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Le printemps en Vasgovie

Une colline, un château


Le Palatinat, cette région de châteaux médiévaux aux histoires légendaires, de rochers majestueux et d’une forêt extraordinaire classée réserve de biosphère par l’UNESCO, fait du sud de la Rhénanie-Palatinat une de mes destinations préférées.

Au Moyen Âge, la région était l’une des plus importantes politiquement du Saint Empire romain germanique. De là, les rois et les empereurs contrôlaient les destinées de la moitié de l’Europe. Mais les Celtes, les Romains et un roi bavarois y ont également laissé leur marque.

Départ pour notre semaine dans le Palatinat afin d’arpenter à nouveau les sentiers de Vasgovie. On part à 5 nanas de 2 espèces. Cédrine doit nous rejoindre en train lundi.

Ce qui est magique est que nous sommes à moins de 1h30 de Strasbourg. Nous avons pris la route à 13h car le gîte n’est disponible qu’à partir de 15h. Pour nous y rendre nous avons longé la frontière côté allemand, empruntant une route étroite au cœur d’une extraordinaire forêt : celle du Bas Mundat.

Le temps est aux giboulées et oscille entre de violentes tempêtes de grêle et des accalmies bleutées, c’est un peu n’importe quoi. Comme nous sommes au pays de la Véganie, nous nous sommes arrêtées dans un supermarché allemand pour nos courses de la semaine, pas besoin d’emporter depuis la France de quoi nous nourrir car ici le choix est juste hallucinant.

Le gîte est une maison triangulaire surprenante lovée dans un
quartier verdoyant
composé d’autres maisons triangulaires, au cœur de la forêt. Nous sommes à la fois isolées et proches de lieux de vie (25 mn de Landau). C’est tranquille et de là où j’écris j’ai vu sur les verts tendres du printemps qui égayent les bois environnants.

Quelques maisons de notre village de vacances :

Nous avons déjà exploré les alentours depuis le gîte. A 3 km, il y a les ruines médiévales du château de Lindelbrunn situé à 437 m d’altitude, offrant une vue époustouflante à 360 degrés. Comme le temps est extrêmement capricieux, les humains ont fui les lieux pour notre plus grand plaisir et les nuages, chargés de pluie, déployés sur ces contrées boisées, nous ont offert un prodigieux panorama.

Les chambres du gîte sont à l’étage et on ne peut y accéder que par un escalier étroit. Cet accès est impossible pour les chiennes. On a donc descendu un matelas des chambres afin que j’y dorme avec Rosa et Suzy, cette dernière a tout de suite monopolisé la couette à mes pieds.

Le temps est totalement inconstant et… froid. Ce matin, un mélange glacial de pluie et de neige tombait mais la météo annonçait une accalmie dans la journée. Nous sommes parties sur les chemins détrempés à la première éclaircie.

Le circuit d’une dizaine de kilomètres empruntait les sentiers proches. Nous avons d’abord découvert le Silzer See qui borde la L493.

A partir de là, le circuit monte dans la forêt par de larges chemins. Le ciel s’est dégagé et très vite les bois ont ruisselé de lumière et de verts chatoyants. C’était infiniment beau.

Nos pas nous ont conduit au promontoire rocheux du Schweinsfels à 400 m. d’altitude auquel on accède par une échelle en métal raide et étroite. La vue panoramique est aussi impressionnante que celle découverte hier. Une croix trône sur la plateforme étrécie du rocher. Partout où se perd le regard se déploient les collines boisées de cette terre de grés rouges et de ruines médiévales. Les nuages chahutent l’horizon et les caprices du temps lui font un écrin de lumières chatoyantes.

Pas un seul humain sur ces sentiers. Je suis toujours fascinée comment mon espèce se cloître à la moindre goutte de pluie. Pourtant c’est à ce moment là que ces lieux se mettent à frémir et palpiter. C’est aussi là que je peux pénétrer dans leur intimité et, enfin, y prendre part. La nature me remet à ma place, élément fragile et insignifiant qui vibre au rythme de ces soupirs.

Le circuit se poursuit le long d’impressionnantes formations gréseuses, les Kellerfels. C’est là que nous redescendons par d’étroits sentiers la colline pour rejoindre notre quartier de maisons triangulaires au cœur de ces lieux enchanteurs.

L’après-midi est consacré à la lecture, l’écriture, la paresse.

Vers 17h, nous irons à Landau découvrir leur restauration végane qui abonde. Nous avons réservé au « Ich bin so Frey »

Nous sommes revenues repues. Le lieu est très accueillant, vaste et lumineux. Le personnel souriant est à l’écoute. Le restaurant était complet ce qui m’a fait plaisir. L’offre végétalienne est impressionnante. Nous avons attendu plus d’une heure notre repas succulent, cela valait bien un peu de patience.

Les pâtisseries sont tout aussi incroyables.

carrot cake (délicieux) et cookie sans gluten (tout aussi délicieux).

En rentrant, j’ai exploré notre village de conte pour digérer. La lumière du soir était extraordinairement orangée nimbant les lieux, où s’étirait la brume, d’une poésie ouatée.

Cette nuit, les températures sont retombées en dessous de zéro. Ce matin, il a fallu dégivrer la voiture mais le ciel avait des promesses de lumière printanière.

Nous sommes parties à 5 km de la maison pour explorer le massif du Heichsberg culminant à 412 m. d’altitude.

On accède au plateau sommital par de larges sentiers sillonnant les bois où, aujourd’hui, nous avons croisé une biche et des chevreuils. La ligne de crête est clairsemée de bornes numérotées, de roches de gré rose plantureuses et de buissons de myrtilles denses.

De chaque côté de cette ligne de crête se dégagent des massifs gréseux offrant, au nord, une vue sur l’imposant château de Trifels près d’Annweiler et, au sud, un panorama grandiose sur les vallons verdoyants du Palatinat. Le bloc de rochers du sud porte le nom de Geiersteine. Il est aussi apprécié des personnes pratiquant l’escalade.

Aujourd’hui, comme les jours précédents, les chemins semblaient désertés par les humains.

En début d’après-midi, je suis partie chercher Cédrine à la gare de Wissembourg, nous avons fait une pause sur le chemin pour quelques courses à Edeka. De retour dans notre nid, ce fut le temps du goûter et j’ai savouré la part de carotte cake achetée à « Ich bin so Frey » que je n’avais pas mangé hier ainsi qu’un cookie sans gluten. Leurs pâtisseries sont vraiment délicieuses.

Vers 18h, Sonia, Cédrine et moi sommes retournée par la forêt aux ruines médiévales du château de Lindelbrunn. Phlau et les chiennes nous ont rejoint en voiture.

Là aussi, pas un seul humain.

Nous avons découvert le restaurant en contrebas du château qui propose à la vente des cadavres des habitants et habitantes des forêts, avec des images de « suicide food » indécentes.

La montée vers les ruines et le lieu déserté m’ont permis d’évacuer ma colère sourde qui jaillit devant tant de dissonance.

La plateforme herbeuse du château nous a offert un écrin de joie partagée. Rosa et Suzy étaient aussi enthousiastes que nous.

L’éclat du soleil tombant voilait les massifs d’une ombre satinée et adoucissait la grisaille des pierres préservées.  Au loin, on pouvait distinguer les nuages porteurs de pluie qui s’amoncelaient par endroit, concentrant des gris plus sombres dans l’éclat azuré de cette soirée quasi parfaite.

C’est le froid de plus en plus mordant qui a eu raison de notre présence et nous a renvoyées vers la voiture garée en contrebas.

Le dîner fut simple et appétissant, cuisiné par Cédrine : raviolis en conserve (je les adore) agrémentées de fromage et passées au four, accompagnées d’une salade de mâche. Le tout végane bien entendu.

Pendant que j’écris mon journal, les filles humaines lisent et celles d’une autre espèce dorment, repues d’une journée chargée d’odeurs et de jeux.

Cette nuit Rosa a partagé mon oreiller. Elle a aussi aboyé à chaque grincement de lit de mes comparses… Malgré tout, j’ai relativement bien dormi. Suzy a préféré rester sur le canapé où il y a clairement plus de place.

La rando du jour est à une vingtaine de minutes en voiture d’ici, plus à l’est, près de Landau. Le départ s’effectue à partir d’un de ces jolis villages de la route des vins du Palatinat sud : St. Johann. Les montagnes sont truffées de blocs rocheux qui leur font des promontoires aux vues grandioses où que l’on aille.  Aujourd’hui, nous sommes parties à la découverte de l’Orenfels à plus de 500m d’altitude.

Une montée de 4 km, à travers les magnifiques forêts de Vasgovie, depuis le village, nous conduit à cette terrasse de grés en surplomb, habitée depuis le haut moyen-âge. La vue y est grandiose et ouvre sur la plaine du Rhin mais aussi sur les vallons, que j’aime tant, de ces paysages boisés où trône le Trifels, ce château imposant qui est le point de convergence de quasi toutes les plateformes visitées à ce jour.

Ces vues époustouflantes m’emportent dans un imaginaire féerique peuplé de dragons, de quêtes impossibles et de secrets farouchement gardés.

Je suis gueuse, va-nu-pieds, truande, chevalière, guerrière, je suis tous ces possibles et plus encore. Ce qui me ravit est ce sentiment que là, dans ces espaces aux vallons infinis gorgés d’histoire et de forêts profondes, un autre monde onirique s’entrouvre.

Sur le sentier qui monte à ces remarquables roches, se trouve un gîte nature à flanc de colline où des gamelles d’eau fraiche étaient proposées à Suzy et Rosa : Naturfreundehaus Kiesbuckel.  Visiblement c’est une auberge ouverte les week-ends où on peut loger et demander des repas adaptés aux engagements de chacun et chacune (vous me voyez venir ?)

Le retour se fait par la forêt et la dernière partie dans les vignes où nous avons profité de la lumière du jour pour nous recharger en bonne humeur.  

Nous sommes aussi passées devant une maison au portail clos qui avait posé un panneau à son entrée, rempli d’autocollants aux messages antispécistes. C’était l’autre moment joie du jour.

J’ai glissé quelques autocollants dans leur portail. Ma petite contribution.

Les après-midis sont paisibles, nous vaquons à nos diverses occupations dans notre maison de conte où le chauffage au gaz crépite comme un feu de bois. Plus tard, j’irai me dégourdir une dernière fois les jambes dans notre hameau si particulier.

Le temps oscillant entre une pluie légère et une neige fondante glacée, nous avons décidé de consacrer la journée à la visite du Trifels, le château restauré, star du coin et visible de partout. Ensuite nous visiterons Landau et testerons un autre restaurant vegan : le VELO, identifié grâce à la formidable application Happy Cow.

Nous nous sommes garées sur le parking au pied du château édifié sur le mont Sonnenberg (494 m). Il se dresse sur un triple piton gréseux, long de 145 m, large de 40 m et surélevé de 50 m. et surplombe, majestueusement, toute la région. Le temps humide a contribué à enchanter les lieux en enrobant de brumes mouvantes les bois et collines alentours où apparaissaient, par moments fugaces, les autres ruines des environs. Ici chaque sommet semble porter un château médiéval.

Entre 1088 et 1330, le Trifels fut un château impérial, l’un des centres de pouvoir les plus importants sous les Hohenstaufen et les Saliens. Les insignes impériaux tels que la couronne, le sceptre et l’orbe impérial y étaient toujours conservés. Aujourd’hui, ce sont leurs répliques qu’on peut encore admirer.

Le château servait également de prison pour des personnalités importantes tel que le roi anglais Richard Cœur de Lion, otage du Saint Empire.

Aujourd’hui il est le résultat d’une alternance de phases d’expansion, de délabrement et de reconstruction sur près de 1000 ans – depuis ses débuts au XIe siècle jusqu’à un passé récent.

Il regorge d’escaliers que Cédrine a exploré avec enthousiasme et ses plateformes s’ouvrent sur de grandioses points de vue.  L’entrée est payante : 4€50.

L’après-midi nous avions réservé une table au VELO restaurant. En allemand, le mot vélo français se dit Fahrrad donc ce nom n’a rien à voir avec une bicyclette. C’est un mélange des lettres du mot « LOVE ». Le lieu est vaste et élégant, la décoration est épurée.

Le repas était succulent. Le restaurant a des menus du midi et du soir et propose une « petite » restauration à tout heure de la journée.

Les propositions sont élaborées et gustativement excellentes, la quasi-totalité des suggestions sont faites maison à partir de produits frais.

J’ai quand même pris deux desserts dont une part de tarte à la mousse de fraise hyper légère et fondante. Chaque bouchée était une explosion de délice dans la bouche. Servie avec des fruits et de la crème chantilly ! Et, comme c’était léger, j’ai aussi savouré leur mousse au chocolat également accompagnée d’un coulis de fraise et de chantilly.

Après cette pause gourmande, nous avons fait un petit tour dans le centre-ville de Landau, ville fondée au XIIIè siècle. Elle est le chef-lieu de l’arrondissement de la Route-du-Vin-du-Sud du Palatinat.

En rentrant au gîte, Sonia, Cédrine, Rosa, Suzy et moi sommes reparties pour un petit tour sur la colline proche de la maison où trône un imposant rocher de 34 m. de haut, le Kriemhildenstein avec vue sur les forêts et notre village particulier en contrebas. Nous sommes montées jusqu’à la croix en pierre Steinernes et son banc qui offrent cette fois ci une vue sur le rocher précédent et toujours sur les reliefs environnants. La pluie avait cessé et le soleil du soir irradiait la forêt d’ombres longues satinant les vallons boisés du lointain. Les chiennes que nous n’avions pas prises avec nous aujourd’hui (interdites au Trifels et compliqué en ville) étaient ravies de cette sortie post méridienne.

Ce matin le ciel gris couronnait de morosité les bois alentours. Nous sommes parties à cinq pour une randonnée de 13 km depuis le parking du Trifelsruhe près d’Annweiler en empruntant une partie du sentier « Richard cœur de Lion », l’otage célèbre du coin.

Rosa et Suzy étaient visiblement ravies de faire partie du périple. Hier était leur journée de récupération où elles n’ont été qu’une heure en balade.

Une grêle fine est tombée pendant une dizaine de minutes sinon nous avons évité l’humidité.

Le circuit conduit à une tour sur la colline du Rehberg qui offre une vue panoramique complète sur la forêt méridionale du Palatinat, la trinité des châteaux de Trifels, Anebos et Scharfenberg (Münz), la plaine du Rhin et la bordure orientale de la Forêt Noire et des montagnes de l’Odenwald. La structure actuelle de la tour s’élève sur un socle de 2 m de haut et atteint une hauteur de 14 m avec le parapet. Un escalier extérieur de neuf marches mène à la porte en arc brisé de la tour , et un escalier en colimaçon de 49 marches mène à sa plate-forme panoramique avec son mur extérieur crénelé. La tour est classée monument historique et fut inaugurée le 17 septembre 1862 après cinq mois de construction.

En somme, en Allemagne, sur chaque colline on trouve soit une ruine de château-fort, soit une croix, soit une tour. On sent l’appropriation forte de l’humain homme sur le paysage par ce besoin de dresser des monuments toujours plus haut que la montagne elle-même.

L’objectif suivant de la randonnée était le Kleiner Hahnstein, « petit rocher » à escalader pour découvrir une nouvelle vue époustouflante sur la région. Encore plus belle que la précédente !

Et tout le long du circuit nous traversons de magnifiques forêts de hêtres, ormes, châtaigniers et chênes aux verts printaniers intenses qui illuminent les sous-bois et accentuent la couleur foncée des troncs, les rendant quasi noirs.

La suite du circuit devait nous mener au pied d’un gigantesque bloc rocheux (400 m de haut) découpé en trois parties : l’Asselstein néanmoins fermé pour cause de nidification des faucons pèlerins qui habitent ces lieux. Il est considéré comme l’une des formations rocheuses les plus puissantes de la région rocheuse de Vasgovie et est donc également appelé le « roi des roches du Palatinat ». Une fois à ses pieds on comprend pourquoi.

En face de cette masse rocheuse impressionnante se trouvait un large banc en demi-cercle faisant face à une sculpture commémorative avec une citation de B. Brecht dont j’ai cherché la signification en rentrant :

– Pour commémorer la rencontre à Asselstein entre socialistes et sociaux-démocrates de différents groupes de résistance du Palatinat le 6 mai 1934, une pierre commémorative et un banc avec vue sur le rocher ont été érigés en 2019.

L’inscription se lit comme suit :

« À la mémoire des sociaux-démocrates qui se sont réunis illégalement à Asselstein le 6 mai 1934 pour discuter des options de résistance contre le régime nazi. » SPD-Palatinat 

Cette citation de Bertold Brecht est magnifique. Un bel hommage à l’humilité.

Ne pouvant accéder à l’Asselstein, nous avons rebroussé chemin pour reprendre, sur deux kilomètres, le large sentier au cœur des bois qui nous a ramené au parking.

Le long du parking, il y avait une aire boisée avec des petites étoiles gravées sur les arbres. Cet endroit est un cimetière pour les cendres de notre espèce. Cela m’a rappelé le lieu de souvenirs au cœur de la forêt de Esch sur Alzette, au Luxembourg, que j’avais découvert avec Gabriel.

Cette randonnée nous a bien affamées, j’ai nourri Suzy et Rosa à la voiture. Nous n’avions qu’une quinzaine de minutes pour rejoindre le gîte, notre faim fut aussi vite comblée.

L’après-midi sera consacrée au repos et à nos menues occupations personnelles.

Nous sommes indubitablement dans une bulle de tendresse où chacune veille sur l’autre et où nos échanges sont drôles, attentionnés et sereins.

Aujourd’hui, départ à 9h pour Dahn, à environ 30 mn du gîte, pour un circuit de 12 km afin de découvrir ce coin défini par ses rochers monumentaux.

La randonnée débute par une montée vers un cimetière militaire comprenant plus de 2 000 soldats morts lors de la Seconde Guerre mondiale. Les noms des soldats sont notés sur de petites pierres – la plupart des pierres portent la mention « inconnu ». Au-dessus de ce lieu de recueillement se trouve une petite chapelle commémorative et au-delà le premier bloc colossal de roches de grés : le Hoschstein. Il fait partie du vaste Dahner Felsenland et se trouve à la limite sud de la petite ville. Un chemin sécurisé et très pentu monte sur la crête et offre encore une vue fantastique sur les montagnes et les autres formations rocheuses.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les habitants et habitantes de Dahn se sont cachées dans ces niches rocheuses naturelles et les grottes sur le Hochstein. La plus grande est « la cabane du soldat », ouverte des deux côtés, elle offre une belle vue sur la ville.

Ce circuit passe par un des chemins de St Jacques de Compostelle.

Nous avons poursuivi notre randonnée vers le Dahner Burgengruppe, un immense complexe de trois châteaux médiévaux semi-troglodytes de toute beauté, composés de Tanstein à l’ouest, du Grafendahn au milieu et de l’Altdahn à l’est.

Il s’agit du plus grand complexe de châteaux du Palatinat construit sur des rochers abrupts et ses parties les plus anciennes remontent au XIe siècle.

Le mieux conservé est l’Altdahn qui offre un dédale d’escaliers, chambres et couloirs creusés dans la roche où on pourrait presque se perdre.

Au retour, j’ai même vu un troupeau de chevreuils qui est passé juste devant Suzy et moi, ce qui a bien intrigué Suzy d’ailleurs qui aurait aimé les suivre… mais non.

Nous sommes rentrées en début d’après-midi, petite pause post-méridienne avant de repartir pour dîner une dernière fois à Landau au « Ich bin so Frey ».

Le luxe de partir à une centaine de km de chez soi c’est que nous avons pris deux voitures.  Demain, Cédrine et moi irons faire une dernière randonnée du côté de Dahn tandis que les filles rentreront directement à Strasbourg.

Nous nous disions aujourd’hui combien ce territoire de vallons et de roches prodigieuses est époustouflant de beauté et nul besoin de partir à l’autre bout du monde pour être au cœur d’une nature généreuse et exceptionnelle.

Jour de départ. Premier réel jour de printemps.

Le gîte doit être libéré pour 10h. Nous nous scindons en deux groupes, l’opportunité d’avoir deux voitures. Tandis que Phlau, Rosa, Sonia et Suzy rentrent à Strasbourg, Cédrine et moi partons une dernière fois randonner dans cette terre d’histoire et de nature.

Le circuit est sur le territoire de Dahn, il part d’un château conservé dont la visite est payante mais que nous ne visiterons pas : le Burg Berwartstein. Aujourd’hui nous avons envie d’espaces et de ruines, loin des foules et du brouhaha de l’humanité.

La première étape nous mène au pied d’un promontoire rocheux, le Schlüsselfels. Nous n’avons pas trouvé le sentier et sommes montées à même la pente au travers d’amoncellements d’arbres chus et de terre glissante. Parcours éprouvant et technique néanmoins gratifiant une fois arrivées sur la plateforme. Il s’agit d’une des parois rocheuses parmi les plus hautes de Vasgovie.  La vue y est époustouflante (comme toujours) et s’épanouit sur ces paysages aux vallons boisés qui m’émeuvent tant.

Nous poursuivons sur le Heidenberg jusqu’au Buchkammerfelsen qui est, à lui seul, un point culminant. Le sentier traverse des falaises de grès parées d’arbres noueux aux racines entrelacées où le pied doit être sûr et l’œil vigilant. À l’intérieur de ces rochers se trouvent des chambres sculptées datant de l’Antiquité. La porte d’entrée est située à environ 8 m de hauteur sur le versant nord du massif, inaccessible pour un ou une marcheuse.

L’étape suivante sont les ruines du Drachenfels (le château dragon) où j’ai eu un réel coup de cœur pour ces vestiges. De loin, on distingue un gros rocher avec une plateforme accessible par un escalier mais en s’en approchant, on découvre un château monumental dont l’exploration est une véritable aventure. Il regorge d’escaliers, de pièces troglodytes et de passages de liaisons. Il a probablement été construit peu après 1200. En 1523, le château a été presque entièrement détruit. Deux rochers de grès rouge, abrupts et très étroits, portent ces impressionnantes ruines.

Partout il y a des terrasses aux vues dégagées sur les forêts, sur les Buchkammerfelsen et sur le village proche. Au loin, on y voit également l’ensemble rocheux des ruines du Dahner Burgengruppe visitées la veille.

Nous rentrons par le sentier boisé de St Jacques de Compostelle pour retrouver la voiture.

Le retour à Strasbourg se fait par la même route qui traverse l’extraordinaire forêt du Bas Mundat sous un soleil radieux.

Ce qui me réjouit c’est la proximité de ces lieux enchanteurs et que je peux y retourner pour m’y replonger quand j’en ressens le besoin. Ce n’est réellement qu’un aurevoir.


Les crêtes découpées du Jura suisse

Les vacances de la Toussaint sont les bienvenues dans ce premier trimestre de lycée dense en préparatifs, réunions, corrections, etc.

Cette année j’ai encore décidé de ne pas partir trop loin, moins de quatre heures de voiture de la maison. Se dépayser n’exige pas forcément de longues distances et marcher reste mon moyen le plus efficace pour me recentrer et me déconnecter des tracas du quotidien.

Jesper et Julie m’ont accompagnée pour cette escapade de cinq jours.

Samedi 29 octobre – Jour 1

J’avais réservé un gîte à la Chaux-du-Milieu en Suisse, dans un coin surnommé « La Petite Sibérie ». Le gîte est aménagé dans une ancienne ferme. Il est immense, tout en bois, rustique et préservé. Nous avions chacun et chacune notre chambre. Seul bémol, il est situé au cœur d’une région d’exploitation des vaches et nous ne pouvions pas ouvrir les fenêtre sans entendre le son de leur cloche, monotonie glaçante d’un outil de torture banalisé pour ces êtres. Outil obsolète qui les rend sourdes et n’est justifié par rien. L’espace est cloisonné en prisons à ciel ouvert, elles ne peuvent échapper à leur mort programmée.

Nous sommes arrivées le samedi 29 octobre en milieu d’après-midi. Le temps de nous installer et de prendre connaissance de notre lieu de vie pour cinq jours fut rapide. Nous sommes ensuite parties dîner à Neuchâtel, la ville importante la plus proche, à 30 mn de la maison.

Jesper avait repéré dans l’application « Happy Cow » LE restaurant végane de la cité : Eateco.

Comme nous étions un peu en avance, nous en avons profité pour monter sur les hauteurs de la ville afin de contempler le lac depuis la roche de l’Ermitage qui offre aussi un point de vue exceptionnel sur les Alpes.

Le restaurant végane fut une agréable découverte, le dîner était succulent et l’ambiance conviviale. Je me suis régalée avec un risotto complet à la courge et aux noix accompagné d’une salade de carottes à la sauce amande et de farinata de pois chiche.

Nous sommes retournées à notre gîte de nuit, croisant une multitude d’yeux brillants au détour des virages, roulant le plus lentement possible afin de préserver cette vie nocturne exceptionnelle.

Dimanche 30 octobre – Jour 2

Ma nuit fut courte. Réveillée à 3h30, j’ai eu le temps de peaufiner quelques randonnées pour le séjour.

Nous sommes parties tôt à la découverte du grand canyon suisse, le point touristique à ne pas rater de la région : le Creux-du-Van, 15 km² de nature protégée où s’épanouissent bouquetins, chamois, chevreuils, lynx et grand tétras. Les températures étaient quasi estivales. Nous avons fait un circuit de 11,5 km et de 646 m de dénivelé avec une pente abrupte. Les pentes escarpées sont le lot du Jura constitué de blocs calcaires massifs et carrés.

Dès notre montée, nous avons croisé deux puissants bouquetins qui mangeaient tranquillement sur le sentier. Nous avons donc coupé à flanc de montagne afin de ne pas les déranger. C’est la première fois que je croisais cette impressionnante chèvre sauvage, peu farouche.

Arrivées au sommet de la pente, le panorama est impressionnant. Les couches de calcaire qui forment l’extraordinaire cirque rocheux du Creux-du-Van ont été déposées par une mer primitive il y a près de 200 millions d’années. Le glacier, par alternances de gel et de dégel, puis les ruisseaux ont sculpté un spectaculaire amphithéâtre, particularité géologique typique du plissement de la chaîne du Jura.

Le sentier qui longe le cirque est balisé et étroit afin de préserver la flore fragile des lieux. Nous sommes montées jusqu’à la Croix du Soliat à 1464 m d’altitude offrant un point de vue exceptionnel sur les Alpes.

Nous avons aussi croisé un troupeau de chamois, qui se déplaçait en escaladant tant bien que mal les barbelés qui enferment ce paysage pour les besoins non vitaux de la pratique arriérée de l’élevage.

D’ailleurs, les éleveurs ont placé régulièrement des panneaux hypocrites disant que les « bovins entretiennent le paysage ». Panneaux installés parfois quelques mètres après ceux rappelant qu’il faut préserver la flore sauvage ! Il semblerait que les vaches suisses sachent faire la différence dans les plantes qu’elles vont brouter. Au-delà de cette fumisterie, la nature n’a pas besoin d’être façonnée par des bovins, de plus ces prisons bloquent et limitent la circulations des autres êtres qui y vivent. Les champs infinis de pâtures n’ont aucun lieu d’exister et n’embellissent en rien le paysage, bien au contraire.

Nous sommes redescendues tranquillement par un chemin moins escarpé pour rejoindre le parking où nous étions garées près de la Ferme Robert.

En rentrant au gîte, Julie et moi nous sommes accordées une parenthèse danse, l’espace immense et ouvert de notre habitacle s’y prête parfaitement.

Lundi 31 octobre – Jour 3

Aujourd’hui c’est la découverte des Gorges de l’Areuse.

« L’Areuse, habituellement paisible, s’écoule avec fracas dans les gorges de l’Areuse, longues de 11 km, situées entre Noiraigue et Boudry dans le canton de Neuchâtel. Un magnifique sentier de randonnée longe le lit de la rivière, par endroits tranquille et à d’autres tumultueuse. Le sentier emprunte des ponts de pierre, des passerelles et des escaliers, traverse des étranglements rocheux et longe des parois rocheuses remarquablement abruptes. »

Ces propos recopiés du site mis en lien expriment parfaitement l’ambiance du parcours du jour. Les températures ont chuté et nous sommes parties sous un ciel gris et chargé d’humidité. Nous avons longé la voie ferrée sur deux kilomètres, l’Areuse suit également cette voie avant de bifurquer vers les falaises qui vont l’encercler. Le spectacle au « Saut du Brot » et son vieux pont de pierre très romantique est impressionnant. Par contre, l’essentiel de la randonnée se fait sur des sentiers goudronnés ce qui est moins agréable.

En fin de journée, nous sommes parties découvrir la petite cité de Neuchâtel et les rives de son lac. C’était Halloween et les maisons s’étaient habillées de décors macabres. Nous sommes retournées dîner à Eateco pour l’occasion.

Mardi 1er novembre – Jour 4

La météo annonçait des torrents de pluie dans la nuit et en matinée. Le paysage des prisons à ciel ouvert s’est davantage appesanti sous le crachin qui tombait. Le gris noyait le vert. Nous avions décidé de découvrir l’autre lieu vegane de la région : la Crème renversante se situant à la Chaux-de-Fonds. C’est un bar à chocolat qui propose aussi des petits plats salés le midi.

Des cieux plus calmes étaient prévus pour la fin de matinée. Nous avons décidé de faire une randonnée sur les hauteurs de la Chaux-de-Fonds mais la pluie ne s’est pas calmée et le paysage était noyé d’eau et de brume. Nous avons traversé une infinité de champs clos où de pauvres vaches mugissaient à fendre l’âme. Le point de vue était totalement bouché. Nous avons écourté cette randonnée pour aller nous réconforter dans un lieu chaleureux.

La Crème renversante nous a proposé une succulente tarte salée sans gluten ainsi que de savoureux desserts. Nous avons fini par déguster un délicieux et immense chocolat viennois chaud.

Rentrées tôt et repues, nous avons fini la journée devant un film léger, profitant de ce temps de repos pour nous ressourcer.

Mercredi 2 novembre – Jour 5

Pour cette dernière journée, nous sommes parties à la découverte des Aiguilles de Baulmes, au départ de Ste Croix, à trente minutes en voiture du gîte. Elles forment un ensemble de crêts dont le point le plus élevé culmine à 1 558 m d’altitude. D’ailleurs ce point le plus élevé était noyé dans une mer de nuages au départ. La montée fut rude (40% par endroit), presque à flanc de falaise entre rocailles et racines glissantes, terre gorgée d’eau des dernières pluies.

La ligne de crête s’étend sur 4 km et la vue s’est dégagée peu à peu, offrant des échappées incroyables jusqu’au lac Léman et sur les Alpes encore baignées de nuages cotonneux.

C’est une très belle randonnée aux vues toutes plus surprenantes les unes que les autres. Le versant nord abrupt est couvert d’une hêtraie-sapinière. Le versant sud est constitué par une falaise calcaire avec des ourlets de prairies et prés-bois. Une réserve forestière de 106 hectares couvre le sommet du crêt. Cet espace est bien moins fréquenté que le Creux-du-Van et d’autant plus appréciable.

Les températures ont bien baissé depuis le 1er jour et sont plus de saison. La neige est annoncée pour le week-end mais nous repartons demain tôt.

Un autre monde est possible #stopElevage

Hormis l’élevage omniprésent, pesant, les sommets restent à peu près des lieux où nous pouvons nous déconnecter de notre humanité assassine. Et puis, notre entente fut chouette pendant cette pause de cinq jours. D’ailleurs, j’ai fait le choix d’utiliser le féminin pluriel dans mes accords puisque nous étions deux filles et un garçon.

A tous les mangeurs et mangeuses de cailloux 😉 LOVE

Toute progression passe par un changement de regard sur les normes.

Minérale Corse

En avril 2020, nous avions prévu (Phlau, Julie et moi) de passer une semaine en Corse. Mais les circonstances en ont décidé autrement et le voyage a été décalé aux vacances de la Toussaint.

Je n’ai jamais été en Corse, c’est une première pour moi. Julie, qui nous a accompagnées, en est à son 4è séjour. Je crois qu’elle est fan, aimant la montagne et la lumière, c’est le combo gagnant.

Sentier du littoral- Désert des Agriates

Nous avions réservé des chambres dans un lieu chaleureux, : « CHAMBRES CHOCOLAT & TURQUOISE«  dans la périphérie de Bastia, où les hôtes sont végétaliens et font aussi traiteurs. Ainsi nous pouvions consacré nos journées à la randonnée et nous poser le soir autour de la table, sans avoir d’autres contraintes, ni à justifier nos choix de vie plus éthiques.

Florence et Michel, les hôtes, sont bienveillants, accueillants et cuisinent divinement bien. 5 chats, Gaby, Patrick, Cookie, Hendrix et Petit Chat, y vivent également ainsi que Cajou, le chien enthousiaste, ultra sensible et émotif de la maison que nous avons beaucoup bichonné. C’était le lieu idéal pour se ressourcer après nos marches quotidiennes.

1er jour – Mise en jambe sur les hauteurs de Biguglia

Nous sommes arrivées un dimanche lumineux, avons loué une voiture pour découvrir le Nord de l’Ile et, Florence et Michel, nous ont tout de suite proposé une mise en jambe : découvrir la chapelle romane Sant-Andria di Fabrica sur les hauteurs de Biguglia datant du XIIIè siècle. Un sentier partant de la fontaine au sud du village permet d’y accéder. Nous nous sommes tout de suite plongées dans l’ambiance méditerranéenne avec le maquis odorant exhalant les senteurs du ciste et les cactées qui jalonnent la montée vers la chapelle. Des cyclamens bordent le chemin ainsi que des chênes liège aux troncs noircis par un récent incendie qui donnent une couleur particulière aux paysages traversés.

Des décorations, petites sculptures, land art, peintures, rythment également la montée et poétisent l’espace. Il faut compter une heure de marche. Les ruines de la chapelle se dressent sur un piton rocheux à 343 m d’altitude, dominant la plaine, l’étang de Biguglia et la mer Tyrrhénienne. La lumière de fin de journée auréole les montagnes alentours où le vert domine. L’été semble encore là, si proche dans ce camaïeu de verts où les buissons ouvrent la vue sur un lointain bleuté côtoyant mer et montagnes. Seules les fougères roussies rappellent la saison en cours.

Par contre, en traversant le village de Biguglia, on a croisé un homme d’une quarantaine d’années, une carabine sur l’épaule, accompagné d’un garçon d’une dizaine d’années. Je trouve cela incroyable de voir des gens avec des fusils que ce soit dans les villages ou les zones moins habitées et, qu’en plus, cela soit un modèle éducatif. Tuer n’est pas à enseigner. C’est montrer qu’on peut dominer d’autres vies et se les approprier, ces vies qui ne nous appartiennent pas.

En fin de journée, nous sommes passées par le vieux port de Bastia,  deuxième commune la plus peuplée de Corse après Ajaccio. Ville portuaire aux immeubles écaillés dominée par la pro-cathédrale Sainte-Marie, entièrement restaurée et pimpante, dans un décor de ville latine tournée vers la mer. D’ailleurs, la majorité des églises et chapelles visitées sont rutilantes et très colorées et s’opposent bien souvent aux pierres vétustes des quartiers qu’elles dominent.

Jour 2 – Le désert des Agriates

Nous sommes parties, après le petit-déjeuner copieux, vers le Cap Corse pour notre randonnée du jour : 20 km aller-retour par le chemin des douaniers et son remarquable sentier littoral au départ du Golfe de Saint Florent.

La route qui conduit à notre point de départ passe par la montagne et offre des points de vue remarquables sur les deux versants du Cap Corse. Les panneaux de direction sont, pour beaucoup, vandalisés, troués par des balles, le nom français est tagué ou ils ont tout simplement été enlevés. Bienvenue sur cette île de l’omerta. D’ailleurs un dicton corse dit : « Un Corse ne pardonne ni pendant sa vie, ni après sa mort ». Le ton est donné.

Le désert des Agriates est situé entre le village de Saint-Florent, au Sud du Cap Corse, et la vallée de l’Ostriconi, au Nord de l’île-Rousse.

Les 16 000 hectares du désert étaient autrefois utilisés pour cultiver du blé et des oliviers.  Cette zone montagneuse n’a rien à voir avec un désert classique, on y trouve une faune et une flore abondantes, et surtout 35 km de côtes comptant des plages paradisiaques aux eaux turquoises. Les paysages sont beaux à couper le souffle et découpés par une infinités de petites criques aux eaux translucides et au sable blanc avec les montagnes en filigrane bleuté comme décor de fond.

Nous avons été jusqu’à la plage du Lotu où nous étions seules humaines et où Phlau s’est même baignée.

Baignade – Plage du Lotu

Au retour, Julie et moi avons escaladé un rocher qui devait être une ancienne tour de garde, appelées par les escaliers insérés dans la roche qui nous invitaient à aller admirer le panorama depuis sa plateforme.

Jour 3 – Apocalypse dans la vallée de la Restonica

Dans notre trio de voyage, il y a Phlau dont l’élément est sans aucun doute l’eau. Elle aime jouer, nager, se baigner. L’appel de la mer de la veille a été plus fort que tout même sans maillot de bain. Et il y a Julie. Julie aime marcher, la montagne et …le soleil. Elle rêvait de découvrir deux lacs de montagne, situés au bout de la vallée de la Restonica, qu’elle n’avait pas pu explorer lors de ses précédents voyages.

La vallée de la Restonica est souvent considérée comme l’une des plus belles routes de l’île. Cette route n’est pas facile, sinueuse sur 16 km, mais les paysages sont magnifiques, ce sont des gorges découpées par de hautes montagnes abruptes.  Nous voulions découvrir les lacs de Melu (alt  1711 m) et de Capitellu (alt  1930 m ). La météo annonçait un ciel bleu et un soleil lumineux. Mais voilà, à plus de 1000 m d’altitude, la montagne peut en décider autrement. Ce jour là, Julie allait encore rester sur sa faim. La quête des lacs…pour un autre séjour corse.

Dès le début de notre montée, à partir de la bergerie de Grotelle, un paysage alpestre, aux pentes marquées par des roches schisteuses, s’offre à nous . Nous traversons des rus alimentés par une eau furieuse qui dévale de l’aplomb des montagnes, rendant le sentier empierré dangereux et glissant. Le ciel est gris et menaçant.

Très vite, nous sommes prises dans une tempête mélangeant grêle et neige et transformant la montée en une épreuve des enfers. Le décor devient apocalyptique noyant toute couleur dans ses ruissellements venus de cieux en colère. Il est de plus en plus difficile d’avancer et nous sommes vite trempées de la tête aux pieds malgré notre équipement adapté.

Les rus se transforment en ruisseaux grondants et l’eau dévale de partout. Les sommets sont noyés dans les nuées grises qui crachent leur courroux de toute la force des éléments de la nature. A un quart d’heure du lac de Melu, nous décidons de faire demi tour car le sol est détrempé et beaucoup trop glissant. Je grelotte de froid.

Nous rebroussons chemin, la tempête ne se calmera pas. Julie est triste et déçue. Nous décidons de retourner à la chambre d’hôtes pour nous changer, nous réchauffer et repartir pour quelques kilomètres autour de Murato, surplombant la plaine de la Conca d’Oru et le golfe de Saint Florent, sous un ciel plus clément afin de finir cette journée par une note lumineuse.

Effectivement, le soleil inonde le littoral. A Murato se trouve l’une des plus jolie église romane de Corse : l‘église San Michele de style pisan   polychrome (bicolore), alternant des pierres de couleurs verte (serpentine) et blanche (calcaire), assemblées en dessinant irrégulièrement des damiers et des zébrures.

Jour 4 – Florilège de villages du Cap Corse

Aujourd’hui c’est plein soleil sur le littoral et les sommets proches. Nous décidons de partir découvrir le patrimoine urbain du Cap Corse. Nous commençons notre périple par Nonza, perché en nid d’aigle sur une falaise verticale de cent mètres de haut, surplombant la mer Méditerranée, autour de l’église rose orangé vif Santa Ghjulia. À la fin de l’époque romaine, sainte Julie, la patronne de la Corse, y aurait été martyrisée et, donc, une église, une chapelle et une source commémorent cet événement.

Dès notre arrivée, nous sommes accueillies par Frita, une chienne aux airs de cocker qui va nous guider et nous accompagner tout le temps de notre visite. Après être montées à la tour Paoline, construit au XVIIIe siècle sur l’emplacement d’un ancien château, nous descendrons par un monumental escalier de 150 marches vers la marine. Cet ancien port, aujourd’hui ruiné qui ouvre sur une surprenante plage de galets noirs et gris.

Le deuxième village visité est Canari, à peine un peu plus de 300 personnes y résident. Nous nous garons sur la place de son remarquable clocher du XVIIème siècle, agrémenté de magnifiques palmiers, jouissant d’une vue panoramique exceptionnelle sur le golfe de Saint-Florent et la pointe de la Revellata. A partir de là, nous descendons jusqu’à sa marine pour remonter par un sentier serpentant au travers d’anciennes terrasses abandonnées.

Le périple continue ensuite vers Pino, bâti à flanc de montagne et entouré de figuiers, chênes verts, platanes, cyprès et oliviers, surplombant la mer à 170 mètres. De magnifiques bâtisses l’agrémentent comme le château Piccioni ou le surprenant mausolée de la famille Piccioni qui contient, entre autres, les cendres de la fille de Gustave Eiffel, Valentine, mariée avec Camille Piccioni, diplomate et fils d’Antoine Piccioni qui fut maire de Bastia.

Nous décidons ensuite de traverser le cap pour finir sur sa façade Est avec la découverte de Meria. Nous empruntons la D35, route escarpée et sinueuse qui traverse les montagnes et nous offre de majestueux panoramas sur les sommets proches surplombants les eaux méditerranéennes de toute leur amplitude. En cette saison, il y a très peu de touristes et beaucoup de commerces sont fermés pour notre plus grand plaisir. C’est très impressionnant de se sentir seules dans ces lieux. Comme un sentiment de fin du monde …

Meria, 5 hab/km², fut un port actif au XVIIè siècle. Nous nous garons sur la place de l’église totalement désertée. Notre but est de découvrir le hameau abandonné de Caracu à proximité. Pour y parvenir nous longeons une allée bordée d’imposants tombeaux. En Corse, on trouve ainsi beaucoup de tombeaux et de cimetières privés dans les villages. C’est d’ailleurs étrange de voir ces lieux privatisés qui reflètent le pouvoir des notables en place d’une époque pas si lointaine.

Le sentier qui mène à Caracu s’enfonce dans la végétation touffue du maquis et offre, par endroit, des vues sur la cote orientale du Cap Corse. Assez vite nous arrivons au village. Les ruines sont dangereuses et peu visitables mais une étrange impression se dégage de ces lieux délaissés où la nature a repris ses droits.

Nous rentrons de nuit, épuisées et repues par tous ces endroits visités. Fin octobre, le soir arrive vite.

Jour 5 – Gorges du Tavignano

Un sentier balisé au départ de la citadelle de Corte permet d’atteindre les gorges du Tavignano, une des plus belles vallées des montagnes corses selon les guides touristiques. Le sentier s’élève sur la rive gauche du torrent.  C’est effectivement une très impressionnante vallée creusée dans les différents rochers de cette partie de l’île et qui mène aux hauts plateaux du lac de Nino et de la Punta Artica. Elle n’est accessible qu’à pied et reste en dehors des sentiers battus ce qui fait aussi tout son charme.

Le soleil et la douceur étaient au rendez-vous, nous avions décidé d’aller jusqu’à la passerelle suspendue de Rossolino, à 2h de marche. Le sentier est bien balisé et à flanc de falaise par endroit, offrant des vues à couper le souffle sur le maquis et les escarpements vertigineux de ce canyon corse. Nous avons croisé peu d’humains mais avons partagé nos miettes avec une colonie de fourmis lors de notre pause déjeuner.

Par endroit, quelques châtaigniers au feuillage or rappelaient que nous étions en automne.

Nous avons fini le périple par la visite de Corte, capitale historique et culturelle de la Corse. Elle occupe une position centrale dans l’île et sa citadelle domine les montagnes avoisinantes.

Jour 6 – Le chemin de croix de Cervione

Le soleil est de plus en plus ardent, nous choisissons pour cet avant dernier jour de découvrir les hauteurs de Cervione sur la Costa Verde. Cervione est un très joli village typique accroché en amphithéâtre sur les dernières pentes du Monte Castellu qui culmine à 1109 mètres.

Sa cathédrale Saint Erasme est remarquable, un des premiers édifices baroques de Corse.

Pour nous y rendre, nous avons pris la route sur la corniche de la Costa Verde qui a été une excellente mise en bouche de ce qui nous attendait.

Nous sommes montées sur le plateau de la Scupiccia (750m), situé à une heure de marche au-dessus de Cervione et qui offre une vue imprenable sur la plaine et les massifs alentours abritant la chapelle A Madonna di a Scupiccia. Nous décidons de nous y rendre en passant par la croix de Stupiole, dominant le littoral de son piton rocheux à 632 m d’altitude. A partir de la croix, le sentier bien balisé (heureusement !) passe par des rochers à escalader qui découvrent des vues de plus en plus époustouflantes sur l’horizon découpé entre mer et montagnes aux sommets enneigés.

Comme sur les hauteurs de Biguglia, les troncs sont noircis par un incendie, sans doute récent, mais la force vive du maquis a totalement réinvesti les sols et ces troncs calcinés habillent le paysage d’une étrange impression de chaos.

C’est sans aucun doute l’une de mes plus belles randonnées corses parce que le paysage est ouvert sur 360° et le ciel dégagé permet de savourer ces panoramas majestueux et diversifiés.

Nous nous sommes posées à la Pointe de Nevera à 801 mètres d’altitude repues par tant de beauté.

Jour 7 – Dans les nuages des crêtes de Rutali

Dernier jour, la matinée est encore lumineuse mais nous voyons poindre au loin quelques nuages. La particularité de la Corse est que le littoral peut être inondé de soleil mais le moindre nuage aime s’effilocher sur ses cimes vertigineuses . Nous décidons quand même de découvrir les crêtes proches de la chambre d’hôtes. Le point de départ est à Rutali.

Nous montons à la découverte du Monte Torriccello culminant à 834 m d’altitude. Très vite nous tombons sur un fameux nuage effiloché qui embrume le paysage et annonce la Toussaint prochain. L’ambiance de la dernière randonnée est donnée.

Dans cette brume, nous atteignons la chapelle Santa Chiara. Nous poursuivons vers la cime proche où paissent quelques vaches et un troupeau de chèvres.

En Corse, il n’y a pas d’élevage de vaches pour leur voler leur lait. Elles sont majoritairement errantes sur les routes et les sentiers (souvent dangereux d’ailleurs pour elles) et finiront assassinées pour leur « viande ». Elles sont efflanquées et cherchent à l’infini de quoi manger sur ces sols arides et épineux. Non, leur liberté sous conditionnelle n’est pas plus enviable que ce que vivent les vaches enfermées. La finalité reste la même et aucune jouissance d’un espace libre n’excuse une mise à mort programmée.

C’est quand nous atteignons la croix marquant le sommet du Monte Torriccello que le nuage se déchire enfin pour nous offrir une magnifique vue sur la baie de Saint Florent dans le lointain. La face Est reste bouchée mais nous pouvons voir le chemin de crête qui se dessine devant nous. L’objectif suivant est la cime de Stella à 1010 m d’altitude.