais désappointée de ne pouvoir la visiter. Nous avons décidé d’y retourner vendredi, munies des billets d’entrée cette fois ci !

En redescendant, nous avons pris le temps de flâner un peu dans la douceur printanière du jour et d’observer les prairies sèches qui habillent ce sommet. Puis nous sommes passées à l’office de tourisme de Singen acheter ces fameux billets.

Au retour, j’ai voulu sortir les chiennes mais elles n’étaient pas du tout motivées. J’ai donc abrégé la balade et nous sommes toutes posées au gîte dans des flaques de soleil. Ce soir, nous testons les deux plats véganes au restaurant du village de vacances.

Les deux plats furent excellents mais le serveur s’était trompé dans la commande et la cuisinière nous a d’abord apporté deux plats crémeux douteux. J’ai immédiatement posé la question s’ils étaient bien véganes. Elle a dit non et s’est confondue en excuses en repartant avec les deux plats ! J’ai toujours un doute quand je vais manger dans un restaurant carné qui propose des options végétaliennes.

Mercredi 9 avril 2025 – Découverte des gorges de l’Haslach

Aujourd’hui, nous avons découvert une randonnée absolument spectaculaire : le Genießerpfad Viadukt- und Schluchtentour, que l’on pourrait traduire par Sentier du plaisir – Tour du Viaduc et des Gorges. Rien que le nom donne envie de partir à l’aventure ! J’ai mis deux heures, la veille, à dénicher ce bijou sur Komoot et a le retravailler pour éviter l’asphalte et l’ennui de certains chemins monotones.

Le parcours, d’environ 13 km, nous a emmenés à travers une incroyable diversité de paysages. Nous avons traversé des forêts profondes, longé des gorges impressionnantes, admiré des rochers étonnants comme le Höllloch-Felsen et le Rechenfelsen surplombant l’Haslach, et marché le long d’un sentier de genêts à flanc de colline où les vallons et plateaux sommitaux de la Forêt Noire se découpaient dans le lointain.

Peu d’humains, peu d’urbanisation sur ce parcours extraordinaire qui nous a enchanté. Les ruisseaux traversés, les falaises abruptes très romantiques, les sentiers escarpés des gorges, les panoramas magnifiques ont sublimé notre journée. Le soleil et la douceur étaient aussi au rendez-vous.

Lors de cette magnifique randonnée, nous sommes passées devant un panneau racontant l’histoire de l’ancienne voie ferrée Kappel-Gutachbrücke – Bonndorf, surnommée affectueusement le « Bonndorferli ». Inaugurée en 1907, cette ligne desservait jadis la région six fois par jour avec ses locomotives à vapeur. Elle transportait aussi bien des voyageurs, des voyageuses, que du bois, des graines, du charbon… tout ce qui faisait vivre les vallées de la Forêt Noire.

Le transport de passagers a été arrêté en 1966, puis celui de marchandises en 1977. Les rails ont été démontés, laissant place à un tout autre voyage… Aujourd’hui, ce tracé revit grâce à la piste cyclable du Bahnradweg, très prisée des randonneurs, randonneuses et cyclistes.

Nous sommes rentrées repues de ces paysages sauvages et émerveillées par tant de beauté préservée.

Pour notre repas, nous sommes retournées au Manuto Café à Tuttlingen. Leur carte est tellement variée, leurs plats succulents et, au moins là, pas de confusions possibles, tout est végane !

Jeudi 10 avril 2025 – le mont Himmelberg : « la montagne du ciel »

Comme nous sommes situées à un point central qui rayonne vers une multitude de paysages variés à découvrir, nous faisons minimum 1 h de route tous les jours pour nos périples. Aujourd’hui nous avons décidé d’explorer les lieux à partir du gîte.

Notre vilage

Nous sommes aux pieds du Himmelberg qui culmine à 950 m d’altitude, de notre gîte la vue se déploie sur le plateau sommital et les massifs les plus hauts de la Forêt Noire découpent notre ligne d’horizon. Après les randonnées spectaculaires des jours précédents, je craignais d’être déçue par celle d’aujourd’hui. Evidemment, ce ne fut pas le cas.

Il y a quand même quelque chose, dans ces campagnes allemandes, qui me gêne, une scène qui frôle l’absurde : d’un côté, on épand des milliers de litres de lisier sur les champs qui pue, ruisselle dans les rivières, pollue les sols, mais personne ne s’indigne – parce que c’est “la norme”.

Et à côté de ça ? On oblige les humains des chiens à ramasser religieusement les crottes de leur animal, en pleine nature, dans des sachets plastiques individuels, bien hermétiques. L’acte est devenu un symbole de “civisme”, presque de vertu urbaine. Il ne s’agit pourtant que de quelques grammes de matière organique biodégradable, surtout dans la campagne. On les emballe, on les scelle, et on les jette comme si c’était du plutonium.

Où est la cohérence ?

Il semble qu’on ait deux poids, deux mesures. Quand c’est de l’élevage, en grande quantité, au nom de la “production”, on tolère l’intolérable. Mais quand il s’agit de la petite crotte d’un chien dans l’herbe d’un champ, alors là, on brandit la loi, la morale et la menace d’amende.

Ironique, n’est-ce pas ? On ensevelit des hectares sous le lisier qui pollue mais on s’indigne d’une trace canine sur un sentier qui fera la joie des limaces passant par là.

Peut-être qu’il est temps de revoir nos priorités. De reconsidérer ce qu’on appelle « salissure », et ce qu’on appelle pollution. Et surtout, d’arrêter de camoufler nos incohérences sous des couches bien rangées de plastique.

Notre périple du jour a donc traversé des champs immenses recouverts de lisier qui ont fait la joie des chiennes et beaucoup moins la nôtre.

La « montagne du ciel » (j’aime beaucoup ce nom), dont c’était l’objectif, est recouverte d’épineux et de hêtres. L’ail des ours illumine d’un vert tendre et surprenant les sous-bois où les branches des feuillus n’ont pas encore bourgeonnées. A son sommet, un abri en bois triangulaire, une table d’orientation et… une boîte contenant le « livre d’or » du sommet où les personnes passant par-là, ont laissé des mots, des vœux. Il restait une dernière page à remplir avant que le petit carnet ne soit plein. Nous y avons aussi mis notre vœu.

Nous avons fait une jolie boucle de 12 km sans croiser d’humains, traversé des allées de sapins géants, colosses silencieux et impressionnants de verticalité nous renvoyant à notre ridicule condition humaine. Nous avons cheminé sur de petits sentiers à peine visibles au milieu de l’ail des ours foisonnant et sommes rentrées, à nouveau repues de nature, de lumière et d’air frais.

Pour le déjeuner, nous sommes encore retournées au Manuto Café, notre cantine, à Tuttlingen. Nous avons testé l’offre du jour, une spécialité locale composée de pommes de terre röstis saupoudrées de sucre et accompagnées d’une compote de pommes maison. C’était surprenant et bon.

J’ai aussi pris une glace sur le retour, ma première de l’année, les températures s’y prêtant !

Vendredi 11 avril 2025 – Visite du Hohentwiel

Notre chemin nous a menées à nouveau vers le château fort, campé sur les hauteurs du volcan dont il porte le nom. Cette fois ci, nous avions nos billets.  Nous sommes arrivées à l’ouverture des grilles et l’avons visitée à tour de rôle pour rester avec les chiennes en contre bas. Quand j’en ai fait le tour, nous étions quatre humains dans cet immense espace surplombant les paysages alentour.

Cette forteresse du Hohentwiel trône sur les hauteurs des vallons du pays de Bade comme une sentinelle oubliée du temps. Ce bastion de pierre noire, vestige imposant d’un château imprenable, semble surgir du relief basaltique avec une austérité portant le poids des siècles vécus.

Construite au Xe s, puis agrandie au fil des siècles, la forteresse a longtemps été un symbole de pouvoir militaire et spirituel. À son apogée, elle servait de prison d’État wurtembergeoise et de rempart contre les invasions. Aujourd’hui en ruines, elle dégage toujours une force tranquille, avec ses bastions enchevêtrés, ses casemates silencieuses, ses portes effondrées ouvertes sur le ciel. Les vents y murmurent encore des récits de résistance et d’exil.

Depuis ses hauteurs, la vue s’étire sur le lac de Constance, la vallée de la chaine des volcans du Hegau et, par temps clair, jusqu’aux Alpes suisses. Le silence règne, seulement troublé par le bêlement des chèvres, gardiennes involontaires de ce décor vivant, dont la présence interroge sur notre rapport aux êtres sentients. Car, oui, des chèvres sont exploitées pour l’entretien écologique, elles sont considérées comme des « outils vivants » pour la gestion des paysages. Et évidemment, une fois qu’elles ne sont plus utiles ou qu’elles ne rentrent plus dans les plans d’élevage, elles finissent à l’abattoir. C’est la logique utilitariste répandue dans les systèmes agroécologiques traditionnels qui reposent sur l’exploitation des êtres sentients sous prétexte « d’entretien des paysages ».

Quand on monte vers la forteresse, sur la droite, il y a un large et haut portail en fer forgé qui s’ouvre sur un saisissant petit cimetière tapissé d’ail des ours. Un panneau raconte son histoire. Il s’agit d’un cimetière protestant déjà présent au XVIe siècle, il témoigne de l’époque où la place forte, devenue poste protestant après la Réforme de 1534, formait un petit district pastoral autonome. Après la destruction de la citadelle en 1801, le domaine subsista comme communauté rurale jusqu’en 1968. Les familles de fermiers y furent inhumées jusqu’aux années 1960. C’est un havre de verdure où les pierres tombales, usées par le temps, semblent dialoguer en silence avec les grands arbres qui les entourent. Je me disais que les morts et mortes, sous nos pieds, avaient bien de la chance de reposer dans un tel lieu même si elles n’en ont plus conscience.

Nous avons regagné le gîte en début d’après-midi et sommes reparties, pour notre déjeuner, au Manuto Café, pour un dernier repas succulent et sans souffrance.

Samedi 12 avril 2025 – L’Aachtopf : là où le Danube renaît…

Ce matin, avant de prendre le chemin du retour, nous sommes passées voir l’Aachtopf, la plus grande source d’Allemagne et l’origine de la Hegauer Aach, environ 3/4 de son eau provient du Danube, infiltrée près de Tuttlingen dans le calcaire jurassique fissuré où nous sommes allés voir le gouffre lundi.

Une source cristalline, mystérieuse et puissante, nourrie par les eaux disparues du fleuve.
Un lien secret entre Danube et Rhin, entre deux mers, deux mondes qui me fascine.

Durant près de 60 heures, le Danube devient silencieux, invisible, avant de renaître à l’Aachtopf. Là, ses eaux rejoignent le Rhin, entamant un nouveau voyage vers la mer du Nord, « trahissant » ainsi leur origine orientale.

Ce qui m’émerveille également est que ce phénomène karstique, unique en Europe, est encore en grande partie mystérieux. Les spéléologues ont exploré une partie de ces cavités, mais l’essentiel du réseau reste caché. Un monde parallèle, fluide et obscur, qui rappelle que sous nos pieds, les fleuves ont parfois leur propre logique et, surtout, que l’humain ne peut pas tout maîtriser. Pour moi, c’est une forme de réconfort : savoir qu’il existe encore des éléments qui échappent à notre contrôle, libres et insaisissables.

Au pays de l’Haut de l’A

Samedi 26 octobre 2024 – Arrivée au gîte

Mes destinations sont de moins en moins lointaines. Nos espaces proches sont souvent méconnus et gagnent à l’être. Nous sommes au pied des Vosges du Sud, dans le Val d’Ajol. J’y ai réservé un gîte immense aux espaces ouverts, spacieux et propres.  Cette ancienne ferme, reconvertie en lieu d’accueil pour touristes, est isolée sur une colline, à proximité d’un point sommital à presque 700 m d’altitude qui s’appelle le Haut de l’A. ça ne s’invente pas ! Il a fallu que Phlau le prononce pour que j’entende le jeu de mot.

Nous avons été accueillies chaleureusement par notre hôte qui nous a confectionné une tarte aux mirabelles (végétalienne bien sûr). Je l’avais prévenu que nous ne consommions pas autrui.

La fenêtre de ma chambre, à l’étage, donne sur l’orée d’un bois et, quand le soir tombe, des chevreuils viennent se poser dans le champ proche. Voisins inattendus et ô combien appréciés !

Quand je pense que l’un des arguments des raisonneurs du spécisme, en tant que doctrine défendable, est d’avancer que, si nous cessons toute exploitation, nous coupons les liens avec les autres espèces. J’avais découvert cette aberration comme critique de l’antispécisme dans « Vegan order » de Marianne Celka. C’est tellement le contraire qui se passe.

Ouvrir les yeux sur un système de domination permet déjà de le rejeter et de porter un regard différent sur les liens que nous tissons avec les autres, les victimes de ce système.

Si couper les liens avec les autres signifient de ne plus les exploiter, ni les tuer, il est alors de notre devoir moral de le faire.

Cela dit, depuis ma prise de conscience, je n’ai jamais autant observé autrui, de loin, dans le respect de qui il ou elle est, en veillant à ne pas être intrusive. Me fondre dans un décor et observer qui y vit, qui je côtoie, qui je dérange.

Depuis ma prise de conscience, je n’ai jamais autant été en affinité avec les autres espèces libres que j’ai l’opportunité d’approcher, de fréquenter. Ces « liens » ne reposent plus sur un système de domination volontaire mais sur un regard nourrit par le respect et l’empathie.

L’autre est devenu mon égal.

Ma nuit fut courte. Changer de lieu, de lit, demandent toujours un temps d’adaptation. Rosa m’a collée. Suzy a dormi à mes pieds.

Nous avions prévu d’aller randonner sur les contreforts de Saint Bresson, bourgade à une vingtaine de km d’ici, en Haute Saône.

Lorsque nous avons entamé la marche, des hurlements effroyables de chiens montaient des bois. Aucun panneau n’indiquait une potentielle chasse pourtant c’était bien de ça qu’il s’agissait.

Ce fut horrible et éprouvant. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut prendre du plaisir à provoquer tant de violence, prendre du plaisir à tuer car c’est bien de cela qu’il s’agit. Soudain, les espaces boisés sont sous contrôle total d’hommes assoiffés de meurtre qui s’approprient TOUT jusqu’à la vie des espèces qu’ils croisent, humains compris. Et, nous, promeneuses pacifiques, n’avons pour seul choix que de rebrousser chemin car nous craignons pour notre vie mais aussi d’être confrontées à un tel déploiement de violence. Rien ne justifie cette agressivité et certainement pas une pseudo régulation. Rien ne justifie l’assassinat d’êtres sentients.

J’ai dû chercher une nouvelle randonnée, le cœur battant et l’estomac au bord des lèvres. C’est dans ces moments que ma part d’ombre m’envahit et que j’ai des pulsions de révolte démesurée.

Il m’a fallu du temps pour m’apaiser et le choix du nouveau circuit fut judicieux : sentiers envahis d’herbes hautes au tracé hésitant qui nous a demandé de la concentration, chemins disparus sous les ronces, demi-tours improbables, à flanc de colline où se déployaient tous les ors de l’automne, loin des hurlements anxiogènes des meutes de chiens. C’était un circuit de moins de 10 km mais j’ai l’impression d’en avoir parcouru le double.

Nous avons visité la chapelle des Jeannery, suivi des allées ombragées aux murs moussus, observé la croix monumentale du Mont Dahin du XVIè s ; (mais qui n’est pas monumentale juste grande et élancée) et déniché des étangs lovés dans le creux boisé des plateaux sommitaux. Nous avons même découvert les ruines envahies de mousses, de lierre et d’arbres d’un couvent abandonné au cœur de la forêt, après avoir suivi une sente improbable longeant des buissons touffus et épineux.

Retour au gîte en début d’après-midi, le soleil inonde les lieux. Le reste de la journée sera lent et apaisé.

Le temps est incroyable, lumineux avec un magnifique soleil d’automne et un vent léger qui apaise l’air. J’écris dehors, à l’arrière du gîte, là où les chevreuils viennent se poser soir et matin. Hier nous n’avons vu personne mais je ne suis pas étonnée. La violence des chasseurs y joue sans doute un rôle. Suzy est posée à mes pieds, à l’ombre de la table. Rosa aussi d’ailleurs.

Aujourd’hui nous sommes parties du côté du Val d’Ajol, à une dizaine de minutes de notre maison. Nous avons fait un circuit d’une dizaine de kilomètres bien mieux balisé que celui d’hier. Toute la différence entre les Vosges et la Haute Saône qui est moins une terre de tourisme de randonnée. La balade débutait par la cascade de Faymont, site naturel classé depuis 1910. Elle est lovée dans un vallon encaissé, point de départ de divers circuits autour de la vallée de la Combeauté. Nous sommes montées par de larges sentiers forestiers bien praticables où l’éclat du soleil faisait de généreuses ombres longues dans les sous-bois traversés, les nimbant d’une lumière féérique.

Nous sommes passées à côté d’une monumentale fourmilière, un panneau demandant de la respecter. Ce genre de panneau me laisse toujours perplexe. C’est très bien qu’il ait été placé là, qu’il souligne l’importance du respect face à cette fourmilière mais qu’en est-il des autres êtres sentients ? Ceux et celles qui finissent dans les assiettes ?

Pourtant la science a prouvé que leur vie n’était pas moins légitime que le nôtre, qu’ils et elles avaient un intérêt à vivre, ressentaient joie, peur, tristesse, accablement, etc. En plus, nous n’avons aucun besoin nutritionnel qui justifierait d’abuser d’eux et elles et ça aussi c’est prouvé par la science.

Le circuit continuait vers le plateau sommital entièrement dédié à … l’élevage ! Tous les espaces sont cloisonnés pour cette pratique délétère. Tous les réels habitants de ces lieux (je ne parle pas des humains qui se sont accaparés ces espaces pour ces pratiques d’un autre âge) sont contraints et chassés. Les écosystèmes sont appauvris par la pratique de l’élevage qui ne conserve en rien les paysages. Là aussi, il faut déconstruire la romantisation des campagnes et du pseudo petit élevage local qui n’a de bienveillant et d’écologique que l’illusion qu’il se donne d’y croire afin de perpétrer une domination pernicieuse.

Une fois qu’on a ouvert les yeux sur tous ces systèmes de domination et d’oppression, il est difficile de remettre des œillères.

Donc je n’ai pas apprécié notre circuit sur les hauteurs. J’ai préféré de loin la montée en sous-bois et la descente sur l’autre versant de la colline, là où chantaient les ruisseaux vagabonds et les fontaines abandonnées.

Enfin ! Enfin des espaces boisés et moussus à perte de vue, des vallons herbeux sans vaches au destin tragique, des ruisseaux chantants dévalant gaillardement tous les pans des collines traversées, des étangs aux eaux sombres parées de bouleaux et sapins gigantesques où vient danser et se fondre l’éclat solaire du jour.

Nous avons débuté la randonnée par le chemin de l’empereur, nom pompeux mais lié à l’histoire de ce territoire. Napoléon III et Eugénie, en cure à Plombières, parcouraient volontiers les environs d’Hérival. Le chemin dit ” de l’Empereur ” témoigne donc de ce passé florissant. Il passe devant la source des Tanchottes qui ressemble à un marécage aux eaux translucides. Cette terre d’humidité est émaillée de 27 sources. L’eau abonde partout.

Le sentier passe devant deux étangs et conduit au monumental et remarquable prieuré d’Hérival, aujourd’hui propriété privée. Les prairies autour du prieuré sont inscrites depuis 2005 à l’inventaire des Espaces Naturels Sensibles du Département des Vosges. Le site est saisissant de sérénité et de beauté.

Nous poursuivons notre montée le long d’une route forestière qui nous conduit à un croisement sur la D 57. A ce carrefour se trouve une guinguette qui semble sortie tout droit d’un décor des années 1970.

La descente se fait part un sentier embourbé au départ où Rosa y perdra momentanément sa blancheur. Il se modifie ensuite en une jolie sente qui serpente dans une forêt où dansent les rayons lumineux du jour exceptionnellement doux pour une fin octobre. Il nous amène le long d’étangs reconvertis en exposition nature.

Le final de cette très belle randonnée passe par la cascade du Géhard.

De l’eau, de l’eau et encore de l’eau… partout, chantante, vive ou plus calme, apaisée, selon les formes qu’elle aime prendre.

Sinon, au gîte, les chevreuils sont là le matin et en fin de journée. Pour l’instant j’en ai vu deux, l’un semble prendre plaisir à se poser dans le pré qui côtoie notre maison, l’autre est plus craintif est reste à l’orée du bois, là où serpente un ru dont j’ignore le nom.

Ce matin je suis partie seule randonner avec Rosa. J’aime marcher seule car je suis entièrement libre de mon choix de tracé que j’adapte à mon énergie du moment. Ainsi, nous avons parcouru 16 km dans les tourbières caractéristiques du paysage où nous logeons.

Mon circuit nous a aussi conduit vers de très belles vues, sur la vallée de la Moselle, où s’agrégeaient des nuées blanches denses dans les zones urbanisées dévoilant un panorama magnifique, nimbé de bleus et de lumière. Nous avons longé plein d’étangs dont j’ai oublié le nom, traversé des forêts aux arbres gigantesques, aux mousses épaisses et aux verts tendres, pris des sentiers bordant de vastes prés ouverts sur des lointains bucoliques, sur les vallons vosgiens, ombragés d’ors et de rouges, emprunté des sentes dans des landes de genêts où affleuraient les ruisseaux…

Les couleurs de l’automne et l’exceptionnelle lumière de cette période parent ces cheminements d’une beauté renversante. Les paysages sont enchanteurs, littéralement. Chaque détour de chemin dévoile une nouvelle émotion et l’air oscille entre une humidité prégnante et une chaleur surprenante selon les endroits parcourus. L’eau est présente partout et ruisselle souvent sur les charmilles embourbées qui font de Rosa, un mini amas de poils boueux (que cela ne semble pas déranger).

Aujourd’hui le temps est de saison, un opaque manteau de brume a envahi les collines et les paysages sont emprunts d’humidité. Le matin, j’avais créé un petit circuit de 6 km, à cinq minutes de la maison en voiture, pour balader les chiennes afin de les laisser au repos au gite pour visiter Plombières-les-Bains l’après-midi. Les villes sont des lieux de stress pour mes louloutes et je préfère les ménager donc j’adapte notre séjour en fonction de chacune.

Le circuit du matin, dans les hameaux bordant le bois du Rey, était en grande partie sur les chemins de l’élevage. Les sentiers étaient défoncés par le passage des tracteurs et des vaches exploitées pour leur lait. Les espaces boisés traversés étaient cloisonnés par des ficelles pour guider les vaches vers les fermes à lait afin qu’elles n’osent pas déambuler au-delà des chemins habituels de leur exploitation. Du coup, c’est littéralement tous les espaces qui sont sous la coupe de l’élevage : promeneurs, promeneuses, autres animaux, etc. Tout comme la chasse, l’élevage s’approprie le corps des autres mais aussi les territoires où il se pratique.

Heureusement, la moitié du parcours s’effectuait dans le bois du Rey, écarté des lieux d’exactions. La brume ombrait les sapinières de halots fantasmagoriques et éthérés où dansaient des toiles d’araignées perlées d’humidité.

Et, pas un seul humain sur le parcours, juste nous quatre, émerveillées et les pieds trempés !

L’après-midi je suis partie juste avec Phlau pour découvrir Plombières-les-Bains à quinze minutes du gîte.

Que dire de Plombières ? Déjà c’est encaissé au creux d’une vallée où coule l’Augronne. Y arriver un 31 octobre par une journée de brouillard ne rend pas le site follement attractif. Plombières existe depuis le Vè siècle avant JC, surnommée la « Ville aux mille balcons » et aux 27 sources, ce fut une station thermale très à la mode à différentes époques et notamment au XIXe siècle, sous Louis-Philippe Ier et l’Empereur Napoléon III

Effectivement, il y a une multitude de balcons aux très belles ferronneries parementées qui agrémentent de vieux immeubles… abandonnés. La cité semble figée dans son passé glorieux mais décati. La grisaille du jour n’embellissait pas ce décor dévasté par le temps. Des enfants déguisés parcouraient les rues en quête de bonbons, rajoutant un soupçon d’étrangeté dans ce cadre révolu. Beaucoup de boutiques étaient fermées souvent de façon définitive.

Nous sommes montées sur les hauteurs de la ville pour découvrir les jardins en terrasse, espace alternatif, à ciel ouvert, qui nous a enchantées, à la fois parc de loisirs et lieu culturel. Des personnes déblayaient les parcelles jardinées pour leur toilette hivernale et les différents lieux de convivialité étaient nettoyés et rangés pour la fin de saison. Cela rajoutait au sentiment d’abandon qui planait sur toute la cité mais c’était plus agréable au cœur de la nature. Nous ne sous sommes pas éternisées sur le site.

L’humidité et la grisaille nous ont donné envie de chocolat chaud et de tartines beurrées.

Nous sommes donc retournées dans notre logement pour savourer tout cela et nous pauser dans la quiétude chaleureuse du gîte.

Retour dans la féerique forêt d’Hérival à cinq minutes de la maison en voiture. Je craignais les chasseurs ou le monde puisque c’est un jour férié mais il n’y avait ni les uns, ni les autres.

Je suis tombée en amour de cette contrée boisée sombre et mystérieuse. J’avais dessiné un circuit différent de celui de mardi. Je pense que si nous restions plus longtemps, j’explorerais tous les sentiers de cette romantique forêt vosgienne.

Extrait de https://urls.fr/rpsIr-

Nous sommes montées par un large chemin herbeux non balisé depuis le chalet de l’empereur (mais ces noms !) jusqu’au croisement de La Vigotte en empruntant, sur le dernier kilomètre, un bout du GR5 (magnifique travée ravinée au cœur des mousses et des sapins). Puis nous sommes redescendues par le « fameux » sentier des vieilles abbayes dont les sites de randonnées vantent la beauté.

Effectivement, à partir des ruines des anciennes abbayes dont il ne reste qu’un mur bas envahi, comme le reste de la forêt, de mousses et de graminées, le chemin s’affine et devient une sente féérique parcourue de rus vagabonds et enchanteurs.

Elle traverse la pente abrupte d’un vallon habillé de roches monumentales, de résineux et de feuillus. Le paysage est spectaculaire, baigné d’un soleil d’automne bas qui fait danser les ombres et les ors des feuillages et des arbres morts. L’eau ruisselle partout, babille entre les pierres glissantes et fait des entrelacs avec le sable du gré.

C’est ce sentier qui nous ramène à notre point de départ.

De retour au gîte, nous douchons les chiennes : Suzy s’est roulée dans toutes les odeurs suspectes qu’elle a dénichées et Rosa a des petites bottes de boue noirâtres qui laissent des indices partout où elle passe.

L’après-midi sera paresseuse, le soleil inonde à nouveau nos prés. Dans la vallée, au loin s’agglutine les nuages. Nous savourons cette lumière et cette douceur bienvenues.

En fin d’après-midi, nous décidons d’aller faire un dernier tour dans la campagne proche, là où sommeille l’eau sombre des étangs qui jalonnent la contrée. Je fais découvrir à Phlau et Suzy (moins enthousiasme) celui où je me suis posée avec Rosa lors de notre tour de 16 km.

Pas un seul humain, le soleil s’efface dans des roses délavés au loin et les eaux sont infiniment calmes. Nous y faisons un bref tour afin de prendre encore une dose de pleine nature avant le retour au monde urbain.

Demain est un autre jour.

Nous partons relativement tôt et déjà les chasseurs ont envahi les lieux. Je ne supporte plus ces pratiques d’un autre temps qui maintiennent tout un système oppressif en place et que laisse faire la majorité de la population pourtant contre cette activité meurtrière. Un seul panneau prévient de la chasse. Il y écrit « Soyez vigilants, chasse en cours » ! Ceux et celles qui arrivent de l’autre côté ne seront pas prévenues. Et je pense surtout à toutes les victimes autres qu’humaines qui subissent cette violence tous les week-ends.

La chasse, un problème mortel…

L’automne en Vasgovie

Samedi 21 octobre 2023

Cela fait déjà un moment que j’avais envie de passer quelques jours dans la forêt au-delà de la frontière au Nord de l’Alsace. Cet espace boisé infini qui s’offre à la vue depuis le sommet des châteaux forts peuplant les Vosges du Nord. Je l’ai côtoyée parfois, lors de brèves incursions en Allemagne, quand je vais explorer ces châteaux semi troglodytes que j’aime tant.  Ces doux vallons boisés qui s’étendent à perte de vue m’invitent aux rêves loin des turpitudes du monde.

 » La forêt palatine rassemble un ensemble continu de contrées environnées de montagnes forestières dans le land de Rhénanie-Palatinat en Allemagne. Il s’agit d’un reliquat d’une vaste « foresta » placée sous l’autorité des comtes du palais impérial à la fin de la dynastie carolingienne. Ces dignitaires émancipés en partie du pouvoir régalien sont devenus les comtes palatins du Rhin, laissant à leur principauté le nom de Palatinat.

La forêt palatine forme par ailleurs un ensemble géomorphologique unique avec les Vosges du Nord, rassemblé au sein de la réserve de biosphère transfrontière des Vosges du Nord-Pfälzerwald. Cet ensemble est étroitement lié au massif des Vosges, dont il n’est séparé que par le col de Saverne. » Source : WIKIPEDIA

Pour ces trois jours de découverte, j’ai choisi un gîte au pied des vignes à Pleisweiller-Oberhofen. C’est à 1h30 de la maison, à côté donc, et c’est totalement dépaysant. Inutile de parcourir de longues distances pour se sentir ailleurs. Suzy et Rosa étaient du voyage.

Parfois, je sépare les chiennes pour offrir d’autres alchimies dans leur quotidien. Le combo Emma/Rosa est quelquefois difficile à gérer parce qu’Emma est l’idole de Rosa et que cette dernière fait un peu n’importe quoi quand Emma est en balade avec nous. En outre, pour Emma, cela lui permet de souffler aussi car « l’amour » de Rosa est, par intermittence, envahissant pour elle.

Nous avons débuté par un petit circuit de 11km à partir de Göcklingen, village viticole lové au cœur des vignes sur la route des vins du Sud du Palatinat.

De nombreux circuits de randonnées traversent la forêt, de nombreuses ruines l’habitent. La balade fut riche en points de vue, en ruines visitées. Une tour en grès, construite en 1886, la Martinsturm, était notre point culminant à plus de 500 m. d’altitude. C’est une tour d’observation de 14 m de haut . Elle a entièrement été rénovée dans les années 1990, le bâtiment est classé. Dans le passé, elle était également utilisée pour la protection contre les incendies de forêt , mais aujourd’hui, elle n’a qu’une importance touristique. Lorsque la visibilité est bonne, le panorama s’étend sur l’ Odenwald , la Forêt-Noire et les Vosges.

L’autre grande attraction de notre petit périple fut la visite du Burg Landeck, ruine du XIIe s. plutôt bien conservée, avec un remarquable donjon carré et imposant visible de loin, depuis la plaine.

Beaucoup de monde le côtoie, un samedi lumineux d’octobre en plus. Un restaurant trône à l’intérieur et offre deux plats copieux et succulents véganes, la belle surprise de fin de randonnée. Evidemment, nous avons commandé les deux plats et nous nous sommes régalées.

A 17h, découverte de notre gîte qui est parfait, propre, hyper confortable et nos hôtes sont chaleureux et accueillants. Une douche bienvenue va clore cette journée riche en découvertes et en belles surprises.

Dimanche 22 octobre 2023

Le gîte est vraiment exceptionnel, la literie est extraordinaire de confort, j’ai le sentiment de dormir sur un nuage. L’endroit est incroyablement calme. C’est une tanière de luxe où on se ressource pleinement.

Ce matin, nous sommes parties explorer de nouvelles pistes à dix minutes de notre lieu de vie temporaire. Onze kilomètres et presque cinq cent mètres de dénivelé avec un ressenti de vingt kilomètres parcourus tant les paysages sont variés et offrent des panoramas tous plus beaux les uns que les autres. Nous avons fait un circuit sur les vallons qui dominent la plaine, au départ du village viticole de Leinsweiler, sur la route des vins du Sud.

La forêt qui surplombe cette partie du paysage s’appelle la Vasgovie. Composée en grande majorité de châtaigniers, hêtres et chênes, elle est remarquable par ses vallons profondément encaissés et ses ruines médiévales qui jalonnent ses sommets boisés.

L’automne sublime ses sentiers d’ors et de bruns chatoyants.

La montée un peu rude nous a conduit à une première ruine qui offre un panorama époustouflant à 360° sur la plaine du Rhin et tous les vallons qui lui font un contrefort boisé : le Neukastel. Il ne reste qu’un promontoire rocheux de ce château du XIIè s. culminant à 459 mètres d’altitude. De forts vents activaient la course des nuages et créaient une ambiance voilée sur la plaine s’étendant à perte de vue.

Le temps suspendu à l’élan fou des nuages…

Nous avons traversé des forêts immenses, pénétrant au cœur de ces vallons encaissés où des vues incroyables se déployaient par endroit, offrant des panoramas sur les rochers et ruines que nous allions découvrir.

Chaque détour de sentiers déployait d’autres paysages, tous plus beaux les uns que les autres, loin des bruits de l’humanité.

Nous avons fini nos découvertes par les ruines du château de Scharfenberg qui n’est pas ouvert à la visite et l’impressionnant site du château rupestre d’Anebos à 463 mètres d’altitude. Ces sites font partie d’un ensemble de trois châteaux médiévaux : les Trifels. C’est également un lieu d’escalade.

Les contreforts rocheux sont colossaux et la vue qui s’y déploie est spectaculaire, notamment depuis les ruines du château d’Anebos vers le Trifels, le mieux conservé des trois.

Repues, nous sommes redescendues par de larges sentiers vers Leinsweiler que nous avons pris le temps de visiter avant de retourner au gîte.

Lundi 23 octobre 2023

Le ciel se couvre et les températures baissent, l’or des forêts et des coteaux viticoles n’en reste pas moins beau.

J’ai presque dormi 10 heures la nuit passée. C’est bien reposée que je pars pour la dernière randonnée de notre séjour. Nous allons nous enfoncer au cœur des vallons de la Vasgovie. L’objectif du jour est le site de Rötzensteinpfeiler. Il semblerait que ce soit l’un des endroits les plus impressionnants de cette forêt, il culmine à 460 m d’altitude. C’est un long récif rocheux gréseux qui s’étire en aplomb d’une montagne, son mur escarpé de 50 m. est apprécié des personnes pratiquant l’escalade. Sur sa pointe la plus extrême trône une croix qui ouvre sur un grandiose panorama.

La vue est effectivement époustouflante sur les vallons qui s’étirent dans un infini bleuté, nature insoumise à perte de vue où pointent par endroit, les vestiges des châteaux médiévaux qui rappellent le passé glorieux de ces contrées délaissées. Pas un humain sur les sentiers empruntés, le lieu est aussi désert.

C’est là que je voudrais que le temps se suspende. Bulle primitive d’émois décuplés où toute cette beauté me nourrit, je me sens repue et apaisée. Peu de paysages provoque un tel sentiment de complétude chez moi.

Même Phlau qui préfère les forêts aux panoramas est conquise !

Quand nous quittons ce lieu fascinant, c’est pour le découvrir depuis la crête voisine, 3 km plus loin, où s’étale un autre amas rocheux remarquable : les Kieungerfelsen. L’accès par le Sud est difficile, pentu et très technique, la terre et la roche sont humides, je préfère jouer la carte de la sécurité et rebrousser chemin pour retrouver les larges sentiers où abondent les châtaigniers pour retourner à la voiture.

Sur le retour, nous décidons de nous arrêter au Burg Landeck pour savourer une dernière fois leur cuisine végane découverte le premier jour.

Je fais également une cueillette de feuilles locales pour mes prochaines empreintes végétales : chênes, châtaigniers et hêtres, souvenirs de cette forêt splendide et profonde.

Je sais déjà que je reviendrai.

Voyage en Terre du Milieu

~Journal de voyage ~

Samedi 17 juillet

Départ de Strasbourg à 8h, Phlau, Cédrine, Emma , Suzy et moi pour découvrir la région centrale des Puys.

Emma a pris beaucoup de place sur les sièges arrière de la voiture. Elle a eu du mal à se poser comme toujours quand nous partons quelque part. Suzy se cale aux pieds et ne bouge plus du trajet. Elle sait s’économiser.

La route fut assez fluide. Nous sommes arrivées à Saint-Donat vers 17h. Village auvergnat de 200 hab. situé à plus de 1000m d’altitude sur le flanc Sud-ouest du Massif du Sancy. La maison est spacieuse et baignée de lumière, elle est située au bout du village. Elle est agrémentée de jolis volets rouges et ouvre sur un jardin clos, idéal pour les chiennes d’où le choix de cet endroit.

Un immense champ l’avoisine. Il sera le lieu des balades matinales et crépusculaires des chiennes. La vue se déploie sur les Monts Dore au Nord et les Monts du Cantal au Sud. Ce sont de vastes étendues où se perd le regard et où l’accompagne les pensées vagabondes. Ici, des histoires se dessinent au creux de nos imaginaires portées par ces collines verdoyantes.

Le champ avoisinant notre gîte.

L’activité principale sur laquelle repose le village est l’exploitation à outrance des vaches. Les mouches sont légions, partout et surtout dans la maison.

Sorry

Nous avons fait une première sortie de 5 km en fin de journée autour du village voisin de Chastreix. L’eau chante et ruisselle de toute part. Cédrine a sympathisé avec un chaton qu’elle a failli adopté. Mais le chaton n’était pas abandonné, il voulait juste créer du lien.

Le chaton (photo Cédrine)

Dimanche 18 juillet

Mise en  jambe pour démarrer cette semaine de marches : Découverte des lacs entre Cantal et Puy de Dôme par un circuit de 11 km.

Randonnée qui sillonne une partie du GR 30, le chemin y est partiellement boisé ou offre des vues bucoliques sur les campagnes traversées.

Il y a également de jolis panoramas sur les lacs de la Crégut, du Tact, de Laspialade et du Tauron et vers les monts du Sancy.

Une partie du sentier de randonnée était transformée en lit de ruisseau par les pluies diluviennes de ce mois de juillet. Beaucoup d’épicéas tombés encombraient le chemin. Ce fut la partie technique de notre parcours.

Nous avons traversé un champ où vivaient quatre ânes qui ont été fortement intrigués par Suzy et Emma. Du coup, ils nous ont suivies, ont tenté une approche des chiennes qui fut un total échec. Nous les avons quand même papouillés à leur demande en éloignant Emma et Suzy passablement traumatisées par l’insistance intrusive de ces quatre êtres curieux.

Aurélie, Sam et Matéo.

En fin de journée, nous étions invitées à diner chez ma filleule qui habite à 30 mn de notre gîte. Cela faisait un moment que je ne l’avais plus vue. Elle partage son quotidien avec un jeune homme charmant et tous les deux vivent dans une maison accrochée à une colline au dessus de Borg les Orgues. La revoir m’a fait infiniment plaisir. Sa grande sœur et son fils étaient aussi présents. Nous avons passé une soirée chaleureuse. Sam, ma filleule, a un pincher nain, Nouki, qui a littéralement fondu d’amour pour Emma et Suzy mais ce ne fut pas réciproque. D’ailleurs Emma a demandé à dormir dans la voiture sans doute pour être tranquille et être certaine qu’on ne l’oublierait pas en partant ! Beaucoup d’émotions pour cette première journée.

Lundi 19 juillet

Rafales à 70 km /h aujourd’hui. Elles ont chassé loin les derniers nuages.

Les rafales à plus de 70 km/h.

Phlau est restée à la maison aujourd’hui avec les chiennes. Cédrine et moi sommes parties pour découvrir les sommets autour du Puy de Sancy. Le vent nous a surpris par sa violence lorsque nous sommes arrivées au point de départ de la randonnée à Chastreix-Sancy. Nous avons quand même débuté la randonnée mais très vite nous nous sommes retrouvées à escalader des rochers et à traverser des buissons de myrtilles et de bruyères. C’était rude dans ces rafales. Nous avons donc décidé d’aller marcher ailleurs, protégées de ces vents impressionnants.

Nous avons opté pour une magnifique randonnée en partie en sous bois, du côté d’Orcival,  autour de deux surprenants pitons rocheux : la Roche Tuilière et la Roche Sanadoire et de belles vues sur le tranquille vallon du Ruisseau de Fontsalade.

La forêt traversée était verdoyante et magnifique, totalement féerique, l’eau ruisselait partout. Nous sommes passées à côté d’un monastère orthodoxe perdu au cœur des vallons boisés à Malvialle.

Je préfère de beaucoup tomber sur ce type d’endroit au détour des sentes empruntées que sur les élevages qui pullulent dans la région et, comme d’habitude, cloisonnent les paysages. J’ai évidemment beaucoup de mal avec toutes les pubs mensongères qui ventent les productions locales de St Nectaire et les vaches mises en esclavage pour leur lait.

Saviez-vous qu’une vache ne produit « naturellement » que 4 litres de lait par jour qui devrait être (évidemment) réservé à son bébé et que les modifications génétiques imposées à ces espèces leur font produire cinq fois plus de lait en bio et quinze fois plus en conventionnel ? Donc, oui, j’ai beaucoup de mal avec les publicités qui font la promotion des vaches soi-disant heureuses paissant dans les pâturages. Pâturages bien gardés par des enclos de fils barbelés ou de fils électriques qui sont en fait des prisons à ciel ouvert que peu d’humains questionnent.

En fin d’après midi, nous sommes reparties, en famille, à la station de Chartreix Sancy pour se poser sur les hauteurs et contempler la fin du jour sur le plateau de l’Artense déployé au Sud du paysage.

Mardi 20 juillet.

Au col du Pas de l’Ane vers le Sancy.

A la découverte du Puy de Sancy culminant à 1886m d’altitude.

La randonnée prévue hier s’est faite aujourd’hui. 15 km dont la majeure partie sur les crêtes à plus de 1700m d’altitude…éblouissant !

Photo Cédrine

Nous sommes parties de la station de sports d’hiver de Chastreix-Sancy et avons traversé les herbages d’altitude vers la Tour Carrée où nous avons suivi le chemin de crêtes aux vues époustouflantes. Le panorama se déploie au bout de la montée et j’ai, soudain, basculé dans un autre monde, dans une Terre du Milieu qui pourrait accompagner les plus belles épopées de temps anciens ! Ces monstres telluriques apaisés nous rappellent qu’ils furent des démons exhalant la colère des entrailles terrestres en des temps plus reculés. Leur trompeuse douceur toute en rondeur irradie une force tranquille surprenante.

Nous suivons le GR30 sur cette ligne de crêtes qui va de la Tour Carrée et passe par le Puy de Sancy. Par moment, il faut escalader quelques rochers. Une corde sécurise le trajet. Les vues se déploient de part et d’autre notamment vers la station du Mont-Dore et nous croisons des marmottes vivant sur les lieux. Un téléphérique monte jusqu’au Pas de l’Ane et permet d’escalader, par des escaliers, le Puy de Sancy.

A partir de là, c’est l’enfer. Une foule compacte se presse sur les lieux et s’agglutine au sommet du Puy de Sancy. Très vite nous fuyons cet endroit pour rejoindre les sentes plus délaissées loin des téléphériques. 

Nous passons à côté du Puy Gros et redescendons, tranquillement, par les alpages verdoyants incroyablement fleuris avec vue sur le plateau de l’Artense qui se déploie sur l’horizon azuré. Les gentianes abondent. L’espace reste tristement cloisonné pour l’exploitation des vaches. C’est fou comment l’humain s’approprie toujours tout. Dans ces hauteurs vivent des chamois et des mouflons corses et, sans conteste, beaucoup d’autres animaux, c’est avant tout leur lieu de vie que les éleveurs ont électrifié à tout va. Ces magnifiques paysages sont en fait de gigantesques prisons électrifiées au nom d’une tradition mortifère.

Nous finissons notre parcours par la traversée du cirque de la Fontaine Salée culminant à 1400m d’altitude. Paysage alpin de carte postale. Les derniers kilomètres nous ramènent à travers d’autres pâtures électrifiées à notre point de départ. Nous sommes repues par la beauté des lignes de crêtes de  ces anciens volcans.

Mercredi 21 juillet

Cascade des Essarts et visite de La Bourboule.

Ce matin, nous sommes parties toutes les cinq à la découverte de la cascade des Essarts à Chastreix. Située à côté du village, un sentier boisé y conduit.  La cascade est nichée dans un creux et ruisselle sur des colonnes prismatiques dues aux coulées de lave sur le ruisseau de la Gagne. Nous y étions seules et avons savouré ce moment hors temporalité.

L’après-midi fut plus urbaine avec visite de La Bourboule. Dans la 1ere moitié du XXè siècle elle fut l’une des stations thermales les plus importantes du Massif Central.  Elle a accueilli une élite bourgeoise de toute l’Europe comme en témoigne ses villas pour la plupart abandonnées de nos jours ou reconverties en appartements de vacances.  Buster Keaton y a même séjourné. Au cours des Trente Glorieuse elle se reconvertit pour devenir la plus importante station thermale de France pour enfants sous l’impulsion de la Sécurité Sociale. Dire que petite j’ai failli y aller en cure ! C’était d’ailleurs ma hantise. Je ne voulais pas partir seule loin de mes parents et je pense que cela aurait été traumatisant. En passant, je les remercie de ne pas avoir écouté le médecin de l’époque. Je n’ai aucun problème aux poumons, j’ai juste grandi dans une famille de fumeurs et fumeuses…

Nous sommes montées à la Roche aux Fées qui offre un très beau panorama sur la ville lovée dans un élargissement de la vallée glaciaire de la Hte Dordogne à 852m d’altitude.

La Bourboule

Jeudi 22 juillet 21

Découverte des Puys de la Védrine et du Baladou entre 1311 et 1455 m d’altitude.

La randonnée choisie suit une partie du GR 4 par un sentier large et agréable. Nous sommes montées avec Phlau en haut du Puy du Baladou à l’accès difficile car clos par ces barbelés des champs prisons. Cédrine nous a attendues à l’ombre d’un sapin avec Emma et Suzy.

Quand nous avons repris notre parcours, je suis tombée sur Emma qui se roule tous les 200m sur le dos. Là, elle avait décidé de le faire juste devant moi pendant que j’observais le paysage sur ma gauche. Elle s’en est beaucoup mieux sortie que moi, j’ai mon genou gauche écorché ainsi que ma main gauche…plus de surprise que de mal.

Le GR 4 chemine vers la chaîne des Puys. Les paysages sont splendides et ouverts sur l’espace des sommets arrondis qu’ont formé les anciens cratères des volcans assoupis.

A un moment on quitte le GR pour passer par une forêt de sapins datant du XIXè s. Ici aussi on a rasé les forêts primaires pour s’accaparer la matière première et exploiter les espaces. La traversée de la forêt, en grande partie à l’ombre, fait du bien. Au lieu dit Le Buron du Creux, une vieille bâtisse est à l’abandon et une chouette a établi son repaire dans la cheminée. Nous avons pu la voir subrepticement avant qu’elle ne retourne dans sa cheminée.

Une grande partie de la forêt a été déboisée récemment. Du coup, marcher sous un soleil ardent est assez éprouvant pour Suzy. J’ai veillé à ce qu’il y ait des points d’eau sur tout le parcours.

Après notre pause déjeuner, nous n’avons pas trouvé le sentier indiqué et avons improvisé avec la carte topo. Ce fut l’aventure sur 500m où nous avons traversé une mini jungle locale de fougères verdoyantes, d’arbres déracinés par les dernières tempêtes, tout en longeant un ru moussu. C’était beau… les chiennes sont revenues pleines de tiques (c’était moins poétique du coup !).

Le retour s’est fait pas un sentier à découvert de hautes herbes. Les paysages déployés avaient un goût de Provence. Heureusement que ce chemin n’était que sur la fin du tracé car c’est assez pénible de marcher dans les hautes graminées, surtout pour les chiennes. Nous nous sommes toutes rafraichies une dernière fois à la fontaine du village de Pessade (où des gens utilisent l’eau pour laver leur salade).

Sur le retour, nous nous sommes arrêtées au lac de Chauvet mais n’y avons trouvé aucun intérêt particulier. Nous sommes rentrées pour nous gaver de melon, pastèque et brugnon.

Vendredi 23 juillet

Notre ligne de Puys du jour.

Notre randonnée d’hier nous a donné envie de remonter sur les lignes de crêtes des Puys, autour du Sancy, où les vues m’avaient tellement émue, mardi dernier, quand j’ai découvert ces sommets arrondis et herbeux surplombant les plateaux de cette terre du Milieu qu’est finalement le Massif Central. Les chiennes sont interdites afin de ne pas stresser les autres animaux, notamment les chamois qui peuvent avorter spontanément de peur. Donc, elles sont restées tranquillement dans notre gîte, qu’elles ont totalement adopté, et ont ainsi pu récupérer de leur journée d’hier. De plus, les températures ont dépassé les 30 degrés et il n’y a pas une auréole d’ombres sur ces Puys.

Cabine du téléphérique de la Perdrix.

Nous sommes montées par le téléphérique de la Perdrix, notre temps étant compté du fait de ne pas laisser Emma et Suzy plus de 5h seules. En même temps, cela nous a permis de suivre la ligne de crêtes des Puys, autour du Sancy, sur une dizaine de kilomètres en comptant l’aller et le retour et nos pauses contemplatives pour absorber la beauté de ces sommets herbeux et verdoyants.

Nous avons emprunté le GR4 vers le Puy de Cacadogne culminant à 1785 m d’altitude, sur son versant  Sud s’étend la luxuriante vallée de Chaudefour, réserve naturelle sur laquelle veillent deux rochers impressionnants : la Dent de la Rancune et la Crête de Coq. Nous avons pu y voir, au loin, des chamois. Nous avons aussi observé une marmotte qui a fait de même avec nous.

Nous sommes passées par le Puy des Crebasses et avons continué à proximité du Col de Cuzeau où nous nous sommes posées pour une première halte contemplative. A partir de là, nous sommes revenues sur nos pas. Vers 11h la montagne commence à se peupler de touristes, c’est le temps pour nous de quitter les lieux. Nous avons fait une dernière pause au Puy de la Perdrix culminant à 1825m d’altitude. Engranger un maximum de paysages dans notre boite à souvenirs…

Je suis littéralement tombée en amour de ces sommets.

Ego Portraits souvenirs après 80 km et 3500 m de dénivelé + en 6 jours.

« L’Auvergne… C’est un secret plus qu’une province. Elle vous tourmente toujours d’un tendre songe. C’est quand on l’a trouvée qu’on la cherche le plus. »

Chroniques de La Montagne d’Alexandre Vialatte

Minérale Corse

En avril 2020, nous avions prévu (Phlau, Julie et moi) de passer une semaine en Corse. Mais les circonstances en ont décidé autrement et le voyage a été décalé aux vacances de la Toussaint.

Je n’ai jamais été en Corse, c’est une première pour moi. Julie, qui nous a accompagnées, en est à son 4è séjour. Je crois qu’elle est fan, aimant la montagne et la lumière, c’est le combo gagnant.

Sentier du littoral- Désert des Agriates

Nous avions réservé des chambres dans un lieu chaleureux, : « CHAMBRES CHOCOLAT & TURQUOISE«  dans la périphérie de Bastia, où les hôtes sont végétaliens et font aussi traiteurs. Ainsi nous pouvions consacré nos journées à la randonnée et nous poser le soir autour de la table, sans avoir d’autres contraintes, ni à justifier nos choix de vie plus éthiques.

Florence et Michel, les hôtes, sont bienveillants, accueillants et cuisinent divinement bien. 5 chats, Gaby, Patrick, Cookie, Hendrix et Petit Chat, y vivent également ainsi que Cajou, le chien enthousiaste, ultra sensible et émotif de la maison que nous avons beaucoup bichonné. C’était le lieu idéal pour se ressourcer après nos marches quotidiennes.

1er jour – Mise en jambe sur les hauteurs de Biguglia

Nous sommes arrivées un dimanche lumineux, avons loué une voiture pour découvrir le Nord de l’Ile et, Florence et Michel, nous ont tout de suite proposé une mise en jambe : découvrir la chapelle romane Sant-Andria di Fabrica sur les hauteurs de Biguglia datant du XIIIè siècle. Un sentier partant de la fontaine au sud du village permet d’y accéder. Nous nous sommes tout de suite plongées dans l’ambiance méditerranéenne avec le maquis odorant exhalant les senteurs du ciste et les cactées qui jalonnent la montée vers la chapelle. Des cyclamens bordent le chemin ainsi que des chênes liège aux troncs noircis par un récent incendie qui donnent une couleur particulière aux paysages traversés.

Des décorations, petites sculptures, land art, peintures, rythment également la montée et poétisent l’espace. Il faut compter une heure de marche. Les ruines de la chapelle se dressent sur un piton rocheux à 343 m d’altitude, dominant la plaine, l’étang de Biguglia et la mer Tyrrhénienne. La lumière de fin de journée auréole les montagnes alentours où le vert domine. L’été semble encore là, si proche dans ce camaïeu de verts où les buissons ouvrent la vue sur un lointain bleuté côtoyant mer et montagnes. Seules les fougères roussies rappellent la saison en cours.

Par contre, en traversant le village de Biguglia, on a croisé un homme d’une quarantaine d’années, une carabine sur l’épaule, accompagné d’un garçon d’une dizaine d’années. Je trouve cela incroyable de voir des gens avec des fusils que ce soit dans les villages ou les zones moins habitées et, qu’en plus, cela soit un modèle éducatif. Tuer n’est pas à enseigner. C’est montrer qu’on peut dominer d’autres vies et se les approprier, ces vies qui ne nous appartiennent pas.

En fin de journée, nous sommes passées par le vieux port de Bastia,  deuxième commune la plus peuplée de Corse après Ajaccio. Ville portuaire aux immeubles écaillés dominée par la pro-cathédrale Sainte-Marie, entièrement restaurée et pimpante, dans un décor de ville latine tournée vers la mer. D’ailleurs, la majorité des églises et chapelles visitées sont rutilantes et très colorées et s’opposent bien souvent aux pierres vétustes des quartiers qu’elles dominent.

Jour 2 – Le désert des Agriates

Nous sommes parties, après le petit-déjeuner copieux, vers le Cap Corse pour notre randonnée du jour : 20 km aller-retour par le chemin des douaniers et son remarquable sentier littoral au départ du Golfe de Saint Florent.

La route qui conduit à notre point de départ passe par la montagne et offre des points de vue remarquables sur les deux versants du Cap Corse. Les panneaux de direction sont, pour beaucoup, vandalisés, troués par des balles, le nom français est tagué ou ils ont tout simplement été enlevés. Bienvenue sur cette île de l’omerta. D’ailleurs un dicton corse dit : « Un Corse ne pardonne ni pendant sa vie, ni après sa mort ». Le ton est donné.

Le désert des Agriates est situé entre le village de Saint-Florent, au Sud du Cap Corse, et la vallée de l’Ostriconi, au Nord de l’île-Rousse.

Les 16 000 hectares du désert étaient autrefois utilisés pour cultiver du blé et des oliviers.  Cette zone montagneuse n’a rien à voir avec un désert classique, on y trouve une faune et une flore abondantes, et surtout 35 km de côtes comptant des plages paradisiaques aux eaux turquoises. Les paysages sont beaux à couper le souffle et découpés par une infinités de petites criques aux eaux translucides et au sable blanc avec les montagnes en filigrane bleuté comme décor de fond.

Nous avons été jusqu’à la plage du Lotu où nous étions seules humaines et où Phlau s’est même baignée.

Baignade – Plage du Lotu

Au retour, Julie et moi avons escaladé un rocher qui devait être une ancienne tour de garde, appelées par les escaliers insérés dans la roche qui nous invitaient à aller admirer le panorama depuis sa plateforme.

Jour 3 – Apocalypse dans la vallée de la Restonica

Dans notre trio de voyage, il y a Phlau dont l’élément est sans aucun doute l’eau. Elle aime jouer, nager, se baigner. L’appel de la mer de la veille a été plus fort que tout même sans maillot de bain. Et il y a Julie. Julie aime marcher, la montagne et …le soleil. Elle rêvait de découvrir deux lacs de montagne, situés au bout de la vallée de la Restonica, qu’elle n’avait pas pu explorer lors de ses précédents voyages.

La vallée de la Restonica est souvent considérée comme l’une des plus belles routes de l’île. Cette route n’est pas facile, sinueuse sur 16 km, mais les paysages sont magnifiques, ce sont des gorges découpées par de hautes montagnes abruptes.  Nous voulions découvrir les lacs de Melu (alt  1711 m) et de Capitellu (alt  1930 m ). La météo annonçait un ciel bleu et un soleil lumineux. Mais voilà, à plus de 1000 m d’altitude, la montagne peut en décider autrement. Ce jour là, Julie allait encore rester sur sa faim. La quête des lacs…pour un autre séjour corse.

Dès le début de notre montée, à partir de la bergerie de Grotelle, un paysage alpestre, aux pentes marquées par des roches schisteuses, s’offre à nous . Nous traversons des rus alimentés par une eau furieuse qui dévale de l’aplomb des montagnes, rendant le sentier empierré dangereux et glissant. Le ciel est gris et menaçant.

Très vite, nous sommes prises dans une tempête mélangeant grêle et neige et transformant la montée en une épreuve des enfers. Le décor devient apocalyptique noyant toute couleur dans ses ruissellements venus de cieux en colère. Il est de plus en plus difficile d’avancer et nous sommes vite trempées de la tête aux pieds malgré notre équipement adapté.

Les rus se transforment en ruisseaux grondants et l’eau dévale de partout. Les sommets sont noyés dans les nuées grises qui crachent leur courroux de toute la force des éléments de la nature. A un quart d’heure du lac de Melu, nous décidons de faire demi tour car le sol est détrempé et beaucoup trop glissant. Je grelotte de froid.

Nous rebroussons chemin, la tempête ne se calmera pas. Julie est triste et déçue. Nous décidons de retourner à la chambre d’hôtes pour nous changer, nous réchauffer et repartir pour quelques kilomètres autour de Murato, surplombant la plaine de la Conca d’Oru et le golfe de Saint Florent, sous un ciel plus clément afin de finir cette journée par une note lumineuse.

Effectivement, le soleil inonde le littoral. A Murato se trouve l’une des plus jolie église romane de Corse : l‘église San Michele de style pisan   polychrome (bicolore), alternant des pierres de couleurs verte (serpentine) et blanche (calcaire), assemblées en dessinant irrégulièrement des damiers et des zébrures.

Jour 4 – Florilège de villages du Cap Corse

Aujourd’hui c’est plein soleil sur le littoral et les sommets proches. Nous décidons de partir découvrir le patrimoine urbain du Cap Corse. Nous commençons notre périple par Nonza, perché en nid d’aigle sur une falaise verticale de cent mètres de haut, surplombant la mer Méditerranée, autour de l’église rose orangé vif Santa Ghjulia. À la fin de l’époque romaine, sainte Julie, la patronne de la Corse, y aurait été martyrisée et, donc, une église, une chapelle et une source commémorent cet événement.

Dès notre arrivée, nous sommes accueillies par Frita, une chienne aux airs de cocker qui va nous guider et nous accompagner tout le temps de notre visite. Après être montées à la tour Paoline, construit au XVIIIe siècle sur l’emplacement d’un ancien château, nous descendrons par un monumental escalier de 150 marches vers la marine. Cet ancien port, aujourd’hui ruiné qui ouvre sur une surprenante plage de galets noirs et gris.

Le deuxième village visité est Canari, à peine un peu plus de 300 personnes y résident. Nous nous garons sur la place de son remarquable clocher du XVIIème siècle, agrémenté de magnifiques palmiers, jouissant d’une vue panoramique exceptionnelle sur le golfe de Saint-Florent et la pointe de la Revellata. A partir de là, nous descendons jusqu’à sa marine pour remonter par un sentier serpentant au travers d’anciennes terrasses abandonnées.

Le périple continue ensuite vers Pino, bâti à flanc de montagne et entouré de figuiers, chênes verts, platanes, cyprès et oliviers, surplombant la mer à 170 mètres. De magnifiques bâtisses l’agrémentent comme le château Piccioni ou le surprenant mausolée de la famille Piccioni qui contient, entre autres, les cendres de la fille de Gustave Eiffel, Valentine, mariée avec Camille Piccioni, diplomate et fils d’Antoine Piccioni qui fut maire de Bastia.

Nous décidons ensuite de traverser le cap pour finir sur sa façade Est avec la découverte de Meria. Nous empruntons la D35, route escarpée et sinueuse qui traverse les montagnes et nous offre de majestueux panoramas sur les sommets proches surplombants les eaux méditerranéennes de toute leur amplitude. En cette saison, il y a très peu de touristes et beaucoup de commerces sont fermés pour notre plus grand plaisir. C’est très impressionnant de se sentir seules dans ces lieux. Comme un sentiment de fin du monde …

Meria, 5 hab/km², fut un port actif au XVIIè siècle. Nous nous garons sur la place de l’église totalement désertée. Notre but est de découvrir le hameau abandonné de Caracu à proximité. Pour y parvenir nous longeons une allée bordée d’imposants tombeaux. En Corse, on trouve ainsi beaucoup de tombeaux et de cimetières privés dans les villages. C’est d’ailleurs étrange de voir ces lieux privatisés qui reflètent le pouvoir des notables en place d’une époque pas si lointaine.

Le sentier qui mène à Caracu s’enfonce dans la végétation touffue du maquis et offre, par endroit, des vues sur la cote orientale du Cap Corse. Assez vite nous arrivons au village. Les ruines sont dangereuses et peu visitables mais une étrange impression se dégage de ces lieux délaissés où la nature a repris ses droits.

Nous rentrons de nuit, épuisées et repues par tous ces endroits visités. Fin octobre, le soir arrive vite.

Jour 5 – Gorges du Tavignano

Un sentier balisé au départ de la citadelle de Corte permet d’atteindre les gorges du Tavignano, une des plus belles vallées des montagnes corses selon les guides touristiques. Le sentier s’élève sur la rive gauche du torrent.  C’est effectivement une très impressionnante vallée creusée dans les différents rochers de cette partie de l’île et qui mène aux hauts plateaux du lac de Nino et de la Punta Artica. Elle n’est accessible qu’à pied et reste en dehors des sentiers battus ce qui fait aussi tout son charme.

Le soleil et la douceur étaient au rendez-vous, nous avions décidé d’aller jusqu’à la passerelle suspendue de Rossolino, à 2h de marche. Le sentier est bien balisé et à flanc de falaise par endroit, offrant des vues à couper le souffle sur le maquis et les escarpements vertigineux de ce canyon corse. Nous avons croisé peu d’humains mais avons partagé nos miettes avec une colonie de fourmis lors de notre pause déjeuner.

Par endroit, quelques châtaigniers au feuillage or rappelaient que nous étions en automne.

Nous avons fini le périple par la visite de Corte, capitale historique et culturelle de la Corse. Elle occupe une position centrale dans l’île et sa citadelle domine les montagnes avoisinantes.

Jour 6 – Le chemin de croix de Cervione

Le soleil est de plus en plus ardent, nous choisissons pour cet avant dernier jour de découvrir les hauteurs de Cervione sur la Costa Verde. Cervione est un très joli village typique accroché en amphithéâtre sur les dernières pentes du Monte Castellu qui culmine à 1109 mètres.

Sa cathédrale Saint Erasme est remarquable, un des premiers édifices baroques de Corse.

Pour nous y rendre, nous avons pris la route sur la corniche de la Costa Verde qui a été une excellente mise en bouche de ce qui nous attendait.

Nous sommes montées sur le plateau de la Scupiccia (750m), situé à une heure de marche au-dessus de Cervione et qui offre une vue imprenable sur la plaine et les massifs alentours abritant la chapelle A Madonna di a Scupiccia. Nous décidons de nous y rendre en passant par la croix de Stupiole, dominant le littoral de son piton rocheux à 632 m d’altitude. A partir de la croix, le sentier bien balisé (heureusement !) passe par des rochers à escalader qui découvrent des vues de plus en plus époustouflantes sur l’horizon découpé entre mer et montagnes aux sommets enneigés.

Comme sur les hauteurs de Biguglia, les troncs sont noircis par un incendie, sans doute récent, mais la force vive du maquis a totalement réinvesti les sols et ces troncs calcinés habillent le paysage d’une étrange impression de chaos.

C’est sans aucun doute l’une de mes plus belles randonnées corses parce que le paysage est ouvert sur 360° et le ciel dégagé permet de savourer ces panoramas majestueux et diversifiés.

Nous nous sommes posées à la Pointe de Nevera à 801 mètres d’altitude repues par tant de beauté.

Jour 7 – Dans les nuages des crêtes de Rutali

Dernier jour, la matinée est encore lumineuse mais nous voyons poindre au loin quelques nuages. La particularité de la Corse est que le littoral peut être inondé de soleil mais le moindre nuage aime s’effilocher sur ses cimes vertigineuses . Nous décidons quand même de découvrir les crêtes proches de la chambre d’hôtes. Le point de départ est à Rutali.

Nous montons à la découverte du Monte Torriccello culminant à 834 m d’altitude. Très vite nous tombons sur un fameux nuage effiloché qui embrume le paysage et annonce la Toussaint prochain. L’ambiance de la dernière randonnée est donnée.

Dans cette brume, nous atteignons la chapelle Santa Chiara. Nous poursuivons vers la cime proche où paissent quelques vaches et un troupeau de chèvres.

En Corse, il n’y a pas d’élevage de vaches pour leur voler leur lait. Elles sont majoritairement errantes sur les routes et les sentiers (souvent dangereux d’ailleurs pour elles) et finiront assassinées pour leur « viande ». Elles sont efflanquées et cherchent à l’infini de quoi manger sur ces sols arides et épineux. Non, leur liberté sous conditionnelle n’est pas plus enviable que ce que vivent les vaches enfermées. La finalité reste la même et aucune jouissance d’un espace libre n’excuse une mise à mort programmée.

C’est quand nous atteignons la croix marquant le sommet du Monte Torriccello que le nuage se déchire enfin pour nous offrir une magnifique vue sur la baie de Saint Florent dans le lointain. La face Est reste bouchée mais nous pouvons voir le chemin de crête qui se dessine devant nous. L’objectif suivant est la cime de Stella à 1010 m d’altitude.

Nous replongeons assez vite dans un nouveau nuage ou peut être est-ce le même qui a ralenti sa course. Et là je suis surprise car nous ne sommes plus dans le maquis mais dans une incroyable forêt de châtaigniers totalement baignée par cette brume qui lui confère un charme onirique imprégné de féérie. J’ouvre la voie et les croassements des corbeaux qui s’envolent à mon approche accentuent encore cette impression. Et soudain, nous dérangeons quatre sangliers affolés qui s’éparpillent dans les fougères, le cadeau du jour. Les sangliers corses sont petits. Des rayons percent difficilement l’opacité de la brume et nimbent davantage encore le sous bois de magie. Nous poursuivons le chemin, heureuses de nos rencontres et arrivons à la cime suivante mais la vue reste bouchée.

Nous redescendrons accompagnée par cette nébulosité. Nous traversons d’autres sous bois émaillés de murs empierrés et moussus.

Les nuages ont également investi le littoral. Notre dernière journée corse aura été dans l’ambiance de la saison en cours.

Le retour au monde fou va être difficile.

Vue depuis la Pointe de Nevera à 801 m d’altitude

Terre d’encre et de papier

dans l’enclos du poème

et pourtant rose chair

Terre d’azur d’émeraude

en pleine page

et pourtant noir profond

Terre pastel sur la marge

ténue entre les lignes

touchée du doigt pourtant

Terre désincarnée

dans l’enclos du poème

et pourtant dans mes bras

Marie-Ange SEBASTI, Cette parcelle inépuisable,  Jacques André éditeur, 2013

Dans la minéralité des causses

Sur les hauteurs du Causse Méjean.

Pour ces vacances de la Toussaint, j’ai passé six jours dans un décor grandiose de canyons époustouflants et de tempêtes sur les hauteurs minérales des causses.

Gorges de la Jonte.

Trajet 19 oct – de Strasbourg à St-Pierre-des-Tripiers

Nous sommes parties à 7h de Strasbourg, la pluie était dense toute la matinée. Le ciel s’est dégagé à partir de midi. Le trajet est facile car les autoroutes sillonnent tout le parcours et le trafic était fluide.

On est arrivées à 18h, accueillies par nos deux charmants hôtes, par Finette, la chatte des lieux ultra câline et leurs deux petits-enfants, curieux et intimidés.

Finette.

J’ai évidemment tout de suite craqué pour Finette, hyper sociable qui est venue immédiatement réclamer des caresses et me pétrir les cuisses où elle s’est installée.

La dernière heure de trajet est sur des départementales qui traversent les Gorges du Tarn. 20 km en 1 h dans un décor fabuleux de falaises vertigineuses traversées par l’or de forêts somptueuses accrochées aux versants de ces roches.

Gorges du Tarn.

La vue de ma chambre semble sortie d’un conte du XIXè siècle. Tout pourrait être idyllique mais nous sommes au cœur d’un pays d’élevage de brebis laitières à la terre rude et hostile.

Vue de la fenêtre de ma chambre à St-Pierre-des-Tripiers.

Le gîte est une maison typique en lauze qui peut accueillir 5 personnes. Nous avons 2 immenses chambres.

Une courte balade en soirée nous a permis d’apprécier le décor. Nous nous sommes posées sur une colline proche pour regarder tomber la nuit.

Jour 1 -20 oct- Le Rozier

J’ai dormi 12h ! Incroyable ! Je crois que je décompense et que j’avais grandement besoin de cette pause. Gérer les tensions et toujours être à l’écoute finit par être éprouvant surtout que je suis seule dans cette gestion de 11 antennes à l’échelle nationale. Je suis entourée de remarquables personnes qui me comprennent et dont la compassion est immense et heureusement. Les équipes au sein de l’association sont aussi exceptionnelles et bienveillantes et font un formidable boulot d’investissement.  C’est grâce à ces équipes mais aussi aux personnes qui partagent mon quotidien et me soutiennent d’un amour inconditionnel sans oublier ceux et celles qui, de loin, m’envoient leurs pensées positives qui sont autant de petits morceaux d’amour que je tiens, car je dois gérer un nombre incalculable de messages qui exigent explications, critiquent, jugent, condamnent et sont autant intrusifs que maladroits.

D’où l’importance de cette coupure dans un bout de monde.

Ici, aujourd’hui c’est la tempête. La pluie brouille le paysage et les vents soufflent à plus de 80 km/h. Le rythme va être lent, il l’est déjà. Pendant que j’écris Phlau et  Suzy se partagent le canapé, l’une lit, l’autre somnole. Chacune son oreiller.

Vers 15h nous avons bougé, histoire de s’aérer un peu. Nous avons suivi la sinueuse départementale 996 jusqu’au Rozier à 30 mn de la maison. La route longe les gorges de la Jonte où se déploie un panorama grandiose, véritable canyon, avec des falaises à corniches noyées dans une luxuriance boisée aux couleurs de l’automne. J’ai vu mes premiers vautours avec leur vol circulaire de rapaces, au-delà des promontoires calcaires surplombant la vallée encaissée.  Au Rozier, bourg frontière avec l’Aveyron, une impressionnante tempête à noyer le paysage.

Au retour, l’horizon était embrumé, rendant encore plus oniriques ces lieux sauvages. L’eau ruisselait  abondamment sur la route jonchée de gros cailloux détachés des corniches.

Vue de la voiture sur l’église romane du Rozier.

Jour 2 – 21 oct – Au cœur du causse Méjean

Ce matin je me suis réveillée à mon heure habituelle : 7h. Tout était silencieux. J’ai ouvert mes volets et un spectacle de brume et de lumière s’est offert à mes yeux. Je me suis habillée rapidement pour aller savourer sur la colline proche ce spectacle féerique. J’aime quand les nuages s’accrochent au paysage et lui font un habit de brume déchiquetée alors que l’aube vient de s’estomper.

A mon retour, j’ai croisé le berger amenant ses brebis au pré. Elles étaient toutes tondues, les mamelles pleines. Je n’ai vu aucun agneau. Certaines ont été intriguées par ma présence et mon cœur s’est déchiré comme les lambeaux des nuages de cette matinée. Je ne peux pas faire abstraction de leur sort. Je ne peux pas m’extasier sur cette pratique ancestrale qui n’a plus lieu d’être. D’ailleurs les paysages d’ici sont cloisonnés et ont été façonnés par et pour l’élevage. Je suis au cœur d’un paradoxe éprouvant, tant de beauté côtoyant une inutile cruauté.  On peut fuir la réalité, elle nous rattrape toujours. Aucune rudesse, aucune tradition ne justifie une exploitation d’êtres sentients. L’histoire de l’humanité est marquée par une infinité de métiers qui ont disparu face aux évolutions et aux prises de conscience de nos sociétés. Déconstruisons nos archaïsmes pour un monde plus juste.

Aucune rudesse, aucune tradition ne justifie une exploitation d’êtres sentients.

Le petit-déjeuner a été pris rapidement, nous sommes parties explorer le causse Méjean. Il y a une enceinte protohistorique à 1107m d’altitude, ouvrage défensif édifié au VIIIè s. avant JC, à proximité d’un col, d’une draille et d’une source : la Rodo de Drigas. Une position idéale pour ces humains d’autres temps. Le rempart elliptique mesure  150 m sur 115 m, le mur d’origine en pierre sèche était vertical et devait mesurer 4m de haut, doté de 2 portes. Il n’a pas résisté à l’empreinte du temps et à la force des vents. Ce lieu fut habité de 750 avant JC  jusqu’au 2e siècle de notre ère. La vue devait être panoramique à 360° mais nous étions dans un nuage avec le sentiment d’être hors de toute chronologie, peut être même proches d’âmes étranges peuplant ces lieux. La nature vibrait, Suzy était la plus attentive de nous trois et grondait au rythme du frémissement des buissons. D’autres êtres nous observaient, bien cachés, elle les sentait.

Nous avons repris notre sentier de randonnée vers le hameau du Buffre, traversant des forêts de pins noirs d’Autriche habillés de lichens. Les maisons des villages sont en lauses, de leurs fondations à la cheminée du toit où trône une pierre en son sommet. Ici, le bâti reste particulièrement préservé. On dirait des maisons de contes. En fait, l’omniprésence de la roche calcaire a généré dans la culture caussenarde, tout cet art de la construction en pierre sèche.

Nous avons suivi à partir de là le chemin de St Guilhem surnommé aussi le Camin Ferrat qui conduit à l’abbaye de Gellone, à St Guilhem le Désert, centre majeur de dévotion au moyen-âge. Des chemins empierrés d’origine antique sillonnent ainsi les collines érodées par les vents et les humains qui se sont approprié les terres.  A la sortie du hameau se trouve le plus vieux calvaire des causses : la croix du Buffre où les pèlerins se recueillaient.  Son socle cylindrique s’élève sur trois marches (XIIè s.) et représente d’ailleurs deux pèlerins vêtus de tuniques, porteurs de bâtons surmontés de croix. Un senhadou (bénitier) en forme de visage humain contenait l’eau bénite. Aujourd’hui c’est l’eau de pluie qui le remplit.  

Nous avons continué sur le sentier qui traverse la Causse vers le hameau de Hures. Le ciel s’est dégagé pour nous offrir un impressionnant panorama sur les sommets alentours : le Serre du Bon Matin, le travers des Aures et le mont Aigoual. Le paysage est aride, à vif, jonché d’un chaos de pierres blanches, se perd dans l’infini où les nuages s’emmêlent au bleu des massifs lointains. Le causse Méjean est une immense table de calcaire jurassique d’une superficie d’environ 45000 hectares sans eau, sans arbres, ayant une altitude moyenne de plus de 1000 mètres et des couronnes qui atteignent jusqu’à 1278 mètres dans sa partie orientale. Nous nous sommes posées pour contempler cet impressionnant panorama, simple dans sa nudité, aride et beau. Nous avons aussi vu notre premier troupeau de brebis toujours sans agneau dans un champ en contrebas et sans patou.

Au hameau de Hures, nous avons suivi les indications pour trouver l’aven du village. En fait, nous ignorions ce qu’était un aven. Je ne suis pas du tout attirée par la spéléologie et légèrement claustrophobe.  Quelle ne fut pas notre surprise de dénicher un affaissement dans les prés qui donnait sur une faille oblongue d’environ 3-4 mètres béant dans un abîme de la terre.  Dans mes lectures, j’ai découvert que par le passé les bergers y jetaient leurs brebis mortes (voire les humains gênants) et écoutaient en frissonnant le dévalement sans fin des cailloux, que de sinistres légendes accompagnaient ces lieux puisqu’ils renvoient aux entrailles du monde.

Au retour, nous sommes passées à Meyrueis, ville la plus proche des lieux pour faire le plein d’essence. La route sillonne les extraordinaires gorges de la Jonte qui délimitent la partie méridionale du causse. En cette saison, les couleurs de l’automne leur donnent une parure incroyable d’ors et de rouges flamboyants. C’est beau à couper le souffle.

Les villes traversées semblent désœuvrées, elles doivent être plus animées l’été. Les rues désertées et étroites de ces bourgs de creux de vallées donnent un sentiment de mélancolie comme si elles  cherchaient un souffle de vie éteint à jamais. Une certaine tristesse se dégage de leurs façades décrépies.

Jour 3 – 22 oct. Aven Armand

Il pleut, une pluie  légère qui froisse le paysage et conte l’automne. La découverte de l’aven d’hier et des histoires qui l’accompagnent m’ont donné envie d’en (sa)voir davantage. Nous sommes à quelques kilomètres de l’Aven Armand, merveille souterraine, indiqué sur tous les panneaux des routes proches. Il fut découvert en 1897 par 3 spéléologues dont Martel et Armand. Armand était serrurier forgeron au Rozier, il devint le fidèle compagnon d’exploration de Martel qui nomma ainsi cet abyme pour lui rendre l’hommage de la découverte car Louis Armand fut le premier à avoir repéré le maître-trou et le premier à y descendre.

L’endroit est immense (un stade olympique tient dans ce lieu, la cathédrale Notre-Dame peut y entrer) et fantasmagorique. Les gouttes d’eau filtrées par l’épaisseur calcaire de la voûte et chargées de calcite cisèlent depuis des millénaires une irréelle et vénérable forêt bien plus âgée que notre jeune humanité. Draperies magnifiques, méduses de calcaire, dentelle baroque, feuille d’albâtre transparent agglomérées alternent avec des aiguilles et d’immenses stalactites en pendentif qui rejoignent presque les colonnes dressées à terre. La plus élevée atteint 30m et détient le record du monde de hauteur des stalagmites. Trente autres atteignent 25 m. Certaines mesurent 3m de diamètre. Le décor est cyclopéen et merveilleux, la visite d’une heure est trop courte.  J’aurais aimé me poser au cœur de ce monde fabuleux pour m’imprégner de toute la démesure de cette œuvre naturelle.

L’après-midi fut plus lent, la pluie tombait drue par moment, l’orage a même tonné. Nous sommes parties faire le tour des gorges de la Jonte en voiture. La route qui relie St Pierre des Tripiers au Truel est étroite et sinue à flanc de falaises dans un décor monumental. J’en ai fait une partie à pied car je ne me lasse pas de ces fabuleux paysages où s’accrochent le souffle des nuages et où l’automne fait une parure mirifique aux forêts de ces vallées encaissées. La pluie poétise ce décor et lui donne une dimension romantique époustouflante.

Jour 4 – 23 oct – Tempête

L’orage gronde depuis l’aube, les éclairs sillonnaient le mur de ma chambre d’éclaboussures fantomatiques. Le ciel est bas et lourd et a anéanti le causse dans sa grisaille tourmentée. Les éléments semblent déchainés. Je me dis qu’avec la force du vent d’ici ce soir plus aucune feuille dorée ne parera les feuillus de leur manteau d’automne. Toute cette eau ruisselle dans le calcaire de ces collines, immédiatement bue par la roche poreuse. Le paysage est plus dénudé que jamais et le blond des prairies desséchées contraste avec la pesanteur des nuées.

Nous avons tenté une sortie mais la fureur du tonnerre nous a repliées dans notre chaumière de pierre sèche. Une soupe de légumes mitonne sur les plaques en vitrocéramique. Lectures, jeux avec Suzy, tri des photos… la journée sera cosy.

En fond sonore la voix suave de Youn Sun Nah : « uncertain weather »… L’ambiance est posée.

Jour 5 – 24 oct – Sur les corniches du causse de Sauveterre

Hier soir, Pierre nous a rejoint au gîte, visite impromptue qui m’a fait plaisir. Ce matin, nous sommes parti-e-s tous les 4 explorer les hauteurs proches côtoyées par les vautours fauves et autres rapaces.

Nous sommes au cœur des failles qui délimitent les vaisseaux des causses, au bord de ces somptueux précipices faits de promontoires gigantesques et de rivières bouillonnantes. Tout y est infiniment beau et infiniment grand.

Notre randonnée nous a conduit-e-s par une sente pierreuse et escarpée sur la corniche du causse de Sauveterre, au roc des Agudes offrant une vue à 180° sur les gorges du Tarn et de la Jonte. Paysage époustouflant où dansaient les vautours.

Sur le retour, nous sommes passé-e-s par le village abandonné d’Eglazines, accroché aux roches des gorges dans un décor de pierre et de forêts d’épineux et de chênes. Bâti contre le roc, ses maisons sont semi-troglodytiques (elles n’ont bien souvent que 3 murs adossés à la falaise). Bien qu’en ruine on devine les anciennes terrasses tout autour et on imagine la difficulté de la vie en ce lieu. Jusque dans les années 60 une vieille dame a habité ce hameau.

Jour 6 – 25 oct – sur la corniche du causse Noir.

La journée fut bleue et or. Bleu comme la lumière qui a rougi mes joues, or comme le ruissellement de l’automne dans les forêts humides du causse noir.

La randonnée du jour fut encore fantastique entre vieilles pierres délaissées (prieuré de St Jean des Balmes, ermitage St Michel, Ferme résinière abandonnée) et ces panoramas grandioses sur ces gorges dont je ne me lasse pas avec échappées sur le plateau et les corniches du causse Méjean, rochers ruiniformes en aplomb au-dessus de la Jonte et réserve naturelle du cirque de Madasse, écrin boisé de pins, de chênes et de hêtres où chantent les fées.

La première étape est le prieuré de St Jean des Balmes, ruine de style roman. L’endroit fut peuplé depuis des millénaires car c’est un croisement de voies de communication, notamment la route de Meyrueis à Millau et le chemin de l’Auvergne au Languedoc qui passait par Peyreleau. Des légendes circulent autour de ces ruines. L’église fût bâtie sur un ancien temple gaulois voué au dieu Soleil et il y a sous ses murs deux tunnels antiques, dont les directions indiquent les quatre points cardinaux. Malgré son altitude – 960 m – l’endroit est habitable, comportant plusieurs sources, des terres exploitables et des bois ce qui est une véritable richesse dans ces contrées dénudées. L’église est mentionnée dès le XIè s. C’est au XVIIè s. qu’elle sera désaffectée et se délabra peu à peu dans le contexte des guerres de religion.

Le sentier que nous suivons ensuite nous amène à la réserve biologique intégrale du cirque de Madasse aux portes duquel se tient l’ermitage St Michel, autre ruine occupant quatre pitons dominant les gorges de la Jonte. Il s’agit de l’ancienne forteresse de Montorsier des XIè et XIIè s. L’accès s’effectue par des échelles en métal fixées dans la roche. La vue depuis les terrasses est à couper le souffle. 

Toute la suite de la randonnée se fait sur la corniche, le plus souvent en sous-bois, le chemin est étroit, les feuilles mortes le rendent glissant et il est entrecoupé de racines. Il s’ouvre régulièrement sur des vues époustouflantes : l’ermitage, les Vases de Chine et de Sèvres deux imposants monolithes surplombant le paysage, le rocher de Capluc et le village de Peyreleau avec le confluent de la Jonte et du Tarn.  

La remontée sur la ligne de crête aboutit au Champignon préhistorique,  rocher ruiniforme imposant. Les sentiers se font chemins forestiers et traversent les très belles forêts moussues des hauteurs. Nos pas nous mènent vers le dernier rocher-point de vue, le Point Sublime, le bien nommé où j’ai encore pu observer le vol des vautours fauves dans le bleu frontal de cette journée lumineuse.

 
CAUSSE
 
Le plateau sans limite étale son désert,
Sa grisaille de plomb sans voix, sans feu, sans onde:
Il semble que l’on ait atteint au bout du monde
La région maudite aux portes des enfers.
 
 
L’implacable soleil brûle et luit sans ombrage,
Où pourrait-on trouver la source qui sourit,
La branche qui chuchote et balance son nid,
La rose dont la grâce émeut le paysage…
 
 
Rares troupeaux broutant les cailloux gris du sol,
Buis et genévriers, chardons plats, herbe rase,
Chaque être et chaque fleur sous le vent qui l’écrase
Courbe son morne front et rampe sans envol.
 
 
Je l’aime cependant ton visage farouche
Sous ton ciel inclément, Causse déshérité,
Pour le silence amer et l’air de liberté
Que l’on peut respirer là-haut à pleine bouche.

Jeanne Foulquier

La sentience (du latin sentio, sentis « percevoir par les sens ») désigne la capacité d’éprouver des choses subjectivement, d’avoir des expériences vécues ce qui implique respect et sollicitude.

	

Italie ~Val d’Aoste ~ou comment tutoyer les nuages.

Italie ~Val d’Aoste ~ou comment tutoyer les nuages.

chloeka - Italie Val d'Aoste nuages Aout 2015-2

Journal - Août 2015
Jour 1 – 3 août 2015 – Pila Gorraz
Gilda me lèche consciencieusement les mollets que j’ai enduit de mon macérât huileux au millepertuis. Nous sommes proches du soleil et son ardeur est bien présente. L’altitude le rend agréable mais pas moins mordant !
Douche réparatrice après ce premier jour à découvrir les montagnes alentours.
Hier, en arrivant, j’ai immédiatement été explorer le versant de notre massif. J’ai déniché un bar d’altitude posé au bord d’un mini lac vêtu du beau bleu du ciel avec une vue extraordinaire sur les Alpes alentours (1h30 aller-retour).
Partout où porte le regard, ça monte. Phlau pense qu’on nous a posé un immense poster devant notre fenêtre.
Aujourd’hui suis partie escalader la Punta MONPERS à 2794 m (1000 m de dénivelé), pointe escarpée en dents de scie que j’ai grimpé à flan de roche et de terre meuble. Paysage époustouflant où se déploient des sommets enneigés qui culminent à plus de 3500 m. Sentiment de plénitude, d’un temps suspendu.
Ce que j’aime dans la montagne c’est qu’elle tutoie les nuages et j’ai aussi ce sentiment puissant de ne faire qu’un avec la terre, l’air et l’espace.

Jour 2 – AOSTE
Trop chaud : 39°.
Trop de monde dans ses ruelles étroites, temple de la consommation.
Trop de Français (j’aime bien entendre parler une langue étrangère quand je suis dans un autre pays, bon j’avoue, je n’ai pas choisi l’endroit le plus exotique pour me dépayser au niveau de la langue !).
Quel contraste avec ma solitude de flan de montagne d’hier. Aoste est une ancienne ville romaine pleine de vestiges dans un décor totalement fantastique, cernée de massifs qui lui font un extraordinaire écrin de verdure. Nous avons repéré un restaurant vg, Cibo, nous le testerons peut être cette semaine (pari perdu de Phlau).
12° de différence entre le fond de vallée et notre havre à 1700 m d’altitude.
Le dîner de ce soir est composé de drôles de pâtes, les trofie liguri. Elles ont une forme allongée, sont fines et torsadées. Nous allons les dévorer avec des aubergines à la niçoise.
Gilda a un super appétit, elle dort beaucoup, soigne mes mollets régulièrement et a récupéré ses kilos perdus ! Elle a fait sien notre mini appartement de montagne.

Jour 3 – Col de Chamolé 2641 m
chloeka - Italie Val d'Aoste vers le col de Chamolé Aout 2015-2
J’ai commencé un roman d’Isabel Allende « Le cahier de Maya ». Suis emportée par l’écriture et les personnages. Gilda m’a réveillée à 7h pour son casse-croûte et sa tournée pipi. J’ai lu ensuite, j’ai été transportée par l’émotion de cette écriture qui parle à mon âme. J’ai même pleuré. J’aime les livres qui sont vivants, cela faisait longtemps que je n’avais plus pleuré en lisant un livre. Bref, j’adore !
Vers midi nous sommes parties prendre le télésiège à Pila pour monter vers le lac de Chamolé, autre pan de montagne à explorer. C’était chouette ce petit tour dans les airs, comme un long manège en pleine nature avec des soubresauts inquiétants à chaque poteau passé (autre émotion du jour).
Le lac de Chamolé à 2300 m. d’altitude est la piscine du coin bien qu’on n’y trempe que les pieds. C’est là que viennent se poser les touristes et les randonneurs, étape vers les sommets qui cernent ce petit lac d’altitude. De minuscules grenouilles peuplent ses rives. J’ai un truc avec les batraciens. Je rêve de croiser des loups et je me retrouve toujours autour d’une multitude de grenouilles souvent minuscules.

Les pieds dans l'eau- Lac de Chamolé
Les pieds dans l’eau- Lac de Chamolé

Du lac nous avons grimpé le sentier abrupt qui monte en zigzag jusqu’au col de Chamolé. La vue était encore fantastique avec des panoramas majestueux où se déployaient les montagnes à perte de regard.

Phlau au col de Chamolé.
Phlau au col de Chamolé.

Un soleil vaillant nous a tenu compagnie mais l’altitude l’a rendu agréable. En redescendant nous avons décidé de dîner au restaurant vg d’Aoste, le CIBO.

Jour 4 – Parc National « Gran Paradiso »
Matin
Le dîner était délicieux. C’est chouette de pouvoir trouver des restaurants sans cadavre (ni cadavre de poisson !). J’ai savouré un carpaccio de fenouil et orange en entrée et une paella végétalienne ensuite. A Aoste la température est pesante. L’amplitude thermique entre la montagne et la vallée est impressionnante.
Aujourd’hui nous allons prendre la voiture pour découvrir le parc national « Gran Paradiso » et monter jusqu’à Cogne.
chloeka - Italie Val d'Aoste Parc National Gran Paradiso Aout 2015-4
Soir
Que dire ? Sinon que ce parc porte bien son nom. Je m’attendais à des espaces ouverts sur des sommets enneigés (certains massifs culminent à plus de 3500 m) et c’est une vallée encaissée et profonde que nous avons traversée où chante la Grande Eyvia, rivière impétueuse jalonnée de torrents multiples qui ruissellent de partout. Les conifères qui habillent cette vallée sont gigantesques, les sommets enneigés semblent lointains, le paysage ressemble au grand Nord canadien (du moins dans mon imaginaire d’Européenne qui n’a jamais exploré le gd Nord canadien). Les quelques villages traversés (Cogne, Valnontey, hameau de Valmiana, Lillaz) sont typiques et déploient des maisons de montagne aux grosses pierres grises agrémentées de bois, aux toits pentus. L’eau est présente partout, joyeuse et vive. Par contre, il y a plus de touristes que sur notre flan de montagne. L’étiquette « parc national » attire davantage de monde que les pistes de ski de Pila.
J’ai le visage cramoisi. Les nuages et le fond de vallée sont trompeurs. Nous étions bien à plus de 1500 m d’altitude mais nous n’avons escaladé aucune pente. La balade du jour s’est faite le long du sentier qui borde la rivière, à plat, au grand soulagement de Phlau qui ne sent plus ses cuisses.

Jour 5 – Couis I – 2700 m.
Suis K.O. Je sors d’un bain réparateur. Le soleil est plus virulent que les autres jours.
Phlau est descendue à Pila pour prendre le télésiège vers Chamolé. Suis montée à pied afin de découvrir un nouveau sentier vers l’Alpe Chamolé que je n’ai trouvé que sur un misérable kilomètre. Du coup, me suis farcie la montée en ligne droite sous le télésiège, 500 m. de dénivelé en plein cagnard !
Nous nous sommes retrouvées devant le bar qui côtoie l’arrivée du télésiège. Un christ délirant le surplombe. On a l’impression qu’un violent coup de vent a déstabilisé la statue et qu’il est prêt à s’envoler mais ses mains et pieds cloués le maintiennent à sa terrible croix.

Le Christ envolé.
Le Christ envolé.

Nous sommes parties prendre le télésiège suivant vers Couis I, longue promenade branlante suspendue dans les airs pour atteindre cette fameuse ligne de crête qui me nargue depuis la fenêtre de notre appartement, l’envers du poster qui nous sert de vue.
Mirifique vision du sommet de notre « petit » monde où s’est enfin déployé un panorama à 360° avec une vue plongeante sur Cogne (où nous étions hier) et le détail de tous les monts enneigés de Gran Paradiso à portée de souffle ainsi que le Mont Blanc à la pointe de cette crête et le Mont Emilius de l’autre côté.
J’ai fait ma salutation au soleil sur ce toit de monde. Nous avons marché sur la ligne de crête, en équilibre entre deux versants où la roche schisteuse affleure partout. J’aurais pu rester la journée à respirer ce paysage fantastique de mousses, de lichens, de rochers et de pointes enneigées.
J’ai fini mon (génial) roman d’Allende ce matin et j’étais triste de devoir quitter tous ces personnages auxquels me suis attachée. Face à la grandeur de ce panorama, j’ai eu le même sentiment, envie que cette contemplation s’éternise, que le souffle gigantesque de la Terre me nourrisse sans fin (faim) !

Jour 6 – nuages- orage
De gros nuages blancs et cotonneux se sont blottis dans le val d’Aoste qui semble illuminé de la terre. Le spectacle est plutôt fascinant. Les milliers de minuscules fenêtres des habitations de la vallée reflètent les éclats d’or du soleil et scintillent comme des étoiles.
Les sommets où nous nous trouvons se sont couverts de nuages plus sombres et plus opaques.
Nous avons fait une balade à flan de coteaux vers une bergerie abandonnée, Lioutegsaz (2077 m.). Nous avons tenté de faire des photos en posant l’appareil sur un support pierreux et en sautant devant l’objectif. Ca nous a fait rire et ça nous a épuisées. Ensuite, nous avons fait deux groupes de un. Phlau qui peste toujours contre la moindre montée est revenue sur ses pas. J’ai poursuivi un peu plus haut vers une croix et une bergerie en activité, Grimandet, point de vue exceptionnel sur Aoste. L’orage grondait sur les sommets. Il a éclaté pendant ma descente, pluie bénie qui a fait chanter les fossés et nourri la terre.
Nous irons plus tard boire un dernier verre dans un bar de Pila, là nous contemplons l’orage depuis notre studio en savourant une tasse brûlante d’herbes bienfaitrices.

La Baie de Somme en mai

La Baie de Somme

-plus grand estuaire du nord de la France-

Trois jours pour se nourrir de vents (beaucoup), de cieux changeants aux lumières magiques, de nature vivifiante, d’embruns et d’émotions. 
http://www.baiedesomme.fr/

 

La Suède ~ été 2013 ~

L’été 2013 fut consacré aux eaux & forêts de Suède. Nous avions loué une maison en bois rouge perdue au cœur de la nature. Un bout de monde. Un bout de paradis.
La Suède est une passoire à lac. Chaque détour de chemin, de route, conduit à un point d’eau.
Tous les paysages sont immenses et les forêts bienveillantes accueillent un univers foisonnant qui réconcilie nos rêves d’enfant à notre imaginaire d’adulte.