Cela fait déjà un moment que j’avais envie de passer quelques jours dans la forêt au-delà de la frontière au Nord de l’Alsace. Cet espace boisé infini qui s’offre à la vue depuis le sommet des châteaux forts peuplant les Vosges du Nord. Je l’ai côtoyée parfois, lors de brèves incursions en Allemagne, quand je vais explorer ces châteaux semi troglodytes que j’aime tant. Ces doux vallons boisés qui s’étendent à perte de vue m’invitent aux rêves loin des turpitudes du monde.
» La forêt palatine rassemble un ensemble continu de contrées environnées de montagnes forestières dans le land de Rhénanie-Palatinat en Allemagne. Il s’agit d’un reliquat d’une vaste « foresta » placée sous l’autorité des comtes du palais impérial à la fin de la dynastie carolingienne. Ces dignitaires émancipés en partie du pouvoir régalien sont devenus les comtes palatins du Rhin, laissant à leur principauté le nom de Palatinat.
La forêt palatine forme par ailleurs un ensemble géomorphologique unique avec les Vosges du Nord, rassemblé au sein de la réserve de biosphère transfrontière des Vosges du Nord-Pfälzerwald. Cet ensemble est étroitement lié au massif des Vosges, dont il n’est séparé que par le col de Saverne. » Source : WIKIPEDIA
Pour ces trois jours de découverte, j’ai choisi un gîte au pied des vignes à Pleisweiller-Oberhofen. C’est à 1h30 de la maison, à côté donc, et c’est totalement dépaysant. Inutile de parcourir de longues distances pour se sentir ailleurs. Suzy et Rosa étaient du voyage.
Parfois, je sépare les chiennes pour offrir d’autres alchimies dans leur quotidien. Le combo Emma/Rosa est quelquefois difficile à gérer parce qu’Emma est l’idole de Rosa et que cette dernière fait un peu n’importe quoi quand Emma est en balade avec nous. En outre, pour Emma, cela lui permet de souffler aussi car « l’amour » de Rosa est, par intermittence, envahissant pour elle.
Nous avons débuté par un petit circuit de 11km à partir de Göcklingen, village viticole lové au cœur des vignes sur la route des vins du Sud du Palatinat.
De nombreux circuits de randonnées traversent la forêt, de nombreuses ruines l’habitent. La balade fut riche en points de vue, en ruines visitées. Une tour en grès, construite en 1886, la Martinsturm, était notre point culminant à plus de 500 m. d’altitude. C’est une tour d’observation de 14 m de haut . Elle a entièrement été rénovée dans les années 1990, le bâtiment est classé. Dans le passé, elle était également utilisée pour la protection contre les incendies de forêt , mais aujourd’hui, elle n’a qu’une importance touristique. Lorsque la visibilité est bonne, le panorama s’étend sur l’ Odenwald , la Forêt-Noire et les Vosges.
L’autre grande attraction de notre petit périple fut la visite du Burg Landeck, ruine du XIIe s. plutôt bien conservée, avec un remarquable donjon carré et imposant visible de loin, depuis la plaine.
Beaucoup de monde le côtoie, un samedi lumineux d’octobre en plus. Un restaurant trône à l’intérieur et offre deux plats copieux et succulents véganes, la belle surprise de fin de randonnée. Evidemment, nous avons commandé les deux plats et nous nous sommes régalées.
A 17h, découverte de notre gîte qui est parfait, propre, hyper confortable et nos hôtes sont chaleureux et accueillants. Une douche bienvenue va clore cette journée riche en découvertes et en belles surprises.
Dimanche 22 octobre 2023
Le gîte est vraiment exceptionnel, la literie est extraordinaire de confort, j’ai le sentiment de dormir sur un nuage. L’endroit est incroyablement calme. C’est une tanière de luxe où on se ressource pleinement.
Ce matin, nous sommes parties explorer de nouvelles pistes à dix minutes de notre lieu de vie temporaire. Onze kilomètres et presque cinq cent mètres de dénivelé avec un ressenti de vingt kilomètres parcourus tant les paysages sont variés et offrent des panoramas tous plus beaux les uns que les autres. Nous avons fait un circuit sur les vallons qui dominent la plaine, au départ du village viticole de Leinsweiler, sur la route des vins du Sud.
La forêt qui surplombe cette partie du paysage s’appelle la Vasgovie. Composée en grande majorité de châtaigniers, hêtres et chênes, elle est remarquable par ses vallons profondément encaissés et ses ruines médiévales qui jalonnent ses sommets boisés.
L’automne sublime ses sentiers d’ors et de bruns chatoyants.
La montée un peu rude nous a conduit à une première ruine qui offre un panorama époustouflant à 360° sur la plaine du Rhin et tous les vallons qui lui font un contrefort boisé : le Neukastel. Il ne reste qu’un promontoire rocheux de ce château du XIIè s. culminant à 459 mètres d’altitude. De forts vents activaient la course des nuages et créaient une ambiance voilée sur la plaine s’étendant à perte de vue.
Le temps suspendu à l’élan fou des nuages…
Nous avons traversé des forêts immenses, pénétrant au cœur de ces vallons encaissés où des vues incroyables se déployaient par endroit, offrant des panoramas sur les rochers et ruines que nous allions découvrir.
Chaque détour de sentiers déployait d’autres paysages, tous plus beaux les uns que les autres, loin des bruits de l’humanité.
Nous avons fini nos découvertes par les ruines du château de Scharfenberg qui n’est pas ouvert à la visite et l’impressionnant site du château rupestre d’Anebos à 463 mètres d’altitude. Ces sites font partie d’un ensemble de trois châteaux médiévaux : les Trifels. C’est également un lieu d’escalade.
Les contreforts rocheux sont colossaux et la vue qui s’y déploie est spectaculaire, notamment depuis les ruines du château d’Anebos vers le Trifels, le mieux conservé des trois.
Repues, nous sommes redescendues par de larges sentiers vers Leinsweiler que nous avons pris le temps de visiter avant de retourner au gîte.
Lundi 23 octobre 2023
Le ciel se couvre et les températures baissent, l’or des forêts et des coteaux viticoles n’en reste pas moins beau.
J’ai presque dormi 10 heures la nuit passée. C’est bien reposée que je pars pour la dernière randonnée de notre séjour. Nous allons nous enfoncer au cœur des vallons de la Vasgovie. L’objectif du jour est le site de Rötzensteinpfeiler. Il semblerait que ce soit l’un des endroits les plus impressionnants de cette forêt, il culmine à 460 m d’altitude. C’est un long récif rocheux gréseux qui s’étire en aplomb d’une montagne, son mur escarpé de 50 m. est apprécié des personnes pratiquant l’escalade. Sur sa pointe la plus extrême trône une croix qui ouvre sur un grandiose panorama.
La vue est effectivement époustouflante sur les vallons qui s’étirent dans un infini bleuté, nature insoumise à perte de vue où pointent par endroit, les vestiges des châteaux médiévaux qui rappellent le passé glorieux de ces contrées délaissées. Pas un humain sur les sentiers empruntés, le lieu est aussi désert.
C’est là que je voudrais que le temps se suspende. Bulle primitive d’émois décuplés où toute cette beauté me nourrit, je me sens repue et apaisée. Peu de paysages provoque un tel sentiment de complétude chez moi.
Même Phlau qui préfère les forêts aux panoramas est conquise !
Quand nous quittons ce lieu fascinant, c’est pour le découvrir depuis la crête voisine, 3 km plus loin, où s’étale un autre amas rocheux remarquable : les Kieungerfelsen. L’accès par le Sud est difficile, pentu et très technique, la terre et la roche sont humides, je préfère jouer la carte de la sécurité et rebrousser chemin pour retrouver les larges sentiers où abondent les châtaigniers pour retourner à la voiture.
Sur le retour, nous décidons de nous arrêter au Burg Landeck pour savourer une dernière fois leur cuisine végane découverte le premier jour.
Porter Suzy dont les coussinets supportent mal les bogues piquantes des châtaignes.
Je fais également une cueillette de feuilles locales pour mes prochaines empreintes végétales : chênes, châtaigniers et hêtres, souvenirs de cette forêt splendide et profonde.
Départ de Strasbourg à 8h, Phlau, Cédrine, Emma , Suzy et moi pour découvrir la région centrale des Puys.
Emma a pris beaucoup de place sur les sièges arrière de la voiture. Elle a eu du mal à se poser comme toujours quand nous partons quelque part. Suzy se cale aux pieds et ne bouge plus du trajet. Elle sait s’économiser.
La route fut assez fluide. Nous sommes arrivées à Saint-Donat vers 17h. Village auvergnat de 200 hab. situé à plus de 1000m d’altitude sur le flanc Sud-ouest du Massif du Sancy. La maison est spacieuse et baignée de lumière, elle est située au bout du village. Elle est agrémentée de jolis volets rouges et ouvre sur un jardin clos, idéal pour les chiennes d’où le choix de cet endroit.
Goûter gourmand qui n’a assassiné personne 😉 J’adore les tartines briochées de beurre végétal salé avec une fine couche de sucre (enfance)
Un immense champ l’avoisine. Il sera le lieu des balades matinales et crépusculaires des chiennes. La vue se déploie sur les Monts Dore au Nord et les Monts du Cantal au Sud. Ce sont de vastes étendues où se perd le regard et où l’accompagne les pensées vagabondes. Ici, des histoires se dessinent au creux de nos imaginaires portées par ces collines verdoyantes.
Le champ avoisinant notre gîte.
L’activité principale sur laquelle repose le village est l’exploitation à outrance des vaches. Les mouches sont légions, partout et surtout dans la maison.
Sorry
Nous avons fait une première sortie de 5 km en fin de journée autour du village voisin de Chastreix. L’eau chante et ruisselle de toute part. Cédrine a sympathisé avec un chaton qu’elle a failli adopté. Mais le chaton n’était pas abandonné, il voulait juste créer du lien.
Randonnée qui sillonne une partie du GR 30, le chemin y est partiellement boisé ou offre des vues bucoliques sur les campagnes traversées.
Il y a également de jolis panoramas sur les lacs de la Crégut, du Tact, de Laspialade et du Tauron et vers les monts du Sancy.
Une partie du sentier de randonnée était transformée en lit de ruisseau par les pluies diluviennes de ce mois de juillet. Beaucoup d’épicéas tombés encombraient le chemin. Ce fut la partie technique de notre parcours.
Nous avons traversé un champ où vivaient quatre ânes qui ont été fortement intrigués par Suzy et Emma. Du coup, ils nous ont suivies, ont tenté une approche des chiennes qui fut un total échec. Nous les avons quand même papouillés à leur demande en éloignant Emma et Suzy passablement traumatisées par l’insistance intrusive de ces quatre êtres curieux.
Aurélie, Sam et Matéo.
En fin de journée, nous étions invitées à diner chez ma filleule qui habite à 30 mn de notre gîte. Cela faisait un moment que je ne l’avais plus vue. Elle partage son quotidien avec un jeune homme charmant et tous les deux vivent dans une maison accrochée à une colline au dessus de Borg les Orgues. La revoir m’a fait infiniment plaisir. Sa grande sœur et son fils étaient aussi présents. Nous avons passé une soirée chaleureuse. Sam, ma filleule, a un pincher nain, Nouki, qui a littéralement fondu d’amour pour Emma et Suzy mais ce ne fut pas réciproque. D’ailleurs Emma a demandé à dormir dans la voiture sans doute pour être tranquille et être certaine qu’on ne l’oublierait pas en partant ! Beaucoup d’émotions pour cette première journée.
Lundi 19 juillet
Rafales à 70 km /h aujourd’hui. Elles ont chassé loin les derniers nuages.
Les rafales à plus de 70 km/h.
Phlau est restée à la maison aujourd’hui avec les chiennes. Cédrine et moi sommes parties pour découvrir les sommets autour du Puy de Sancy. Le vent nous a surpris par sa violence lorsque nous sommes arrivées au point de départ de la randonnée à Chastreix-Sancy. Nous avons quand même débuté la randonnée mais très vite nous nous sommes retrouvées à escalader des rochers et à traverser des buissons de myrtilles et de bruyères. C’était rude dans ces rafales. Nous avons donc décidé d’aller marcher ailleurs, protégées de ces vents impressionnants.
Photo Cédrine
Nous avons opté pour une magnifique randonnée en partie en sous bois, du côté d’Orcival, autour de deux surprenants pitons rocheux : la Roche Tuilière et la Roche Sanadoire et de belles vues sur le tranquille vallon du Ruisseau de Fontsalade.
La forêt traversée était verdoyante et magnifique, totalement féerique, l’eau ruisselait partout. Nous sommes passées à côté d’un monastère orthodoxe perdu au cœur des vallons boisés à Malvialle.
Je préfère de beaucoup tomber sur ce type d’endroit au détour des sentes empruntées que sur les élevages qui pullulent dans la région et, comme d’habitude, cloisonnent les paysages. J’ai évidemment beaucoup de mal avec toutes les pubs mensongères qui ventent les productions locales de St Nectaire et les vaches mises en esclavage pour leur lait.
Saviez-vous qu’une vache ne produit « naturellement » que 4 litres de lait par jour qui devrait être (évidemment) réservé à son bébé et que les modifications génétiques imposées à ces espèces leur font produire cinq fois plus de lait en bio et quinze fois plus en conventionnel ? Donc, oui, j’ai beaucoup de mal avec les publicités qui font la promotion des vaches soi-disant heureuses paissant dans les pâturages. Pâturages bien gardés par des enclos de fils barbelés ou de fils électriques qui sont en fait des prisons à ciel ouvert que peu d’humains questionnent.
En fin d’après midi, nous sommes reparties, en famille, à la station de Chartreix Sancy pour se poser sur les hauteurs et contempler la fin du jour sur le plateau de l’Artense déployé au Sud du paysage.
Mardi 20 juillet.
Au col du Pas de l’Ane vers le Sancy.
A la découverte du Puy de Sancy culminant à 1886m d’altitude.
Nous sommes parties de la station de sports d’hiver de Chastreix-Sancy et avons traversé les herbages d’altitude vers la Tour Carrée où nous avons suivi le chemin de crêtes aux vues époustouflantes. Le panorama se déploie au bout de la montée et j’ai, soudain, basculé dans un autre monde, dans une Terre du Milieu qui pourrait accompagner les plus belles épopées de temps anciens ! Ces monstres telluriques apaisés nous rappellent qu’ils furent des démons exhalant la colère des entrailles terrestres en des temps plus reculés. Leur trompeuse douceur toute en rondeur irradie une force tranquille surprenante.
Nous suivons le GR30 sur cette ligne de crêtes qui va de la Tour Carrée et passe par le Puy de Sancy. Par moment, il faut escalader quelques rochers. Une corde sécurise le trajet. Les vues se déploient de part et d’autre notamment vers la station du Mont-Dore et nous croisons des marmottes vivant sur les lieux. Un téléphérique monte jusqu’au Pas de l’Ane et permet d’escalader, par des escaliers, le Puy de Sancy.
Photo Cédrine
photo Cédrine
Photo Cédrine
Marmottes
Marmotte
A partir de là, c’est l’enfer. Une foule compacte se presse sur les lieux et s’agglutine au sommet du Puy de Sancy. Très vite nous fuyons cet endroit pour rejoindre les sentes plus délaissées loin des téléphériques.
Nous passons à côté du Puy Gros et redescendons, tranquillement, par les alpages verdoyants incroyablement fleuris avec vue sur le plateau de l’Artense qui se déploie sur l’horizon azuré. Les gentianes abondent. L’espace reste tristement cloisonné pour l’exploitation des vaches. C’est fou comment l’humain s’approprie toujours tout. Dans ces hauteurs vivent des chamois et des mouflons corses et, sans conteste, beaucoup d’autres animaux, c’est avant tout leur lieu de vie que les éleveurs ont électrifié à tout va. Ces magnifiques paysages sont en fait de gigantesques prisons électrifiées au nom d’une tradition mortifère.
Nous finissons notre parcours par la traversée du cirque de la Fontaine Salée culminant à 1400m d’altitude. Paysage alpin de carte postale. Les derniers kilomètres nous ramènent à travers d’autres pâtures électrifiées à notre point de départ. Nous sommes repues par la beauté des lignes de crêtes de ces anciens volcans.
Photo Cédrine
Mercredi 21 juillet
Cascade des Essarts et visite de La Bourboule.
Ce matin, nous sommes parties toutes les cinq à la découverte de la cascade des Essarts à Chastreix. Située à côté du village, un sentier boisé y conduit. La cascade est nichée dans un creux et ruisselle sur des colonnes prismatiques dues aux coulées de lave sur le ruisseau de la Gagne. Nous y étions seules et avons savouré ce moment hors temporalité.
L’après-midi fut plus urbaine avec visite de La Bourboule. Dans la 1ere moitié du XXè siècle elle fut l’une des stations thermales les plus importantes du Massif Central. Elle a accueilli une élite bourgeoise de toute l’Europe comme en témoigne ses villas pour la plupart abandonnées de nos jours ou reconverties en appartements de vacances. Buster Keaton y a même séjourné. Au cours des Trente Glorieuse elle se reconvertit pour devenir la plus importante station thermale de France pour enfants sous l’impulsion de la Sécurité Sociale. Dire que petite j’ai failli y aller en cure ! C’était d’ailleurs ma hantise. Je ne voulais pas partir seule loin de mes parents et je pense que cela aurait été traumatisant. En passant, je les remercie de ne pas avoir écouté le médecin de l’époque. Je n’ai aucun problème aux poumons, j’ai juste grandi dans une famille de fumeurs et fumeuses…
Nous sommes montées à la Roche aux Fées qui offre un très beau panorama sur la ville lovée dans un élargissement de la vallée glaciaire de la Hte Dordogne à 852m d’altitude.
La Bourboule
Jeudi 22 juillet 21
Découverte des Puys de la Védrine et du Baladou entre 1311 et 1455 m d’altitude.
La randonnée choisie suit une partie du GR 4 par un sentier large et agréable. Nous sommes montées avec Phlau en haut du Puy du Baladou à l’accès difficile car clos par ces barbelés des champs prisons. Cédrine nous a attendues à l’ombre d’un sapin avec Emma et Suzy.
Quand nous avons repris notre parcours, je suis tombée sur Emma qui se roule tous les 200m sur le dos. Là, elle avait décidé de le faire juste devant moi pendant que j’observais le paysage sur ma gauche. Elle s’en est beaucoup mieux sortie que moi, j’ai mon genou gauche écorché ainsi que ma main gauche…plus de surprise que de mal.
Le GR 4 chemine vers la chaîne des Puys. Les paysages sont splendides et ouverts sur l’espace des sommets arrondis qu’ont formé les anciens cratères des volcans assoupis.
A un moment on quitte le GR pour passer par une forêt de sapins datant du XIXè s. Ici aussi on a rasé les forêts primaires pour s’accaparer la matière première et exploiter les espaces. La traversée de la forêt, en grande partie à l’ombre, fait du bien. Au lieu dit Le Buron du Creux, une vieille bâtisse est à l’abandon et une chouette a établi son repaire dans la cheminée. Nous avons pu la voir subrepticement avant qu’elle ne retourne dans sa cheminée.
Difficile de trouver le chemin…
Le Buron du Creux, maison de la chouette.
Une grande partie de la forêt a été déboisée récemment. Du coup, marcher sous un soleil ardent est assez éprouvant pour Suzy. J’ai veillé à ce qu’il y ait des points d’eau sur tout le parcours.
Après notre pause déjeuner, nous n’avons pas trouvé le sentier indiqué et avons improvisé avec la carte topo. Ce fut l’aventure sur 500m où nous avons traversé une mini jungle locale de fougères verdoyantes, d’arbres déracinés par les dernières tempêtes, tout en longeant un ru moussu. C’était beau… les chiennes sont revenues pleines de tiques (c’était moins poétique du coup !).
La traversée de la jungle- photo Cédrine
Le retour s’est fait pas un sentier à découvert de hautes herbes. Les paysages déployés avaient un goût de Provence. Heureusement que ce chemin n’était que sur la fin du tracé car c’est assez pénible de marcher dans les hautes graminées, surtout pour les chiennes. Nous nous sommes toutes rafraichies une dernière fois à la fontaine du village de Pessade (où des gens utilisent l’eau pour laver leur salade).
Photo Cédrine
Sur le retour, nous nous sommes arrêtées au lac de Chauvet mais n’y avons trouvé aucun intérêt particulier. Nous sommes rentrées pour nous gaver de melon, pastèque et brugnon.
Vendredi 23 juillet
Notre ligne de Puys du jour.
Notre randonnée d’hier nous a donné envie de remonter sur les lignes de crêtes des Puys, autour du Sancy, où les vues m’avaient tellement émue, mardi dernier, quand j’ai découvert ces sommets arrondis et herbeux surplombant les plateaux de cette terre du Milieu qu’est finalement le Massif Central. Les chiennes sont interdites afin de ne pas stresser les autres animaux, notamment les chamois qui peuvent avorter spontanément de peur. Donc, elles sont restées tranquillement dans notre gîte, qu’elles ont totalement adopté, et ont ainsi pu récupérer de leur journée d’hier. De plus, les températures ont dépassé les 30 degrés et il n’y a pas une auréole d’ombres sur ces Puys.
Cabine du téléphérique de la Perdrix.
Nous sommes montées par le téléphérique de la Perdrix, notre temps étant compté du fait de ne pas laisser Emma et Suzy plus de 5h seules. En même temps, cela nous a permis de suivre la ligne de crêtes des Puys, autour du Sancy, sur une dizaine de kilomètres en comptant l’aller et le retour et nos pauses contemplatives pour absorber la beauté de ces sommets herbeux et verdoyants.
Nous avons emprunté le GR4 vers le Puy de Cacadogne culminant à 1785 m d’altitude, sur son versant Sud s’étend la luxuriante vallée de Chaudefour, réserve naturelle sur laquelle veillent deux rochers impressionnants : la Dent de la Rancune et la Crête de Coq. Nous avons pu y voir, au loin, des chamois. Nous avons aussi observé une marmotte qui a fait de même avec nous.
(Photo cédrine)
Nous sommes passées par le Puy des Crebasses et avons continué à proximité du Col de Cuzeau où nous nous sommes posées pour une première halte contemplative. A partir de là, nous sommes revenues sur nos pas. Vers 11h la montagne commence à se peupler de touristes, c’est le temps pour nous de quitter les lieux. Nous avons fait une dernière pause au Puy de la Perdrix culminant à 1825m d’altitude. Engranger un maximum de paysages dans notre boite à souvenirs…
Je suis littéralement tombée en amour de ces sommets.
Ego Portraits souvenirs après 80 km et 3500 m de dénivelé + en 6 jours.
« L’Auvergne… C’est un secret plus qu’une province. Elle vous tourmente toujours d’un tendre songe. C’est quand on l’a trouvée qu’on la cherche le plus. »
En avril 2020, nous avions prévu (Phlau, Julie et moi) de passer une semaine en Corse. Mais les circonstances en ont décidé autrement et le voyage a été décalé aux vacances de la Toussaint.
Je n’ai jamais été en Corse, c’est une première pour moi. Julie, qui nous a accompagnées, en est à son 4è séjour. Je crois qu’elle est fan, aimant la montagne et la lumière, c’est le combo gagnant.
Sentier du littoral- Désert des Agriates
Nous avions réservé des chambres dans un lieu chaleureux, : « CHAMBRES CHOCOLAT & TURQUOISE« dans la périphérie de Bastia, où les hôtes sont végétaliens et font aussi traiteurs. Ainsi nous pouvions consacré nos journées à la randonnée et nous poser le soir autour de la table, sans avoir d’autres contraintes, ni à justifier nos choix de vie plus éthiques.
Le petit déjeuner
Florence et Michel, les hôtes, sont bienveillants, accueillants et cuisinent divinement bien. 5 chats, Gaby, Patrick, Cookie, Hendrix et Petit Chat, y vivent également ainsi que Cajou, le chien enthousiaste, ultra sensible et émotif de la maison que nous avons beaucoup bichonné. C’était le lieu idéal pour se ressourcer après nos marches quotidiennes.
Florence, Cajou et Michel
Phlau et Cajou
1er jour – Mise en jambe sur les hauteurs de Biguglia
Nous sommes arrivées un dimanche lumineux, avons loué une voiture pour découvrir le Nord de l’Ile et, Florence et Michel, nous ont tout de suite proposé une mise en jambe : découvrir la chapelle romane Sant-Andria di Fabrica sur les hauteurs de Biguglia datant du XIIIè siècle. Un sentier partant de la fontaine au sud du village permet d’y accéder. Nous nous sommes tout de suite plongées dans l’ambiance méditerranéenne avec le maquis odorant exhalant les senteurs du ciste et les cactées qui jalonnent la montée vers la chapelle. Des cyclamens bordent le chemin ainsi que des chênes liège aux troncs noircis par un récent incendie qui donnent une couleur particulière aux paysages traversés.
Des décorations, petites sculptures, land art, peintures, rythment également la montée et poétisent l’espace. Il faut compter une heure de marche. Les ruines de la chapelle se dressent sur un piton rocheux à 343 m d’altitude, dominant la plaine, l’étang de Biguglia et la mer Tyrrhénienne. La lumière de fin de journée auréole les montagnes alentours où le vert domine. L’été semble encore là, si proche dans ce camaïeu de verts où les buissons ouvrent la vue sur un lointain bleuté côtoyant mer et montagnes. Seules les fougères roussies rappellent la saison en cours.
Par contre, en traversant le village de Biguglia, on a croisé un homme d’une quarantaine d’années, une carabine sur l’épaule, accompagné d’un garçon d’une dizaine d’années. Je trouve cela incroyable de voir des gens avec des fusils que ce soit dans les villages ou les zones moins habitées et, qu’en plus, cela soit un modèle éducatif. Tuer n’est pas à enseigner. C’est montrer qu’on peut dominer d’autres vies et se les approprier, ces vies qui ne nous appartiennent pas.
En fin de journée, nous sommes passées par le vieux port de Bastia, deuxième commune la plus peuplée de Corse après Ajaccio. Ville portuaire aux immeubles écaillés dominée par la pro-cathédrale Sainte-Marie, entièrement restaurée et pimpante, dans un décor de ville latine tournée vers la mer. D’ailleurs, la majorité des églises et chapelles visitées sont rutilantes et très colorées et s’opposent bien souvent aux pierres vétustes des quartiers qu’elles dominent.
Jour 2 – Le désert des Agriates
Nous sommes parties, après le petit-déjeuner copieux, vers le Cap Corse pour notre randonnée du jour : 20 km aller-retour par le chemin des douaniers et son remarquable sentier littoral au départ du Golfe de Saint Florent.
La route qui conduit à notre point de départ passe par la montagne et offre des points de vue remarquables sur les deux versants du Cap Corse. Les panneaux de direction sont, pour beaucoup, vandalisés, troués par des balles, le nom français est tagué ou ils ont tout simplement été enlevés. Bienvenue sur cette île de l’omerta. D’ailleurs un dicton corse dit : « Un Corse ne pardonne ni pendant sa vie, ni après sa mort ». Le ton est donné.
Le désert des Agriates est situé entre le village de Saint-Florent, au Sud du Cap Corse, et la vallée de l’Ostriconi, au Nord de l’île-Rousse.
Les 16 000 hectares du désert étaient autrefois utilisés pour cultiver du blé et des oliviers. Cette zone montagneuse n’a rien à voir avec un désert classique, on y trouve une faune et une flore abondantes, et surtout 35 km de côtes comptant des plages paradisiaques aux eaux turquoises. Les paysages sont beaux à couper le souffle et découpés par une infinités de petites criques aux eaux translucides et au sable blanc avec les montagnes en filigrane bleuté comme décor de fond.
Nous avons été jusqu’à la plage du Lotu où nous étions seules humaines et où Phlau s’est même baignée.
Baignade – Plage du Lotu
Au retour, Julie et moi avons escaladé un rocher qui devait être une ancienne tour de garde, appelées par les escaliers insérés dans la roche qui nous invitaient à aller admirer le panorama depuis sa plateforme.
Jour 3 – Apocalypse dans la vallée de la Restonica
Dans notre trio de voyage, il y a Phlau dont l’élément est sans aucun doute l’eau. Elle aime jouer, nager, se baigner. L’appel de la mer de la veille a été plus fort que tout même sans maillot de bain. Et il y a Julie. Julie aime marcher, la montagne et …le soleil. Elle rêvait de découvrir deux lacs de montagne, situés au bout de la vallée de la Restonica, qu’elle n’avait pas pu explorer lors de ses précédents voyages.
La vallée de la Restonica est souvent considérée comme l’une des plus belles routes de l’île. Cette route n’est pas facile, sinueuse sur 16 km, mais les paysages sont magnifiques, ce sont des gorges découpées par de hautes montagnes abruptes. Nous voulions découvrir les lacs de Melu (alt 1711 m) et de Capitellu (alt 1930 m ). La météo annonçait un ciel bleu et un soleil lumineux. Mais voilà, à plus de 1000 m d’altitude, la montagne peut en décider autrement. Ce jour là, Julie allait encore rester sur sa faim. La quête des lacs…pour un autre séjour corse.
Dès le début de notre montée, à partir de la bergerie de Grotelle, un paysage alpestre, aux pentes marquées par des roches schisteuses, s’offre à nous . Nous traversons des rus alimentés par une eau furieuse qui dévale de l’aplomb des montagnes, rendant le sentier empierré dangereux et glissant. Le ciel est gris et menaçant.
Très vite, nous sommes prises dans une tempête mélangeant grêle et neige et transformant la montée en une épreuve des enfers. Le décor devient apocalyptique noyant toute couleur dans ses ruissellements venus de cieux en colère. Il est de plus en plus difficile d’avancer et nous sommes vite trempées de la tête aux pieds malgré notre équipement adapté.
Les rus se transforment en ruisseaux grondants et l’eau dévale de partout. Les sommets sont noyés dans les nuées grises qui crachent leur courroux de toute la force des éléments de la nature. A un quart d’heure du lac de Melu, nous décidons de faire demi tour car le sol est détrempé et beaucoup trop glissant. Je grelotte de froid.
Nous rebroussons chemin, la tempête ne se calmera pas. Julie est triste et déçue. Nous décidons de retourner à la chambre d’hôtes pour nous changer, nous réchauffer et repartir pour quelques kilomètres autour de Murato, surplombant la plaine de la Conca d’Oru et le golfe de Saint Florent, sous un ciel plus clément afin de finir cette journée par une note lumineuse.
Effectivement, le soleil inonde le littoral. A Murato se trouve l’une des plus jolie église romane de Corse : l‘église San Michele de style pisan polychrome (bicolore), alternant des pierres de couleurs verte (serpentine) et blanche (calcaire), assemblées en dessinant irrégulièrement des damiers et des zébrures.
Jour 4 – Florilège de villages du Cap Corse
Aujourd’hui c’est plein soleil sur le littoral et les sommets proches. Nous décidons de partir découvrir le patrimoine urbain du Cap Corse. Nous commençons notre périple par Nonza, perché en nid d’aigle sur une falaise verticale de cent mètres de haut, surplombant la mer Méditerranée, autour de l’église rose orangé vif Santa Ghjulia. À la fin de l’époque romaine, sainte Julie, la patronne de la Corse, y aurait été martyrisée et, donc, une église, une chapelle et une source commémorent cet événement.
Dès notre arrivée, nous sommes accueillies par Frita, une chienne aux airs de cocker qui va nous guider et nous accompagner tout le temps de notre visite. Après être montées à la tour Paoline, construit au XVIIIe siècle sur l’emplacement d’un ancien château, nous descendrons par un monumental escalier de 150 marches vers la marine. Cet ancien port, aujourd’hui ruiné qui ouvre sur une surprenante plage de galets noirs et gris.
Le deuxième village visité est Canari, à peine un peu plus de 300 personnes y résident. Nous nous garons sur la place de son remarquable clocher du XVIIème siècle, agrémenté de magnifiques palmiers, jouissant d’une vue panoramique exceptionnelle sur le golfe de Saint-Florent et la pointe de la Revellata. A partir de là, nous descendons jusqu’à sa marine pour remonter par un sentier serpentant au travers d’anciennes terrasses abandonnées.
Le périple continue ensuite vers Pino, bâti à flanc de montagne et entouré de figuiers, chênes verts, platanes, cyprès et oliviers, surplombant la mer à 170 mètres. De magnifiques bâtisses l’agrémentent comme le château Piccioni ou le surprenant mausolée de la famille Piccioni qui contient, entre autres, les cendres de la fille de Gustave Eiffel, Valentine, mariée avec Camille Piccioni, diplomate et fils d’Antoine Piccioni qui fut maire de Bastia.
Mausolée de la famille Piccioni
Château Piccioni
Château Piccioni
Nous décidons ensuite de traverser le cap pour finir sur sa façade Est avec la découverte de Meria. Nous empruntons la D35, route escarpée et sinueuse qui traverse les montagnes et nous offre de majestueux panoramas sur les sommets proches surplombants les eaux méditerranéennes de toute leur amplitude. En cette saison, il y a très peu de touristes et beaucoup de commerces sont fermés pour notre plus grand plaisir. C’est très impressionnant de se sentir seules dans ces lieux. Comme un sentiment de fin du monde …
Meria, 5 hab/km², fut un port actif au XVIIè siècle. Nous nous garons sur la place de l’église totalement désertée. Notre but est de découvrir le hameau abandonné de Caracu à proximité. Pour y parvenir nous longeons une allée bordée d’imposants tombeaux. En Corse, on trouve ainsi beaucoup de tombeaux et de cimetières privés dans les villages. C’est d’ailleurs étrange de voir ces lieux privatisés qui reflètent le pouvoir des notables en place d’une époque pas si lointaine.
Le sentier qui mène à Caracu s’enfonce dans la végétation touffue du maquis et offre, par endroit, des vues sur la cote orientale du Cap Corse. Assez vite nous arrivons au village. Les ruines sont dangereuses et peu visitables mais une étrange impression se dégage de ces lieux délaissés où la nature a repris ses droits.
Nous rentrons de nuit, épuisées et repues par tous ces endroits visités. Fin octobre, le soir arrive vite.
Jour 5 – Gorges du Tavignano
Un sentier balisé au départ de la citadelle de Corte permet d’atteindre les gorges du Tavignano, une des plus belles vallées des montagnes corses selon les guides touristiques. Le sentier s’élève sur la rive gauche du torrent. C’est effectivement une très impressionnante vallée creusée dans les différents rochers de cette partie de l’île et qui mène aux hauts plateaux du lac de Nino et de la Punta Artica. Elle n’est accessible qu’à pied et reste en dehors des sentiers battus ce qui fait aussi tout son charme.
Le soleil et la douceur étaient au rendez-vous, nous avions décidé d’aller jusqu’à la passerelle suspendue de Rossolino, à 2h de marche. Le sentier est bien balisé et à flanc de falaise par endroit, offrant des vues à couper le souffle sur le maquis et les escarpements vertigineux de ce canyon corse. Nous avons croisé peu d’humains mais avons partagé nos miettes avec une colonie de fourmis lors de notre pause déjeuner.
Par endroit, quelques châtaigniers au feuillage or rappelaient que nous étions en automne.
Nous avons fini le périple par la visite de Corte, capitale historique et culturelle de la Corse. Elle occupe une position centrale dans l’île et sa citadelle domine les montagnes avoisinantes.
Jour 6 – Le chemin de croix de Cervione
Le soleil est de plus en plus ardent, nous choisissons pour cet avant dernier jour de découvrir les hauteurs de Cervione sur la Costa Verde. Cervione est un très joli village typique accroché en amphithéâtre sur les dernières pentes du Monte Castellu qui culmine à 1109 mètres.
Sa cathédrale Saint Erasme est remarquable, un des premiers édifices baroques de Corse.
Pour nous y rendre, nous avons pris la route sur la corniche de la Costa Verde qui a été une excellente mise en bouche de ce qui nous attendait.
Nous sommes montées sur le plateau de la Scupiccia (750m), situé à une heure de marche au-dessus de Cervione et qui offre une vue imprenable sur la plaine et les massifs alentours abritant la chapelle A Madonna di a Scupiccia. Nous décidons de nous y rendre en passant par la croix de Stupiole, dominant le littoral de son piton rocheux à 632 m d’altitude. A partir de la croix, le sentier bien balisé (heureusement !) passe par des rochers à escalader qui découvrent des vues de plus en plus époustouflantes sur l’horizon découpé entre mer et montagnes aux sommets enneigés.
Comme sur les hauteurs de Biguglia, les troncs sont noircis par un incendie, sans doute récent, mais la force vive du maquis a totalement réinvesti les sols et ces troncs calcinés habillent le paysage d’une étrange impression de chaos.
C’est sans aucun doute l’une de mes plus belles randonnées corses parce que le paysage est ouvert sur 360° et le ciel dégagé permet de savourer ces panoramas majestueux et diversifiés.
Nous nous sommes posées à la Pointe de Nevera à 801 mètres d’altitude repues par tant de beauté.
Jour 7 – Dans les nuages des crêtes de Rutali
Dernier jour, la matinée est encore lumineuse mais nous voyons poindre au loin quelques nuages. La particularité de la Corse est que le littoral peut être inondé de soleil mais le moindre nuage aime s’effilocher sur ses cimes vertigineuses . Nous décidons quand même de découvrir les crêtes proches de la chambre d’hôtes. Le point de départ est à Rutali.
Nous montons à la découverte du Monte Torriccello culminant à 834 m d’altitude. Très vite nous tombons sur un fameux nuage effiloché qui embrume le paysage et annonce la Toussaint prochain. L’ambiance de la dernière randonnée est donnée.
Dans cette brume, nous atteignons la chapelle Santa Chiara. Nous poursuivons vers la cime proche où paissent quelques vaches et un troupeau de chèvres.
En Corse, il n’y a pas d’élevage de vaches pour leur voler leur lait. Elles sont majoritairement errantes sur les routes et les sentiers (souvent dangereux d’ailleurs pour elles) et finiront assassinées pour leur « viande ». Elles sont efflanquées et cherchent à l’infini de quoi manger sur ces sols arides et épineux. Non, leur liberté sous conditionnelle n’est pas plus enviable que ce que vivent les vaches enfermées. La finalité reste la même et aucune jouissance d’un espace libre n’excuse une mise à mort programmée.
C’est quand nous atteignons la croix marquant le sommet du Monte Torriccello que le nuage se déchire enfin pour nous offrir une magnifique vue sur la baie de Saint Florent dans le lointain. La face Est reste bouchée mais nous pouvons voir le chemin de crête qui se dessine devant nous. L’objectif suivant est la cime de Stella à 1010 m d’altitude.
Nous replongeons assez vite dans un nouveau nuage ou peut être est-ce le même qui a ralenti sa course. Et là je suis surprise car nous ne sommes plus dans le maquis mais dans une incroyable forêt de châtaigniers totalement baignée par cette brume qui lui confère un charme onirique imprégné de féérie. J’ouvre la voie et les croassements des corbeaux qui s’envolent à mon approche accentuent encore cette impression. Et soudain, nous dérangeons quatre sangliers affolés qui s’éparpillent dans les fougères, le cadeau du jour. Les sangliers corses sont petits. Des rayons percent difficilement l’opacité de la brume et nimbent davantage encore le sous bois de magie. Nous poursuivons le chemin, heureuses de nos rencontres et arrivons à la cime suivante mais la vue reste bouchée.
Nous redescendrons accompagnée par cette nébulosité. Nous traversons d’autres sous bois émaillés de murs empierrés et moussus.
Les nuages ont également investi le littoral. Notre dernière journée corse aura été dans l’ambiance de la saison en cours.
Le retour au monde fou va être difficile.
Vue depuis la Pointe de Nevera à 801 m d’altitude
Terre d’encre et de papier
dans l’enclos du poème
et pourtant rose chair
Terre d’azur d’émeraude
en pleine page
et pourtant noir profond
Terre pastel sur la marge
ténue entre les lignes
touchée du doigt pourtant
Terre désincarnée
dans l’enclos du poème
et pourtant dans mes bras
Marie-Ange SEBASTI, Cette parcelle inépuisable, Jacques André éditeur, 2013
Pour ces vacances de la Toussaint, j’ai passé six jours dans un décor grandiose de canyons époustouflants et de tempêtes sur les hauteurs minérales des causses.
Nous sommes parties à 7h de Strasbourg, la pluie était dense
toute la matinée. Le ciel s’est dégagé à partir de midi. Le trajet est facile
car les autoroutes sillonnent tout le parcours et le trafic était fluide.
On est arrivées à 18h, accueillies par nos deux charmants
hôtes, par Finette, la chatte des lieux ultra câline et leurs deux
petits-enfants, curieux et intimidés.
Finette.
J’ai évidemment tout de suite craqué pour Finette, hyper
sociable qui est venue immédiatement réclamer des caresses et me pétrir les
cuisses où elle s’est installée.
La dernière heure de trajet est sur des départementales qui
traversent les Gorges du Tarn. 20 km en 1 h dans un décor fabuleux de falaises
vertigineuses traversées par l’or de forêts somptueuses accrochées aux versants
de ces roches.
Gorges du Tarn.
La vue de ma chambre semble sortie d’un conte du XIXè
siècle. Tout pourrait être idyllique mais nous sommes au cœur d’un pays
d’élevage de brebis laitières à la terre rude et hostile.
Vue de la fenêtre de ma chambre à St-Pierre-des-Tripiers.
Le gîte est une maison typique en lauze qui peut accueillir
5 personnes. Nous avons 2 immenses chambres.
Maison typique des causses.
Maison typique des causses.
Maison typique des causses.
Maison typique des causses.
Maison typique des causses.
Maison typique des causses.
Vue arrière du gîtes.
Chemin du hameau.
Une courte balade en soirée nous a permis d’apprécier le
décor. Nous nous sommes posées sur une colline proche pour regarder tomber la
nuit.
Jour 1 -20 oct- Le Rozier
J’ai dormi 12h ! Incroyable ! Je crois que je décompense et que j’avais grandement besoin de cette pause. Gérer les tensions et toujours être à l’écoute finit par être éprouvant surtout que je suis seule dans cette gestion de 11 antennes à l’échelle nationale. Je suis entourée de remarquables personnes qui me comprennent et dont la compassion est immense et heureusement. Les équipes au sein de l’association sont aussi exceptionnelles et bienveillantes et font un formidable boulot d’investissement. C’est grâce à ces équipes mais aussi aux personnes qui partagent mon quotidien et me soutiennent d’un amour inconditionnel sans oublier ceux et celles qui, de loin, m’envoient leurs pensées positives qui sont autant de petits morceaux d’amour que je tiens, car je dois gérer un nombre incalculable de messages qui exigent explications, critiquent, jugent, condamnent et sont autant intrusifs que maladroits.
D’où l’importance de cette coupure dans un bout de monde.
Ici, aujourd’hui c’est la tempête. La pluie brouille le
paysage et les vents soufflent à plus de 80 km/h. Le rythme va être lent, il
l’est déjà. Pendant que j’écris Phlau et Suzy se partagent le canapé, l’une lit,
l’autre somnole. Chacune son oreiller.
Vers 15h nous avons bougé, histoire de s’aérer un peu. Nous avons suivi la sinueuse départementale 996 jusqu’au Rozier à 30 mn de la maison. La route longe les gorges de la Jonte où se déploie un panorama grandiose, véritable canyon, avec des falaises à corniches noyées dans une luxuriance boisée aux couleurs de l’automne. J’ai vu mes premiers vautours avec leur vol circulaire de rapaces, au-delà des promontoires calcaires surplombant la vallée encaissée. Au Rozier, bourg frontière avec l’Aveyron, une impressionnante tempête à noyer le paysage.
Au retour, l’horizon était embrumé, rendant encore plus
oniriques ces lieux sauvages. L’eau ruisselait
abondamment sur la route jonchée de gros cailloux détachés des
corniches.
Vue de la voiture sur l’église romane du Rozier.
Jour 2 – 21 oct – Au cœur du causse Méjean
Ce matin je me suis réveillée à mon heure habituelle :
7h. Tout était silencieux. J’ai ouvert mes volets et un spectacle de brume et
de lumière s’est offert à mes yeux. Je me suis habillée rapidement pour aller
savourer sur la colline proche ce spectacle féerique. J’aime quand les nuages s’accrochent
au paysage et lui font un habit de brume déchiquetée alors que l’aube vient de
s’estomper.
A mon retour, j’ai croisé le berger amenant ses brebis au pré. Elles étaient toutes tondues, les mamelles pleines. Je n’ai vu aucun agneau. Certaines ont été intriguées par ma présence et mon cœur s’est déchiré comme les lambeaux des nuages de cette matinée. Je ne peux pas faire abstraction de leur sort. Je ne peux pas m’extasier sur cette pratique ancestrale qui n’a plus lieu d’être. D’ailleurs les paysages d’ici sont cloisonnés et ont été façonnés par et pour l’élevage. Je suis au cœur d’un paradoxe éprouvant, tant de beauté côtoyant une inutile cruauté. On peut fuir la réalité, elle nous rattrape toujours. Aucune rudesse, aucune tradition ne justifie une exploitation d’êtres sentients. L’histoire de l’humanité est marquée par une infinité de métiers qui ont disparu face aux évolutions et aux prises de conscience de nos sociétés. Déconstruisons nos archaïsmes pour un monde plus juste.
Aucune rudesse, aucune tradition ne justifie une exploitation d’êtres sentients.
Le petit-déjeuner a été pris rapidement, nous sommes parties explorer le causse Méjean. Il y a une enceinte protohistorique à 1107m d’altitude, ouvrage défensif édifié au VIIIè s. avant JC, à proximité d’un col, d’une draille et d’une source : la Rodo de Drigas. Une position idéale pour ces humains d’autres temps. Le rempart elliptique mesure 150 m sur 115 m, le mur d’origine en pierre sèche était vertical et devait mesurer 4m de haut, doté de 2 portes. Il n’a pas résisté à l’empreinte du temps et à la force des vents. Ce lieu fut habité de 750 avant JC jusqu’au 2e siècle de notre ère. La vue devait être panoramique à 360° mais nous étions dans un nuage avec le sentiment d’être hors de toute chronologie, peut être même proches d’âmes étranges peuplant ces lieux. La nature vibrait, Suzy était la plus attentive de nous trois et grondait au rythme du frémissement des buissons. D’autres êtres nous observaient, bien cachés, elle les sentait.
Nous avons repris notre sentier de randonnée vers le hameau
du Buffre, traversant des forêts de pins noirs d’Autriche habillés de lichens.
Les maisons des villages sont en lauses, de leurs fondations à la cheminée du
toit où trône une pierre en son sommet. Ici, le bâti reste particulièrement
préservé. On dirait des maisons de contes. En fait, l’omniprésence de la roche
calcaire a généré dans la culture caussenarde, tout cet art de la construction
en pierre sèche.
Nous avons suivi à partir de là le chemin de St Guilhem surnommé
aussi le Camin Ferrat qui conduit à l’abbaye de Gellone, à St Guilhem le
Désert, centre majeur de dévotion au moyen-âge. Des chemins empierrés d’origine
antique sillonnent ainsi les collines érodées par les vents et les humains qui
se sont approprié les terres. A la
sortie du hameau se trouve le plus vieux calvaire des causses : la croix
du Buffre où les pèlerins se recueillaient.
Son socle cylindrique s’élève sur trois marches (XIIè s.) et représente
d’ailleurs deux pèlerins vêtus de tuniques, porteurs de bâtons surmontés de
croix. Un senhadou (bénitier) en forme de visage humain contenait l’eau bénite.
Aujourd’hui c’est l’eau de pluie qui le remplit.
Nous avons continué sur le sentier qui traverse la Causse
vers le hameau de Hures. Le ciel s’est dégagé pour nous offrir un
impressionnant panorama sur les sommets alentours : le Serre du Bon Matin,
le travers des Aures et le mont Aigoual. Le paysage est aride, à vif, jonché
d’un chaos de pierres blanches, se perd dans l’infini où les nuages s’emmêlent
au bleu des massifs lointains. Le causse Méjean est une immense table de
calcaire jurassique d’une superficie d’environ 45000 hectares sans eau, sans
arbres, ayant une altitude moyenne de plus de 1000 mètres et des couronnes qui
atteignent jusqu’à 1278 mètres dans sa partie orientale. Nous nous sommes
posées pour contempler cet impressionnant panorama, simple dans sa nudité,
aride et beau. Nous avons aussi vu notre premier troupeau de brebis toujours
sans agneau dans un champ en contrebas et sans patou.
Brebis exploitées pour le roquefort.
Au hameau de Hures, nous avons suivi les indications pour
trouver l’aven du village. En fait, nous ignorions ce qu’était un aven. Je ne
suis pas du tout attirée par la spéléologie et légèrement claustrophobe. Quelle ne fut pas notre surprise de dénicher
un affaissement dans les prés qui donnait sur une faille oblongue d’environ 3-4
mètres béant dans un abîme de la terre.
Dans mes lectures, j’ai découvert que par le passé les bergers y
jetaient leurs brebis mortes (voire les humains gênants) et écoutaient en
frissonnant le dévalement sans fin des cailloux, que de sinistres légendes
accompagnaient ces lieux puisqu’ils renvoient aux entrailles du monde.
Au retour, nous sommes passées à Meyrueis, ville la plus proche des lieux pour faire le plein d’essence. La route sillonne les extraordinaires gorges de la Jonte qui délimitent la partie méridionale du causse. En cette saison, les couleurs de l’automne leur donnent une parure incroyable d’ors et de rouges flamboyants. C’est beau à couper le souffle.
Meyrueis
Les villes traversées semblent désœuvrées, elles doivent
être plus animées l’été. Les rues désertées et étroites de ces bourgs de creux
de vallées donnent un sentiment de mélancolie comme si elles cherchaient un souffle de vie éteint à jamais.
Une certaine tristesse se dégage de leurs façades décrépies.
Jour 3 – 22 oct. Aven Armand
Il pleut, une pluie légère qui froisse le paysage et conte l’automne. La découverte de l’aven d’hier et des histoires qui l’accompagnent m’ont donné envie d’en (sa)voir davantage. Nous sommes à quelques kilomètres de l’Aven Armand, merveille souterraine, indiqué sur tous les panneaux des routes proches. Il fut découvert en 1897 par 3 spéléologues dont Martel et Armand. Armand était serrurier forgeron au Rozier, il devint le fidèle compagnon d’exploration de Martel qui nomma ainsi cet abyme pour lui rendre l’hommage de la découverte car Louis Armand fut le premier à avoir repéré le maître-trou et le premier à y descendre.
L’endroit est immense (un stade olympique tient dans ce lieu,
la cathédrale Notre-Dame peut y entrer) et fantasmagorique. Les gouttes d’eau
filtrées par l’épaisseur calcaire de la voûte et chargées de calcite cisèlent
depuis des millénaires une irréelle et vénérable forêt bien plus âgée que notre
jeune humanité. Draperies magnifiques, méduses de calcaire, dentelle baroque,
feuille d’albâtre transparent agglomérées alternent avec des aiguilles et
d’immenses stalactites en pendentif qui rejoignent presque les colonnes dressées
à terre. La plus élevée atteint 30m et détient le record du monde de hauteur
des stalagmites. Trente autres atteignent 25 m. Certaines mesurent 3m de
diamètre. Le décor est cyclopéen et merveilleux, la visite d’une heure est trop
courte. J’aurais aimé me poser au cœur
de ce monde fabuleux pour m’imprégner de toute la démesure de cette œuvre
naturelle.
L’après-midi fut plus lent, la pluie tombait drue par
moment, l’orage a même tonné. Nous sommes parties faire le tour des gorges de
la Jonte en voiture. La route qui relie St Pierre des Tripiers au Truel est
étroite et sinue à flanc de falaises dans un décor monumental. J’en ai fait une
partie à pied car je ne me lasse pas de ces fabuleux paysages où s’accrochent
le souffle des nuages et où l’automne fait une parure mirifique aux forêts de
ces vallées encaissées. La pluie poétise ce décor et lui donne une dimension
romantique époustouflante.
Jour 4 – 23 oct – Tempête
L’orage gronde depuis l’aube, les éclairs sillonnaient le
mur de ma chambre d’éclaboussures fantomatiques. Le ciel est bas et lourd et a
anéanti le causse dans sa grisaille tourmentée. Les éléments semblent
déchainés. Je me dis qu’avec la force du vent d’ici ce soir plus aucune feuille
dorée ne parera les feuillus de leur manteau d’automne. Toute cette eau
ruisselle dans le calcaire de ces collines, immédiatement bue par la roche poreuse.
Le paysage est plus dénudé que jamais et le blond des prairies desséchées
contraste avec la pesanteur des nuées.
Nous avons tenté une sortie mais la fureur du tonnerre nous
a repliées dans notre chaumière de pierre sèche. Une soupe de légumes mitonne
sur les plaques en vitrocéramique. Lectures, jeux avec Suzy, tri des photos… la
journée sera cosy.
Nos réserves de nourriture.
On a même eu droit à une coupure de courant.
Soupe de pomme de terre, carotte, patate douce, oignon au lait de coco.
Jour 5 – 24 oct – Sur les corniches du causse de Sauveterre
Hier soir, Pierre nous a rejoint au gîte, visite impromptue qui m’a fait plaisir. Ce matin, nous sommes parti-e-s tous les 4 explorer les hauteurs proches côtoyées par les vautours fauves et autres rapaces.
Nous sommes au cœur des failles qui délimitent les vaisseaux
des causses, au bord de ces somptueux précipices faits de promontoires
gigantesques et de rivières bouillonnantes. Tout y est infiniment beau et
infiniment grand.