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Voyage en Terre du Milieu

~Journal de voyage ~

Samedi 17 juillet

Départ de Strasbourg à 8h, Phlau, Cédrine, Emma , Suzy et moi pour découvrir la région centrale des Puys.

Emma a pris beaucoup de place sur les sièges arrière de la voiture. Elle a eu du mal à se poser comme toujours quand nous partons quelque part. Suzy se cale aux pieds et ne bouge plus du trajet. Elle sait s’économiser.

La route fut assez fluide. Nous sommes arrivées à Saint-Donat vers 17h. Village auvergnat de 200 hab. situé à plus de 1000m d’altitude sur le flanc Sud-ouest du Massif du Sancy. La maison est spacieuse et baignée de lumière, elle est située au bout du village. Elle est agrémentée de jolis volets rouges et ouvre sur un jardin clos, idéal pour les chiennes d’où le choix de cet endroit.

Un immense champ l’avoisine. Il sera le lieu des balades matinales et crépusculaires des chiennes. La vue se déploie sur les Monts Dore au Nord et les Monts du Cantal au Sud. Ce sont de vastes étendues où se perd le regard et où l’accompagne les pensées vagabondes. Ici, des histoires se dessinent au creux de nos imaginaires portées par ces collines verdoyantes.

Le champ avoisinant notre gîte.

L’activité principale sur laquelle repose le village est l’exploitation à outrance des vaches. Les mouches sont légions, partout et surtout dans la maison.

Sorry

Nous avons fait une première sortie de 5 km en fin de journée autour du village voisin de Chastreix. L’eau chante et ruisselle de toute part. Cédrine a sympathisé avec un chaton qu’elle a failli adopté. Mais le chaton n’était pas abandonné, il voulait juste créer du lien.

Le chaton (photo Cédrine)

Dimanche 18 juillet

Mise en  jambe pour démarrer cette semaine de marches : Découverte des lacs entre Cantal et Puy de Dôme par un circuit de 11 km.

Randonnée qui sillonne une partie du GR 30, le chemin y est partiellement boisé ou offre des vues bucoliques sur les campagnes traversées.

Il y a également de jolis panoramas sur les lacs de la Crégut, du Tact, de Laspialade et du Tauron et vers les monts du Sancy.

Une partie du sentier de randonnée était transformée en lit de ruisseau par les pluies diluviennes de ce mois de juillet. Beaucoup d’épicéas tombés encombraient le chemin. Ce fut la partie technique de notre parcours.

Nous avons traversé un champ où vivaient quatre ânes qui ont été fortement intrigués par Suzy et Emma. Du coup, ils nous ont suivies, ont tenté une approche des chiennes qui fut un total échec. Nous les avons quand même papouillés à leur demande en éloignant Emma et Suzy passablement traumatisées par l’insistance intrusive de ces quatre êtres curieux.

Aurélie, Sam et Matéo.

En fin de journée, nous étions invitées à diner chez ma filleule qui habite à 30 mn de notre gîte. Cela faisait un moment que je ne l’avais plus vue. Elle partage son quotidien avec un jeune homme charmant et tous les deux vivent dans une maison accrochée à une colline au dessus de Borg les Orgues. La revoir m’a fait infiniment plaisir. Sa grande sœur et son fils étaient aussi présents. Nous avons passé une soirée chaleureuse. Sam, ma filleule, a un pincher nain, Nouki, qui a littéralement fondu d’amour pour Emma et Suzy mais ce ne fut pas réciproque. D’ailleurs Emma a demandé à dormir dans la voiture sans doute pour être tranquille et être certaine qu’on ne l’oublierait pas en partant ! Beaucoup d’émotions pour cette première journée.

Lundi 19 juillet

Rafales à 70 km /h aujourd’hui. Elles ont chassé loin les derniers nuages.

Les rafales à plus de 70 km/h.

Phlau est restée à la maison aujourd’hui avec les chiennes. Cédrine et moi sommes parties pour découvrir les sommets autour du Puy de Sancy. Le vent nous a surpris par sa violence lorsque nous sommes arrivées au point de départ de la randonnée à Chastreix-Sancy. Nous avons quand même débuté la randonnée mais très vite nous nous sommes retrouvées à escalader des rochers et à traverser des buissons de myrtilles et de bruyères. C’était rude dans ces rafales. Nous avons donc décidé d’aller marcher ailleurs, protégées de ces vents impressionnants.

Nous avons opté pour une magnifique randonnée en partie en sous bois, du côté d’Orcival,  autour de deux surprenants pitons rocheux : la Roche Tuilière et la Roche Sanadoire et de belles vues sur le tranquille vallon du Ruisseau de Fontsalade.

La forêt traversée était verdoyante et magnifique, totalement féerique, l’eau ruisselait partout. Nous sommes passées à côté d’un monastère orthodoxe perdu au cœur des vallons boisés à Malvialle.

Je préfère de beaucoup tomber sur ce type d’endroit au détour des sentes empruntées que sur les élevages qui pullulent dans la région et, comme d’habitude, cloisonnent les paysages. J’ai évidemment beaucoup de mal avec toutes les pubs mensongères qui ventent les productions locales de St Nectaire et les vaches mises en esclavage pour leur lait.

Saviez-vous qu’une vache ne produit « naturellement » que 4 litres de lait par jour qui devrait être (évidemment) réservé à son bébé et que les modifications génétiques imposées à ces espèces leur font produire cinq fois plus de lait en bio et quinze fois plus en conventionnel ? Donc, oui, j’ai beaucoup de mal avec les publicités qui font la promotion des vaches soi-disant heureuses paissant dans les pâturages. Pâturages bien gardés par des enclos de fils barbelés ou de fils électriques qui sont en fait des prisons à ciel ouvert que peu d’humains questionnent.

En fin d’après midi, nous sommes reparties, en famille, à la station de Chartreix Sancy pour se poser sur les hauteurs et contempler la fin du jour sur le plateau de l’Artense déployé au Sud du paysage.

Mardi 20 juillet.

Au col du Pas de l’Ane vers le Sancy.

A la découverte du Puy de Sancy culminant à 1886m d’altitude.

La randonnée prévue hier s’est faite aujourd’hui. 15 km dont la majeure partie sur les crêtes à plus de 1700m d’altitude…éblouissant !

Photo Cédrine

Nous sommes parties de la station de sports d’hiver de Chastreix-Sancy et avons traversé les herbages d’altitude vers la Tour Carrée où nous avons suivi le chemin de crêtes aux vues époustouflantes. Le panorama se déploie au bout de la montée et j’ai, soudain, basculé dans un autre monde, dans une Terre du Milieu qui pourrait accompagner les plus belles épopées de temps anciens ! Ces monstres telluriques apaisés nous rappellent qu’ils furent des démons exhalant la colère des entrailles terrestres en des temps plus reculés. Leur trompeuse douceur toute en rondeur irradie une force tranquille surprenante.

Nous suivons le GR30 sur cette ligne de crêtes qui va de la Tour Carrée et passe par le Puy de Sancy. Par moment, il faut escalader quelques rochers. Une corde sécurise le trajet. Les vues se déploient de part et d’autre notamment vers la station du Mont-Dore et nous croisons des marmottes vivant sur les lieux. Un téléphérique monte jusqu’au Pas de l’Ane et permet d’escalader, par des escaliers, le Puy de Sancy.

A partir de là, c’est l’enfer. Une foule compacte se presse sur les lieux et s’agglutine au sommet du Puy de Sancy. Très vite nous fuyons cet endroit pour rejoindre les sentes plus délaissées loin des téléphériques. 

Nous passons à côté du Puy Gros et redescendons, tranquillement, par les alpages verdoyants incroyablement fleuris avec vue sur le plateau de l’Artense qui se déploie sur l’horizon azuré. Les gentianes abondent. L’espace reste tristement cloisonné pour l’exploitation des vaches. C’est fou comment l’humain s’approprie toujours tout. Dans ces hauteurs vivent des chamois et des mouflons corses et, sans conteste, beaucoup d’autres animaux, c’est avant tout leur lieu de vie que les éleveurs ont électrifié à tout va. Ces magnifiques paysages sont en fait de gigantesques prisons électrifiées au nom d’une tradition mortifère.

Nous finissons notre parcours par la traversée du cirque de la Fontaine Salée culminant à 1400m d’altitude. Paysage alpin de carte postale. Les derniers kilomètres nous ramènent à travers d’autres pâtures électrifiées à notre point de départ. Nous sommes repues par la beauté des lignes de crêtes de  ces anciens volcans.

Mercredi 21 juillet

Cascade des Essarts et visite de La Bourboule.

Ce matin, nous sommes parties toutes les cinq à la découverte de la cascade des Essarts à Chastreix. Située à côté du village, un sentier boisé y conduit.  La cascade est nichée dans un creux et ruisselle sur des colonnes prismatiques dues aux coulées de lave sur le ruisseau de la Gagne. Nous y étions seules et avons savouré ce moment hors temporalité.

L’après-midi fut plus urbaine avec visite de La Bourboule. Dans la 1ere moitié du XXè siècle elle fut l’une des stations thermales les plus importantes du Massif Central.  Elle a accueilli une élite bourgeoise de toute l’Europe comme en témoigne ses villas pour la plupart abandonnées de nos jours ou reconverties en appartements de vacances.  Buster Keaton y a même séjourné. Au cours des Trente Glorieuse elle se reconvertit pour devenir la plus importante station thermale de France pour enfants sous l’impulsion de la Sécurité Sociale. Dire que petite j’ai failli y aller en cure ! C’était d’ailleurs ma hantise. Je ne voulais pas partir seule loin de mes parents et je pense que cela aurait été traumatisant. En passant, je les remercie de ne pas avoir écouté le médecin de l’époque. Je n’ai aucun problème aux poumons, j’ai juste grandi dans une famille de fumeurs et fumeuses…

Nous sommes montées à la Roche aux Fées qui offre un très beau panorama sur la ville lovée dans un élargissement de la vallée glaciaire de la Hte Dordogne à 852m d’altitude.

La Bourboule

Jeudi 22 juillet 21

Découverte des Puys de la Védrine et du Baladou entre 1311 et 1455 m d’altitude.

La randonnée choisie suit une partie du GR 4 par un sentier large et agréable. Nous sommes montées avec Phlau en haut du Puy du Baladou à l’accès difficile car clos par ces barbelés des champs prisons. Cédrine nous a attendues à l’ombre d’un sapin avec Emma et Suzy.

Quand nous avons repris notre parcours, je suis tombée sur Emma qui se roule tous les 200m sur le dos. Là, elle avait décidé de le faire juste devant moi pendant que j’observais le paysage sur ma gauche. Elle s’en est beaucoup mieux sortie que moi, j’ai mon genou gauche écorché ainsi que ma main gauche…plus de surprise que de mal.

Le GR 4 chemine vers la chaîne des Puys. Les paysages sont splendides et ouverts sur l’espace des sommets arrondis qu’ont formé les anciens cratères des volcans assoupis.

A un moment on quitte le GR pour passer par une forêt de sapins datant du XIXè s. Ici aussi on a rasé les forêts primaires pour s’accaparer la matière première et exploiter les espaces. La traversée de la forêt, en grande partie à l’ombre, fait du bien. Au lieu dit Le Buron du Creux, une vieille bâtisse est à l’abandon et une chouette a établi son repaire dans la cheminée. Nous avons pu la voir subrepticement avant qu’elle ne retourne dans sa cheminée.

Une grande partie de la forêt a été déboisée récemment. Du coup, marcher sous un soleil ardent est assez éprouvant pour Suzy. J’ai veillé à ce qu’il y ait des points d’eau sur tout le parcours.

Après notre pause déjeuner, nous n’avons pas trouvé le sentier indiqué et avons improvisé avec la carte topo. Ce fut l’aventure sur 500m où nous avons traversé une mini jungle locale de fougères verdoyantes, d’arbres déracinés par les dernières tempêtes, tout en longeant un ru moussu. C’était beau… les chiennes sont revenues pleines de tiques (c’était moins poétique du coup !).

Le retour s’est fait pas un sentier à découvert de hautes herbes. Les paysages déployés avaient un goût de Provence. Heureusement que ce chemin n’était que sur la fin du tracé car c’est assez pénible de marcher dans les hautes graminées, surtout pour les chiennes. Nous nous sommes toutes rafraichies une dernière fois à la fontaine du village de Pessade (où des gens utilisent l’eau pour laver leur salade).

Sur le retour, nous nous sommes arrêtées au lac de Chauvet mais n’y avons trouvé aucun intérêt particulier. Nous sommes rentrées pour nous gaver de melon, pastèque et brugnon.

Vendredi 23 juillet

Notre ligne de Puys du jour.

Notre randonnée d’hier nous a donné envie de remonter sur les lignes de crêtes des Puys, autour du Sancy, où les vues m’avaient tellement émue, mardi dernier, quand j’ai découvert ces sommets arrondis et herbeux surplombant les plateaux de cette terre du Milieu qu’est finalement le Massif Central. Les chiennes sont interdites afin de ne pas stresser les autres animaux, notamment les chamois qui peuvent avorter spontanément de peur. Donc, elles sont restées tranquillement dans notre gîte, qu’elles ont totalement adopté, et ont ainsi pu récupérer de leur journée d’hier. De plus, les températures ont dépassé les 30 degrés et il n’y a pas une auréole d’ombres sur ces Puys.

Cabine du téléphérique de la Perdrix.

Nous sommes montées par le téléphérique de la Perdrix, notre temps étant compté du fait de ne pas laisser Emma et Suzy plus de 5h seules. En même temps, cela nous a permis de suivre la ligne de crêtes des Puys, autour du Sancy, sur une dizaine de kilomètres en comptant l’aller et le retour et nos pauses contemplatives pour absorber la beauté de ces sommets herbeux et verdoyants.

Nous avons emprunté le GR4 vers le Puy de Cacadogne culminant à 1785 m d’altitude, sur son versant  Sud s’étend la luxuriante vallée de Chaudefour, réserve naturelle sur laquelle veillent deux rochers impressionnants : la Dent de la Rancune et la Crête de Coq. Nous avons pu y voir, au loin, des chamois. Nous avons aussi observé une marmotte qui a fait de même avec nous.

Nous sommes passées par le Puy des Crebasses et avons continué à proximité du Col de Cuzeau où nous nous sommes posées pour une première halte contemplative. A partir de là, nous sommes revenues sur nos pas. Vers 11h la montagne commence à se peupler de touristes, c’est le temps pour nous de quitter les lieux. Nous avons fait une dernière pause au Puy de la Perdrix culminant à 1825m d’altitude. Engranger un maximum de paysages dans notre boite à souvenirs…

Je suis littéralement tombée en amour de ces sommets.

Ego Portraits souvenirs après 80 km et 3500 m de dénivelé + en 6 jours.

« L’Auvergne… C’est un secret plus qu’une province. Elle vous tourmente toujours d’un tendre songe. C’est quand on l’a trouvée qu’on la cherche le plus. »

Chroniques de La Montagne d’Alexandre Vialatte