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Mes paysages sublimés

Un jour je me suis égarée dans les paysages de Jan van Goyen, peintre et dessinateur néerlandais du XVIIè siècle.
Ils ont porté mon imaginaire et transcendé ma réalité.

chloeka - le chemin enneigé
Le chemin givré.
"Ma" gallinula chloropus
« Ma » gallinula chloropus
Chemin de fin d'été.
Chemin de fin d’été.
La Baie de Somme en mai.
La Baie de Somme en mai.

 http://www.wga.hu/frames-e.html?/html/g/goyen/index.html

Ballastière, 1er jour de décembre 2017, lumière du soir.

L’automne en Vasgovie

Samedi 21 octobre 2023

Cela fait déjà un moment que j’avais envie de passer quelques jours dans la forêt au-delà de la frontière au Nord de l’Alsace. Cet espace boisé infini qui s’offre à la vue depuis le sommet des châteaux forts peuplant les Vosges du Nord. Je l’ai côtoyée parfois, lors de brèves incursions en Allemagne, quand je vais explorer ces châteaux semi troglodytes que j’aime tant.  Ces doux vallons boisés qui s’étendent à perte de vue m’invitent aux rêves loin des turpitudes du monde.

 » La forêt palatine rassemble un ensemble continu de contrées environnées de montagnes forestières dans le land de Rhénanie-Palatinat en Allemagne. Il s’agit d’un reliquat d’une vaste « foresta » placée sous l’autorité des comtes du palais impérial à la fin de la dynastie carolingienne. Ces dignitaires émancipés en partie du pouvoir régalien sont devenus les comtes palatins du Rhin, laissant à leur principauté le nom de Palatinat.

La forêt palatine forme par ailleurs un ensemble géomorphologique unique avec les Vosges du Nord, rassemblé au sein de la réserve de biosphère transfrontière des Vosges du Nord-Pfälzerwald. Cet ensemble est étroitement lié au massif des Vosges, dont il n’est séparé que par le col de Saverne. » Source : WIKIPEDIA

Pour ces trois jours de découverte, j’ai choisi un gîte au pied des vignes à Pleisweiller-Oberhofen. C’est à 1h30 de la maison, à côté donc, et c’est totalement dépaysant. Inutile de parcourir de longues distances pour se sentir ailleurs. Suzy et Rosa étaient du voyage.

Parfois, je sépare les chiennes pour offrir d’autres alchimies dans leur quotidien. Le combo Emma/Rosa est quelquefois difficile à gérer parce qu’Emma est l’idole de Rosa et que cette dernière fait un peu n’importe quoi quand Emma est en balade avec nous. En outre, pour Emma, cela lui permet de souffler aussi car « l’amour » de Rosa est, par intermittence, envahissant pour elle.

Nous avons débuté par un petit circuit de 11km à partir de Göcklingen, village viticole lové au cœur des vignes sur la route des vins du Sud du Palatinat.

De nombreux circuits de randonnées traversent la forêt, de nombreuses ruines l’habitent. La balade fut riche en points de vue, en ruines visitées. Une tour en grès, construite en 1886, la Martinsturm, était notre point culminant à plus de 500 m. d’altitude. C’est une tour d’observation de 14 m de haut . Elle a entièrement été rénovée dans les années 1990, le bâtiment est classé. Dans le passé, elle était également utilisée pour la protection contre les incendies de forêt , mais aujourd’hui, elle n’a qu’une importance touristique. Lorsque la visibilité est bonne, le panorama s’étend sur l’ Odenwald , la Forêt-Noire et les Vosges.

L’autre grande attraction de notre petit périple fut la visite du Burg Landeck, ruine du XIIe s. plutôt bien conservée, avec un remarquable donjon carré et imposant visible de loin, depuis la plaine.

Beaucoup de monde le côtoie, un samedi lumineux d’octobre en plus. Un restaurant trône à l’intérieur et offre deux plats copieux et succulents véganes, la belle surprise de fin de randonnée. Evidemment, nous avons commandé les deux plats et nous nous sommes régalées.

A 17h, découverte de notre gîte qui est parfait, propre, hyper confortable et nos hôtes sont chaleureux et accueillants. Une douche bienvenue va clore cette journée riche en découvertes et en belles surprises.

Dimanche 22 octobre 2023

Le gîte est vraiment exceptionnel, la literie est extraordinaire de confort, j’ai le sentiment de dormir sur un nuage. L’endroit est incroyablement calme. C’est une tanière de luxe où on se ressource pleinement.

Ce matin, nous sommes parties explorer de nouvelles pistes à dix minutes de notre lieu de vie temporaire. Onze kilomètres et presque cinq cent mètres de dénivelé avec un ressenti de vingt kilomètres parcourus tant les paysages sont variés et offrent des panoramas tous plus beaux les uns que les autres. Nous avons fait un circuit sur les vallons qui dominent la plaine, au départ du village viticole de Leinsweiler, sur la route des vins du Sud.

La forêt qui surplombe cette partie du paysage s’appelle la Vasgovie. Composée en grande majorité de châtaigniers, hêtres et chênes, elle est remarquable par ses vallons profondément encaissés et ses ruines médiévales qui jalonnent ses sommets boisés.

L’automne sublime ses sentiers d’ors et de bruns chatoyants.

La montée un peu rude nous a conduit à une première ruine qui offre un panorama époustouflant à 360° sur la plaine du Rhin et tous les vallons qui lui font un contrefort boisé : le Neukastel. Il ne reste qu’un promontoire rocheux de ce château du XIIè s. culminant à 459 mètres d’altitude. De forts vents activaient la course des nuages et créaient une ambiance voilée sur la plaine s’étendant à perte de vue.

Le temps suspendu à l’élan fou des nuages…

Nous avons traversé des forêts immenses, pénétrant au cœur de ces vallons encaissés où des vues incroyables se déployaient par endroit, offrant des panoramas sur les rochers et ruines que nous allions découvrir.

Chaque détour de sentiers déployait d’autres paysages, tous plus beaux les uns que les autres, loin des bruits de l’humanité.

Nous avons fini nos découvertes par les ruines du château de Scharfenberg qui n’est pas ouvert à la visite et l’impressionnant site du château rupestre d’Anebos à 463 mètres d’altitude. Ces sites font partie d’un ensemble de trois châteaux médiévaux : les Trifels. C’est également un lieu d’escalade.

Les contreforts rocheux sont colossaux et la vue qui s’y déploie est spectaculaire, notamment depuis les ruines du château d’Anebos vers le Trifels, le mieux conservé des trois.

Repues, nous sommes redescendues par de larges sentiers vers Leinsweiler que nous avons pris le temps de visiter avant de retourner au gîte.

Lundi 23 octobre 2023

Le ciel se couvre et les températures baissent, l’or des forêts et des coteaux viticoles n’en reste pas moins beau.

J’ai presque dormi 10 heures la nuit passée. C’est bien reposée que je pars pour la dernière randonnée de notre séjour. Nous allons nous enfoncer au cœur des vallons de la Vasgovie. L’objectif du jour est le site de Rötzensteinpfeiler. Il semblerait que ce soit l’un des endroits les plus impressionnants de cette forêt, il culmine à 460 m d’altitude. C’est un long récif rocheux gréseux qui s’étire en aplomb d’une montagne, son mur escarpé de 50 m. est apprécié des personnes pratiquant l’escalade. Sur sa pointe la plus extrême trône une croix qui ouvre sur un grandiose panorama.

La vue est effectivement époustouflante sur les vallons qui s’étirent dans un infini bleuté, nature insoumise à perte de vue où pointent par endroit, les vestiges des châteaux médiévaux qui rappellent le passé glorieux de ces contrées délaissées. Pas un humain sur les sentiers empruntés, le lieu est aussi désert.

C’est là que je voudrais que le temps se suspende. Bulle primitive d’émois décuplés où toute cette beauté me nourrit, je me sens repue et apaisée. Peu de paysages provoque un tel sentiment de complétude chez moi.

Même Phlau qui préfère les forêts aux panoramas est conquise !

Quand nous quittons ce lieu fascinant, c’est pour le découvrir depuis la crête voisine, 3 km plus loin, où s’étale un autre amas rocheux remarquable : les Kieungerfelsen. L’accès par le Sud est difficile, pentu et très technique, la terre et la roche sont humides, je préfère jouer la carte de la sécurité et rebrousser chemin pour retrouver les larges sentiers où abondent les châtaigniers pour retourner à la voiture.

Sur le retour, nous décidons de nous arrêter au Burg Landeck pour savourer une dernière fois leur cuisine végane découverte le premier jour.

Je fais également une cueillette de feuilles locales pour mes prochaines empreintes végétales : chênes, châtaigniers et hêtres, souvenirs de cette forêt splendide et profonde.

Je sais déjà que je reviendrai.

Explorations végétales – les monotypes

Encres, feuilles, fleurs et presse

Empreintes végétales

~Monotypes~

Cela fait plus de trente ans que je travaille avec des végétaux : feuilles, fleurs, racines. Soit en tant que sujet photographique, soit en tant que matière première de mes créations.

J’ai un jardin d’herbes folles qui est ma principale source d’inspiration. Parfois, lors de mes balades quotidiennes, j’en trouve le long des sentiers côtoyés. Mon travail sur les cyanotypes a aiguisé mon regard pour repérer les feuilles qui laisseront la trace la plus remarquable sur le papier choisi.

Ces « cueillettes » je les utilise entre autres dans les empreintes encrées. Les bénéfices de ces créations sont entièrement reversés à des refuges ou sanctuaires. On peut retrouver ces créations à la boutique ENVIE VEGANE de Strasbourg qui participe à ce projet entièrement altruiste.

Pour faire une empreinte, il faut des feuilles ou fleurs fraîchement cueillies. Plus la feuille aura des nervures, plus le résultat sera surprenant. J’aime travailler avec les feuilles de sauge ou de viorne dont la trace laisse de remarquables motifs détaillés mais il en existe une multitude d’autres qui ont fait ma joie et enchanté mon regard.

Je les encre à l’aide de rouleaux encreurs, recto et verso du végétal utilisé. Je travaille essentiellement avec les encres taille douce aqua wash de Charbonnel. J’utilise trois à quatre plaques d’encrage différentes car j’aime le jeu des nuances que les encres permettent de donner à mon empreinte. Parfois j’utilise un monochrome mais c’est plus rare.

Quand le végétal est prêt, je le dépose sur un papier aquarelle dense de 300g/m², le format va dépendre de la feuille ou fleur à imprimer, de mes envies.

Afin de pouvoir réaliser des monotypes assez grands, j’ai acheté une presse à main format A3 de RITUALIS PRESS, portable, robuste, elle est très simple d’utilisation et très pratique.

Sur le végétal à imprimer, je rajoute un papier qui peut être aussi épais que celui de la base mais j’aime aussi travailler avec des pages de vieux livres que j’ai récupérés et que j’ai chiné au hasard de mes déambulations urbaines. Dernièrement, j’ai aussi testé les empreintes sur de vieilles partitions.

Une fois la feuille ou la fleur posées délicatement entre les deux papiers, je la presse manuellement quelques secondes, c’est rapide et très simple à faire.

Le résultat est toujours une surprise pour moi. J’adore ôter délicatement le papier du dessus et découvrir le rendu du jeu des encres, du végétal et de la pression exercée.

Les possibilités se déclinent à l’infini au gré des inspirations.

Verdoyante Auvergne

Journal de vacances

  • Dimanche 9 juillet 2023 – Le Pradal, Haute-Loire.

Hameau de quelques maisons en pierre resserrées autour d’une chapelle dédiée aux mineurs, hors de toute temporalité, le présent s’est suspendu là, à 672 m d’altitude, à flanc de coteau boisé de chênes au pied duquel coule le ruisseau d’Arçon. Nous nous situons en Haute-Loire, à plus de 700 km de chez nous.

Nous sommes arrivées hier, vers 17h, après un voyage débuté à 8h. La fin fut éprouvante du fait des températures caniculaires dépassant les trente degrés. Eprouvantes surtout pour les chiennes qui nous accompagnent. La climatisation a tourné à plein régime et je n’ai pris la mesure de ses bienfaits que lorsque j’ai ouvert ma portière pour affronter le vent chaud qui assèche la moindre parcelle d’air.

Le gîte, maison en pierre épaisse blottie contre la colline, est un havre de fraîcheur.

Nous avons été accueillies par un couple âgé. La dame était très rigide, inquiète de découvrir que nous avions un grand chien avec nous, Emma. Leur prestataire leur ayant menti sur la taille de nos chiennes. Inquiète car elle pensait que nous allions les laisser divaguer et qu’Emma allait se transformer en croqueuse de poules du village. Ensuite notre numéro de réservation ne collait pas avec le leur…  parce que nous n’avions pas le même prestataire, un sketch. Heureusement, le couple habite à trois quart d’heure d’ici. Nous serons tranquilles. L’espace n’est pas clos mais encastré dans la logique de la pente et dévale sur le ruisseau qui le traverse. J’ai prévu une longe pour qu’Emma puisse rester dehors avec nous (quand nous profitons du mini jardin) sans aller croquer les poules ou les intrus.

Pas de wifi, très peu de réseau, de quoi bien se déconnecter.

Lavaudieu

La chaleur écrasante est annoncée jusqu’à mercredi. Nous avons donc décidé de partir tôt pour notre première escapade hors de notre havre. J’ai aussi choisi une randonnée, en grande partie boisée, avec des points d’eau pour amener les chiennes avec nous.

Le point de départ est à 30 mn du gîte, dans un autre village de vieilles pierres construit autour d’une remarquable abbatiale du XIè s. : Lavaudieu.

Le circuit déniché sur visorando, débute par des chemins asphaltés et des vues dégagées sur les monts d’Auvergne, les champs ont été fauchés et les ballots ronds de foin parsèment le paysage. Une source est notre premier point d’eau sur le parcours mais elle est tarie quand nous y arrivons (Buze). Notre chemin suit un tracé longeant un bois et Phlau y remarque un joli sentier s’enfonçant dans le sous-bois. La carte m’indique une sente en pointillés qui nous permettrait de raccourcir le trajet en coupant à travers bois pour accéder plus vite à la Sénouire, rivière qui longe le GR300 et me promet fraîcheur et baignades pour les chiennes. Les filles sont OK pour suivre ces pointillés et surtout le joli chemin ombragé qui s’ouvre devant nous. Très vite, le sentier est happé par les bois morts et nous cherchons son tracé à travers les insectes bourdonnants et les toiles d’araignées qui ont investi les lieux et vu, le foisonnement ambiant, on les comprend. Nous avançons malgré tout vers la rivière. Mais à quelques mètres avant de l’atteindre, la pente se fait roche en aplomb et le bois se transforme en ronces et fougères épaisses.  Nous décidons de rebrousser chemin car nous nous mettons en danger et les chiennes nous accompagnent.  On revient tant bien que mal sur nos pas pour retrouver le tracé du départ mais la chaleur est de plus en plus éprouvante. Suzy est au taquet pour être en tête avant de s’écraser dans la fraîcheur de la terre au moindre coin d’ombre. Nous sommes chargées d’eau pour les chiennes, faisons des pauses régulières et mouillons le torse de Suzy. C’est elle qui souffre le plus de ces températures hors normes, comme elle ne perd pas ses poils.

Nous arrivons enfin à la rivière, je craignais que nous n’y ayons pas accès mais son cours large est baigné de galets ronds et elle est abordable à de nombreux endroits, pour le plus grand plaisir de Suzy, Emma et Rosa. L’humidité qu’elle dégage modifie la végétation traversée, les acacias ont remplacé les chênes et des fougères immenses et élégantes ouvrent le chemin et apportent un peu de fraîcheur. Le chemin du retour longe cette rivière, remonte le long des coteaux, traverse des collines boisées aux buissons épineux où la nature touffue grésille dans le soleil qui devient de plus en plus ardent. Claudia est éprouvée par cette chaleur, Phlau me suit de près, tractée par Emma.

A l’orée du village, je sais qu’il reste un km à faire pour rejoindre la voiture mais sur l’asphalte brûlant ce n’est pas la meilleure chose à faire avec les chiennes. Je décide donc d’aller chercher la voiture et de venir les récupérer dans un coin ombragé, malgré les interdictions de circuler pour les touristes dans le village aux rues étroites. Il y a très peu de monde. Les quelques visiteurs sont agglutinés le long de l’eau pour pique-niquer à l’ombre.

Nous croisons un groupe de jeunes (et beaux) séminaristes en robe noire apprêtées et splendides mais sans doute très peu confortables. Ils sont français, viennent d’une école internationale italienne (je leur ai demandé car leur tenue nous a intriguées). Nous offrons un dernier bain aux chiennes dans la Senouire avant de retrouver la fraîcheur bienfaitrice de notre gîte.

Claudia a siesté dormi 3 heures pour récupérer de notre périple ! L’après-midi est lente et paresseuse. Seule Rosa reste vive et vigilante au moindre bruit de mâchoire…

  • Lundi 10 juillet – visites des villages proches.

Nous appréhendons les températures qui ne cessent de monter. Heureusement que nous sommes dans notre vallon boisé loin du bitume et de toute circulation. Le ciel couvert de la matinée a apporté du supportable dans les mouvements. J’ai baladé les chiennes une petite demi-heure au-dessus de notre gîte. Le paysage est magnifique. Je suis impressionnée par le camaïeu de verts, cette nature ne semble pas encore être altérée par la sécheresse.

Nous sommes parties explorer les quelques villages historiques alentours. D’abord Ally culminant à 1000 m d’altitude, point central de ces lieux. D’anciennes mines de plomb, d’antimoine et d’argent parsèment la carte topographique, des moulins également, témoins d’un passé riche en histoire. Sur les hauteurs, c’est un plateau sommital qui se déploie et ne donne pas du tout l’impression d’être en montagne, les espaces sont dominés par la présence humaine et l’exploitation d’autrui.

Nous sommes redescendues vers l’Allier et sa vallée verdoyante. Deuxième arrêt à Lavoûte-Chilhac, labélisé parmi les plus beaux villages de France. C’est son ancienne abbaye des Bénédictins qui en a fait sa gloire. Il semblerait qu’elle a collectionné des reliques diverses mais, à notre grande déception, nous n’en avons vu aucune. J’aime bien le côté magique du religieux et son folklore tant qu’il ne provoque ni n’entraîne violence et meurtre.

J’aime surtout l’histoire et ses méandres, ses traces dans le paysage et j’ai un faible pour toute la période médiévale. Ici, je suis particulièrement gâtée.

Le troisième lieu du jour fut les vestiges du site castral de St Ilpize, perché en aplomb de l’Allier, magnifique forteresse agrémentée d’une chapelle romane et de sa tour seigneuriale.

On y accède depuis Villeneuve d’Allier en passant par un pont suspendu, petite prouesse architecturale plus contemporaine mais qui vaut aussi le détour. La vue est également impressionnante depuis le pont.

Nous sommes retournées vers midi au gîte. Les températures grimpent et l’air devient irrespirable. Les filles sont dans la fraîcheur de la maison, moi j’écris depuis notre jardin, abritée par un lilas foisonnant, une vigne grimpante le long des vieilles pierres et le parasol déployé. Plus tard, j’irai faire un tour en sous-bois. Emma est allongée à mes pieds et sieste. Elle n’est plus attachée par la longe. Le lieu est tellement tranquille que je ne crains pas qu’elle se sauve. Il n’est pas sur le versant boisé plus habité par les animaux de la forêt. Les papillons sont légions et les insectes saturent l’air du crissement de leurs ailes.

  • Mardi 11 juillet – randonnée à partir du gîte sur le GR 470.

Aujourd’hui la chaleur sera à son paroxysme. Des orages sont prévus dans l’après-midi. Hier soir, j’ai exploré la carte topographique pour un circuit court à partir de la maison. Je suis surprise car les divers sites de randonnée ne proposent rien dans le vallon qui nous héberge et pourtant il est truffé de sentiers menant à de vieilles mines et reliant les hameaux entre eux.  Le GR 470, à 2 km d’ici, concentre l’intérêt.

Phlau était OK pour m’accompagner, Claudia est restée au gîte avec les chiennes. Nous sommes parties à 7h30 explorer les collines proches. J’avais prévu une petite boucle de moins de 10 km qui rejoignait le GR. J’adore son nom : Robe de bure et cotte de mailles. Tout ici nous relie au moyen-âge, période historique que j’affectionne. Nous sommes revenues enchantées de ce mini périple, repue de panoramas grandioses et gorgées d’images bucoliques où nous n’avons croisé aucun humain.

Nous avons traversé le hameau de Condors qui semblait inhabité, pourtant des fenêtres fleuries aux rideaux brodés et pimpants témoignaient d’une vie intime et privée. Le village semble figé dans un autre siècle :  panneaux improvisés, chapelle improbable aménagée dans une cave pour recueillir deux sous afin de restaurer une maison locale, habitats abandonnés en ruine, vieille boite postale du siècle passé et pourtant toujours utilisée, vélos oubliés transformés en décoration florale…C’est à partir de ce lieu que nous avons parcouru un morceau du GR 470, en partie à flanc de colline s’ouvrant sur des vallons lointains et bleutés dans la lumière matinale, déjà saturée par le rayonnement cru du soleil. Au loin, le site castral de St Ilpize se découpait dans l’infini de l’horizon. La danse des insectes bourdonnants rythmait nos pas, une vie grouillait dans les buissons, les papillons virevoltaient, insouciants de la torpeur ambiante.

La flore est exceptionnelle, d’une diversité et d’une densité incroyable : lande à genêt, sainfoin, thym, molène pubescente aux épis floraux exubérants, sauge des prés, scabieuse, achillée, vipérine aux violets chatoyants, œillet du granite, fougères foisonnantes par endroit, etc.    

Parfois j’aimerais que le temps se suspende. Savourer ces instants, les étirer, m’en imprégner à jamais, bulles de quiétude dans le tumulte des mondes.

Une partie du GR emprunte aussi des sentes boisées bienvenues dans la torpeur étouffante de l’été. Nous sommes passées à côté d’un château médiéval en excellent état où la boite aux lettres indiquait : « Général et Madame Guy de Rochegonde ». Naïvement, je suis toujours fascinée que l’on puisse s’identifier d’abord par sa fonction. Cela renvoie à notre rapport au monde et à nos priorités. Et je ne parle même pas de « Madame » qui n’existe que dans le nom de son époux… En faisant des recherches, j’ai aussi compris qu’il s’agissait d’une famille noble. La nuit du 4 août a aboli les privilèges sur le papier mais 250 ans plus tard, ils persistent encore.

Notre retour s’est fait majoritairement en sous-bois, appréciable car les températures étaient déjà de 30 degrés à 10h.

J’ai repris ma place d’hier, dans notre petit jardin ouvert, pour rédiger ces phrases. Rosa et Emma me tiennent compagnie. Suzy préfère rester à l’intérieur avec les filles qui supportent beaucoup  moins la chaleur que moi.

  • Mercredi 12 juillet 2023- Boucle à partir de St Austremoine.

Au réveil, j’espérais que la pluie aurait enchantée le jardin, que nenni. Pas une goutte. L’herbe s’assèche de jour en jour et la terre se craquèle, se repliant sur ses dernières molécules d’humidité pour survivre. Les orages sont passés et nous ont oubliées. Je me demande où tout ce vallon si verdoyant puise son énergie. Je ne me lasse pas de ce lieu délaissé de l’humanité, de Michèle, notre voisine adorable aux petits soins avec nous. Hier nous avons eu droit à une énorme salade de son jardin. Elle aime savoir où nous marchons, ce que nous visitons. Elle me raconte des petites histoires de sa vie et me partage les humeurs de ses compagnons de cœur : Mimi, le chat roux adopté et Anaïs, une yorkshire aveugle qui a atteint l’âge remarquable de 20 ans.

Ici, les routes sont parfois si peu empruntées que des liserons y poussent. C’est beau.

La randonnée du jour nous a conduit à 20 mn d’ici, sur les hauteurs de St Austremoine à + de 900 m d’altitude. Les nuages offraient l’opportunité de marcher à découvert. Nous avons pris Rosa avec nous car elle était particulièrement remuante ce matin et avait besoin de se dépenser. Je savais aussi que le circuit n’était pas long et était faisable pour elle. Suzy et sa tignasse de mouton aurait souffert, quant à Emma, je lui proposerai une balade à notre retour. Vivre avec elles c’est aussi s’adapter à la personnalité de chacune. Quand Rosa a vu que son idole (Emma) ne nous accompagnait pas, elle a voulu rester au gîte mais sa jeunesse aurait fini par nous épuiser, toutes, chiennes comprises. C’est pourquoi elle a fait partie du voyage.

Le point de départ fut la petite place de la mairie, face à la belle église romane (fermée) de St Austremoine. La montée se fait par une route goudronnée, ce n’était pas précisé sur le circuit et j’aurais sans doute adapté notre petite virée. Heureusement que les nuages voilaient l’ardeur du soleil de juillet car nous n’aurions jamais pu l’emprunter par 30 degrés, cela aurait été impraticable pour les coussinets de Rosa. Cela dit les panoramas étaient époustouflants, dévoilant les combes verdoyantes d’Auvergne des versants sud. Les gris en camaïeu d’un ciel bousculé sublimaient les verts profonds des vallons boisés. Et, plus loin, dans le creux des gorges, on devinait les méandres de l’Allier. Nous avons traversé deux hameaux au même charme d’histoires révolues s’ancrant dans un passé d’un autre siècle, contant les temps plus illustres de ces vieilles pierres.

C’est en basculant sur le versant nord que nous avons quitté la route asphaltée pour cheminer enfin le long d’un large sentier sommital aux contours parfois boisés. La campagne traversée alternait des champs prodigieusement fleuris et des landes plus rudes où affleurait la roche. Partout où se perdait le regard, la nature abondait de vie.

L’air oscillait entre la torpeur des jours précédents, quand un voile de nuage se déchirait sur un creux ouvert au soleil, et une brise bienvenue quand les nuages repartaient à la conquête du ciel. Parfois les nuées dessinaient un carcan sombre et inquiétant au loin, nous faisant encore espérer une pluie salvatrice qui n’est jamais venue. Phlau a qualifié ces humeurs de « météo bipolaire », c’est assez justement défini.

Au retour à St Austremoine, nous avons baigné Rosa dans la fontaine du village et nous nous sommes posées à l’ombre d’un tilleul avant de reprendre la route.

De retour au gîte, je suis partie d’abord avec Emma, puis avec Suzy, musarder aux alentours du gîte pendant encore une petite heure.

  • Jeudi 13 juillet 2023 – boucle entre Lavoûte Chilhac et Chilhac.

Cette nuit j’ai presque eu froid et j’ai du me glisser sous le drap pour dormir, quelle merveilleuse sensation ! Ce matin, quelques nuages sont encore présents et rendent l’atmosphère agréable. Nous décidons donc d’emmener les chiennes avec nous pour la randonnée du jour.

Le départ se fait à partir de Lavoûte Chilhac que nous avons déjà visité en partie lundi. Sa particularité, outre qu’il est classé parmi les plus beaux villages de France, est la boucle que forme l’Allier, son pont dont une arche date du XIè siècle et bien sûr, son majestueux prieuré clunisien de Sainte-Croix de La Volte datant également du XIè siècle surplombant la courbe de la rivière.

Cette fois-ci, le circuit se fera essentiellement sur des sentiers souvent boisés dont une partie emprunte le GR 470. Des fontaines jalonnent le chemin et permettent de rafraîchir les chiennes. La campagne est bucolique, les blés blonds ondoient sous une légère brise et ouvrent sur des collines lointaines. Je suis surprise car je vois très peu d’élevages de vaches ou de brebis. Par contre, il y a quelques centres équestres et les champs clos de fils électriques enferment surtout des chevaux.

La montée se fait en sous-bois, le long d’un sentier à la roche ravinée. Il semblerait qu’il ait plu dans ce coin. Quelques flaques de boue font la joie des chiennes. Comme d’habitude, nous ne croisons aucun humain. J’ouvre la voie et les toiles d’araignée s’accrochent à mes bras, à mes épaules. Je suis désolée de saper ainsi leur travail de dentellières. Parfois, les branchages s’ébrasent sur une échappée dévoilant un paysage pastorale idyllique.

Tout est beau. J’ai un sentiment de plénitude.

Au niveau d’Aubazat, nous traversons la D585 pour basculer sur l’autre pan de colline qui nous mène au GR 470.  Le paysage change encore. Nous suivons une ligne de crête où affleure la roche, plus méditerranéenne dans sa végétation. Le sentier est parfois sableux, d’anciens murets témoins du passé viticole de la région bornent la ligne du chemin. La richesse de la flore est encore exceptionnelle. Cette arête nous conduit au remarquable et surprenant village de Chilhac. Dominant l’Allier de près de 70 mètres, le cœur historique du village est construit à l’aplomb d’un spectaculaire escarpement basaltique. Le bourg s’est ensuite développé en contrebas, profitant d’une exposition au sud.

Cette falaise, qui confère au site toute son originalité, est le résultat d’une coulée de lave datée de 1,6 millions d’années. A sa base, comme le feraient les fûts d’un orgue, se dresse une colonnade de prismes réguliers. Propice à la défense, ce site naturel a favorisé, au moyen-âge, l’essor d’un village fortifié. Une église d’origine romane est construite en aplomb de la falaise et son clocher carré ajouré de baies surveille la vallée. Un pont suspendu datant de 1883 permet de traverser l’Allier. Une autre fontaine bienvenue a pu désaltérer tout le monde. Les filles étaient épuisées par la montée et je suis partie seule arpenter les rues de ce village fortifié et découvrir son église et sa nef de quatre travées aux dimensions irrégulières. La lumière jouait avec des vitraux plus contemporains qui sublimaient les statues anciennes.

Nous sommes reparties sur le GR qui nous a conduites par un chemin plus large à notre point de départ.

Les chiennes ont savouré une longue baignade dans l’Allier, Claudia et Phlau se sont fait plaisir en dégustant des frites locales.

Cette après-midi c’est sieste collective sauf pour moi. Ces paysages sont si beaux qu’ils me nourrissent et m’énergisent. J’aime le moment où je me pause dans notre coin de jardin gorgé de chaleur pour écrire les instants du jour. Lézards, papillons et autres insectes me tiennent compagnie. J’ai l’impression d’avoir toujours vécu ici. Ce creux de vallon éloigné du monde me donne un sentiment de profondeur réconfortante. Je suis en amour de ces lieux.

  • Vendredi 14 juillet 2023 – Plateau sommital d’Ally

Si les appareils connectés ne me donnaient pas la date, je ne saurais pas que nous sommes le 14 juillet. C’est sans aucun doute l’un des meilleurs que j’ai passé. En fait, dans notre creux de verdure, seuls les rythmes de la nature, le vent ronronnant dans les branchages et glissant sur les pierres saturées de chaleur, les insectes laborieux, la course du soleil nous indiquent le moment du jour où nous nous trouvons. Cette tranquillité vaut tous les trésors du monde. Rien ne vient l’entraver, surtout pas l’effervescence destructrice humaine.

Ce matin, je suis partie seule découvrir le plateau sommital qui surplombe notre havre, à plus de 1000 m d’altitude. Nous avions déjà été voir la commune d’Ally et son moulin en début de semaine. Aujourd’hui j’avais décidé de faire le circuit des moulins sur tout le plateau. Une douzaine de kilomètres empruntant routes et sentiers à travers un paysage totalement prédaté par l’homme qui y a inscrit son emprise et sa violence. Pas de forêts, des prairies vouées à l’exploitation des bovins, toutes clôturées. Chaque hameau traversé avait sa ferme d’élevage. Cette prédation sur le paysage remonte à l’antiquité où un gisement de plomb et d’argent y était déjà exploité (le site de la Rodde). Redécouvert à la fin du XIXè siècle, il fut mis à profit jusqu’en 1905. Aujourd’hui on peut encore le visiter mais je déteste descendre dans les entrailles de la terre. Ce qui me rassure quand j’explore wikipédia pour trouver des informations sur le plateau, c’est que les fermes d’élevage ont diminué de 41 % depuis 1988.

Mais la France a clairement un retard qui se creuse. Pour nos courses de la semaine au Carrefour Market de Brioude, nous n’avons trouvé aucune alternative végétale excepté une tartinade « Nurish ». C’est honteux. Quand je vois comment les rayons s’étoffent de produits veganes en Allemagne, c’est un gouffre que notre pays devra surmonter. Là-bas, le mot « vegan » n’est pas un gros mot. D’ailleurs les produits carnés ont augmenté de 20 %. Le gouvernement français balance des subventions honteuses aux éléveurs, rampe devant la FNSEA, au lieu de les orienter vers une reconversion végétale qui, seule, garantira l’avenir de l’humanité. Et je ne parle pas de l’oppression systémique qu’est le spécisme qui envoie plus de trois millions d’animaux terrestres à l’abattoir chaque jour. Dans le même temps, des dizaines de millions de poissons sont sortis de l’eau et tués. 

« Selon l’ONU, près de 90 % des subventions publiques de l’agriculture dans le monde ont des effets environnementaux ou sociaux « dommageables ».

La France est, de loin, l’État de l’UE qui bénéficie le plus de la politique agricole commune : 9,5 milliards d’euros d’aides agricoles en 2018, dont 1 milliard d’euros d’aides couplées qui bénéficient à 80 % à l’élevage. » Source : https://www.viande.info/elevage-viande-subventions-aides-europeennes

Le plateau d’Ally est ouvert aux vents et recouvert d’éoliennes, 26 au total. Ce qui explique aussi la présence des moulins, cinq ont été restaurés, deux sont des gîtes ruraux. Un moulin à parole offre des contes et légendes du pays. Ces moulins, majoritairement à farine, datent du XIXè siècle et étaient à disposition des familles locales, de paysans ou de mineurs. Ce sont des tours à corps cylindrique, construits en pierres de pays avec quelques moellons de quartz. Elles offrent un décor original dans l’azur du ciel d’été. Le panorama s’étire sur les monts très lointains et on pourrait se croire en plaine tant les moindres recoins sont cultivés ou domptés.

Je suis revenue au gîte vers midi, accueilli par l’allégresse débordante des chiennes. Chacune s’est adaptée au gîte.

Emma adore passer de longues heures allongée à l’ombre ou au soleil, elle fait parfois le petit tour du propriétaire, elle aime rester dehors, comme moi. Elle est très calme, le lieu l’apaise aussi. Elle n’a plus de longe, elle ne vagabonde pas, ça ne l’intéresse pas. Elle va parfois jusqu’à la rivière en contrebas pour ses besoins et remonte, autonome.

Rosa est la plus curieuse et la plus attentive au voisinage, la plus vive aussi mais elle jeune. Celle qu’on entend le plus également et qui rameute les copines. Elle alterne les siestes sous ma chaise ou sous le canapé si les mouches l’agacent trop. Parfois elle va se coucher sur le carrelage des toilettes pour un maximum de fraicheur. C’est une petite gourmande qui a parfaitement compris comment communiquer avec nous pour atteindre ses objectifs. Elle est irrémissiblement fan d’Emma ce qui n’est pas du tout réciproque. Mais elle s’en fiche. Si nous partons en laissant Emma, elle ne veut pas venir avec nous, son choix est clair. Elle aime les grandes noires élancées. C’est parfois lourd pour Emma et c’est pour cette raison que lorsque je pars en weekend, je n’en prends qu’une pour qu’elle puisse souffler et savourer ce temps entre elle et moi, égoïstement pour chacune.

Quant à Suzy, elle préfère de loin la fraîcheur de ma chambre ou du salon. Son poil dense et épais qu’elle ne perd pas est clairement un handicap par fortes chaleurs. Elle me rejoint dehors le soir quand l’air est moins étouffant. Elle n’aime que les randonnées. Les petites balades du matin ou du soir l’ennuient, surtout au départ du gîte. D’ailleurs, une fois qu’elle a fait ses besoins sur les 50 premiers mètres elle s’assied et décide de nous attendre.

Ce qui est extraordinaire et reposant est qu’il n’y a jamais de tensions entre elles.

Là, Emma s’est déplacée pour se mettre au soleil, le vent est fort aujourd’hui est rend l’atmosphère supportable. Elle pousse des petits gémissements de satisfaction.

J’irai sans doute faire une dernière balade dans le vallon en début de soirée. Demain, 9 h de route nous attendent. J’avoue que je n’ai pas du tout envie de rentrer.

Finalement, les filles m’ont accompagnée pour la dernière sortie. Nous sommes montées au lieu-dit « La Licoulne » où s’arrête la route et commence le sentier conduisant à une autre entrée de mine. Mais tout le site est fermé, sans doute par sécurité. Cette balade m’a permis de savourer une dernière fois la beauté de notre vallon verdoyant.

«Un jour viendra où l’idée que, pour se nourrir, les hommes du passé élevaient et massacraient des êtres vivants et exposaient complaisamment leur chair dans les vitrines, inspirera […] la même répulsion qu’aux voyageurs du XVIe et XVIIe siècle, les repas cannibales des sauvages américains, océaniens ou africains.» –

Claude Lévi-Strauss

Les crêtes découpées du Jura suisse

Les vacances de la Toussaint sont les bienvenues dans ce premier trimestre de lycée dense en préparatifs, réunions, corrections, etc.

Cette année j’ai encore décidé de ne pas partir trop loin, moins de quatre heures de voiture de la maison. Se dépayser n’exige pas forcément de longues distances et marcher reste mon moyen le plus efficace pour me recentrer et me déconnecter des tracas du quotidien.

Jesper et Julie m’ont accompagnée pour cette escapade de cinq jours.

Samedi 29 octobre – Jour 1

J’avais réservé un gîte à la Chaux-du-Milieu en Suisse, dans un coin surnommé « La Petite Sibérie ». Le gîte est aménagé dans une ancienne ferme. Il est immense, tout en bois, rustique et préservé. Nous avions chacun et chacune notre chambre. Seul bémol, il est situé au cœur d’une région d’exploitation des vaches et nous ne pouvions pas ouvrir les fenêtre sans entendre le son de leur cloche, monotonie glaçante d’un outil de torture banalisé pour ces êtres. Outil obsolète qui les rend sourdes et n’est justifié par rien. L’espace est cloisonné en prisons à ciel ouvert, elles ne peuvent échapper à leur mort programmée.

Nous sommes arrivées le samedi 29 octobre en milieu d’après-midi. Le temps de nous installer et de prendre connaissance de notre lieu de vie pour cinq jours fut rapide. Nous sommes ensuite parties dîner à Neuchâtel, la ville importante la plus proche, à 30 mn de la maison.

Jesper avait repéré dans l’application « Happy Cow » LE restaurant végane de la cité : Eateco.

Comme nous étions un peu en avance, nous en avons profité pour monter sur les hauteurs de la ville afin de contempler le lac depuis la roche de l’Ermitage qui offre aussi un point de vue exceptionnel sur les Alpes.

Le restaurant végane fut une agréable découverte, le dîner était succulent et l’ambiance conviviale. Je me suis régalée avec un risotto complet à la courge et aux noix accompagné d’une salade de carottes à la sauce amande et de farinata de pois chiche.

Nous sommes retournées à notre gîte de nuit, croisant une multitude d’yeux brillants au détour des virages, roulant le plus lentement possible afin de préserver cette vie nocturne exceptionnelle.

Dimanche 30 octobre – Jour 2

Ma nuit fut courte. Réveillée à 3h30, j’ai eu le temps de peaufiner quelques randonnées pour le séjour.

Nous sommes parties tôt à la découverte du grand canyon suisse, le point touristique à ne pas rater de la région : le Creux-du-Van, 15 km² de nature protégée où s’épanouissent bouquetins, chamois, chevreuils, lynx et grand tétras. Les températures étaient quasi estivales. Nous avons fait un circuit de 11,5 km et de 646 m de dénivelé avec une pente abrupte. Les pentes escarpées sont le lot du Jura constitué de blocs calcaires massifs et carrés.

Dès notre montée, nous avons croisé deux puissants bouquetins qui mangeaient tranquillement sur le sentier. Nous avons donc coupé à flanc de montagne afin de ne pas les déranger. C’est la première fois que je croisais cette impressionnante chèvre sauvage, peu farouche.

Arrivées au sommet de la pente, le panorama est impressionnant. Les couches de calcaire qui forment l’extraordinaire cirque rocheux du Creux-du-Van ont été déposées par une mer primitive il y a près de 200 millions d’années. Le glacier, par alternances de gel et de dégel, puis les ruisseaux ont sculpté un spectaculaire amphithéâtre, particularité géologique typique du plissement de la chaîne du Jura.

Le sentier qui longe le cirque est balisé et étroit afin de préserver la flore fragile des lieux. Nous sommes montées jusqu’à la Croix du Soliat à 1464 m d’altitude offrant un point de vue exceptionnel sur les Alpes.

Nous avons aussi croisé un troupeau de chamois, qui se déplaçait en escaladant tant bien que mal les barbelés qui enferment ce paysage pour les besoins non vitaux de la pratique arriérée de l’élevage.

D’ailleurs, les éleveurs ont placé régulièrement des panneaux hypocrites disant que les « bovins entretiennent le paysage ». Panneaux installés parfois quelques mètres après ceux rappelant qu’il faut préserver la flore sauvage ! Il semblerait que les vaches suisses sachent faire la différence dans les plantes qu’elles vont brouter. Au-delà de cette fumisterie, la nature n’a pas besoin d’être façonnée par des bovins, de plus ces prisons bloquent et limitent la circulations des autres êtres qui y vivent. Les champs infinis de pâtures n’ont aucun lieu d’exister et n’embellissent en rien le paysage, bien au contraire.

Nous sommes redescendues tranquillement par un chemin moins escarpé pour rejoindre le parking où nous étions garées près de la Ferme Robert.

En rentrant au gîte, Julie et moi nous sommes accordées une parenthèse danse, l’espace immense et ouvert de notre habitacle s’y prête parfaitement.

Lundi 31 octobre – Jour 3

Aujourd’hui c’est la découverte des Gorges de l’Areuse.

« L’Areuse, habituellement paisible, s’écoule avec fracas dans les gorges de l’Areuse, longues de 11 km, situées entre Noiraigue et Boudry dans le canton de Neuchâtel. Un magnifique sentier de randonnée longe le lit de la rivière, par endroits tranquille et à d’autres tumultueuse. Le sentier emprunte des ponts de pierre, des passerelles et des escaliers, traverse des étranglements rocheux et longe des parois rocheuses remarquablement abruptes. »

Ces propos recopiés du site mis en lien expriment parfaitement l’ambiance du parcours du jour. Les températures ont chuté et nous sommes parties sous un ciel gris et chargé d’humidité. Nous avons longé la voie ferrée sur deux kilomètres, l’Areuse suit également cette voie avant de bifurquer vers les falaises qui vont l’encercler. Le spectacle au « Saut du Brot » et son vieux pont de pierre très romantique est impressionnant. Par contre, l’essentiel de la randonnée se fait sur des sentiers goudronnés ce qui est moins agréable.

En fin de journée, nous sommes parties découvrir la petite cité de Neuchâtel et les rives de son lac. C’était Halloween et les maisons s’étaient habillées de décors macabres. Nous sommes retournées dîner à Eateco pour l’occasion.

Mardi 1er novembre – Jour 4

La météo annonçait des torrents de pluie dans la nuit et en matinée. Le paysage des prisons à ciel ouvert s’est davantage appesanti sous le crachin qui tombait. Le gris noyait le vert. Nous avions décidé de découvrir l’autre lieu vegane de la région : la Crème renversante se situant à la Chaux-de-Fonds. C’est un bar à chocolat qui propose aussi des petits plats salés le midi.

Des cieux plus calmes étaient prévus pour la fin de matinée. Nous avons décidé de faire une randonnée sur les hauteurs de la Chaux-de-Fonds mais la pluie ne s’est pas calmée et le paysage était noyé d’eau et de brume. Nous avons traversé une infinité de champs clos où de pauvres vaches mugissaient à fendre l’âme. Le point de vue était totalement bouché. Nous avons écourté cette randonnée pour aller nous réconforter dans un lieu chaleureux.

La Crème renversante nous a proposé une succulente tarte salée sans gluten ainsi que de savoureux desserts. Nous avons fini par déguster un délicieux et immense chocolat viennois chaud.

Rentrées tôt et repues, nous avons fini la journée devant un film léger, profitant de ce temps de repos pour nous ressourcer.

Mercredi 2 novembre – Jour 5

Pour cette dernière journée, nous sommes parties à la découverte des Aiguilles de Baulmes, au départ de Ste Croix, à trente minutes en voiture du gîte. Elles forment un ensemble de crêts dont le point le plus élevé culmine à 1 558 m d’altitude. D’ailleurs ce point le plus élevé était noyé dans une mer de nuages au départ. La montée fut rude (40% par endroit), presque à flanc de falaise entre rocailles et racines glissantes, terre gorgée d’eau des dernières pluies.

La ligne de crête s’étend sur 4 km et la vue s’est dégagée peu à peu, offrant des échappées incroyables jusqu’au lac Léman et sur les Alpes encore baignées de nuages cotonneux.

C’est une très belle randonnée aux vues toutes plus surprenantes les unes que les autres. Le versant nord abrupt est couvert d’une hêtraie-sapinière. Le versant sud est constitué par une falaise calcaire avec des ourlets de prairies et prés-bois. Une réserve forestière de 106 hectares couvre le sommet du crêt. Cet espace est bien moins fréquenté que le Creux-du-Van et d’autant plus appréciable.

Les températures ont bien baissé depuis le 1er jour et sont plus de saison. La neige est annoncée pour le week-end mais nous repartons demain tôt.

Un autre monde est possible #stopElevage

Hormis l’élevage omniprésent, pesant, les sommets restent à peu près des lieux où nous pouvons nous déconnecter de notre humanité assassine. Et puis, notre entente fut chouette pendant cette pause de cinq jours. D’ailleurs, j’ai fait le choix d’utiliser le féminin pluriel dans mes accords puisque nous étions deux filles et un garçon.

A tous les mangeurs et mangeuses de cailloux 😉 LOVE

Toute progression passe par un changement de regard sur les normes.

Explorations végétales – les cyanotypes

Bleus et végétaux

Cet été fut celui où j’ai repris mes envies d’explorer ce que la nature nous offre pour créer. La photo restant ma passion de base, je me suis penchée sur les processus intégrants cette technique et j’ai découvert les cyanotypes.

Le cyanotype est un procédé photographique monochrome négatif ancien par le biais duquel on obtient un tirage photographique bleu de Prusse, bleu cyan.

Cette technique a été mise au point en 1842 par la botaniste Anna Atkins.

Le procédé utilise deux produits chimiques :

On mélange en volumes égaux une solution à 8 % (masse sur volume) de  ferricyanure de potassium et une solution à 20 % de citrate d’ammonium ferrique.

Ce mélange photosensible est ensuite appliqué sur une surface papier. On laisse sécher dans l’obscurité ce support préparé. Une fois le papier sec, les expérimentations peuvent commencer.

Le papier devenu photosensible est exposé au soleil avec des végétaux qui vont imprimer sa surface de leur ombre. Puis il est passé sous l’eau pendant cinq minutes pour révéler le bleu si typique du cyanotype.

Les nuances mettent 24h à se révéler complètement.

J’ai exploré le processus au début de l’été et cela m’a rappelé les photograms que je créais dans les années 80-90 quand j’initiais les élèves à l’aventure photographique argentique.

Très vite, j’ai eu besoin d’aller au-delà de la monochromie bleue du cyanotype de base et j’ai découvert les « cyanotypes humides ». C’est à dire qu’on va humidifier le papier photosensible avec de l’eau, du savon, du vinaigre, etc. On va l’exposer beaucoup plus longtemps aux rayons du soleil (parfois 5 h !).

J’ai laissé mon imaginaire opérer et j’ai rajouté des épices que j’avais sous la main, puis des pigments que j’ai achetés aux Ocres de France.

A partir de là, ce fut pour moi une révélation. J’ai adoré ce qui se révélait avec chaque œuvre créée. Et je me suis mise à observer de plus près toutes les feuilles que je côtoyais. J’ai ainsi découvert des essences d’arbres dont j’ignorais l’existence. Par exemple le chêne rouge d’Amérique m’a fait découvrir que le genre Quercus comprend entre 200 et 600 espèces !!! (chiffre variable selon les classifications vu le nombre important d’hybrides).
En tout cas, pour le chêne rouge d’Amérique, ses grandes feuilles atteignent de 12 à 22 cm en moyenne et se distinguent de celles des chênes caducs européens par leurs 4 à 6 lobes anguleux à extrémité plus ou moins épineuse. Je suis tombée en amour de ses feuilles.

J’ai aussi craqué pour toutes les espèces d’érable et les feuilles de courgettes jaunes à la dentelle si délicate.

Et puis, j’ai été au-delà, je me suis appropriée chaque création, j’en ai retravaillé certaines dont je n’étais pas satisfaite, y intégrant de la peinture aquarelle ou acrylique.

J’ai entrouvert une dimension où je me suis laissée emporter, heureuse de ce que j’y découvrais.

Quelques formats carrés : 17×17 / 21×21 / 27×27

Escapade sur les rochers de La Petite Pierre

Je ne sais pas pourquoi j’ai une tendresse particulière pour les Vosges du Nord, sans doute le fait que ses sentiers soient moins arpentés que celles du Sud y est pour beaucoup mais pas seulement. Il s’en dégage toute une poésie de conte oublié quelque part dans un coin de ma mémoire, une résurgence de l’enfance où je me dis qu’ici je peux lâcher ce qui me pèse, que ces escapades m’emportent dans leur quiétude vers d’autres rives, loin de cette humanité qui m’oppresse souvent… Mon coin d’utopie, celui où je me sens chez moi et où les limites s’évaporent.

C’est une randonnée facile et bucolique que je vous propose, sur les sommets gréseux près de La Petite Pierre, commune du Bas-Rhin située dans le parc naturel régional des Vosges du Nord.

A cet endroit, la couche de grès, formée il y a 250 millions d’années atteint environ 300 mètres d’épaisseur. La pluie et les ruisseaux ont érodé et façonné la roche formant ainsi les falaises, les pitons, les vallées et les cuvettes des Vosges du Nord.

J’y étais en février et y suis retournée début mars, une de mes dernières « sorties » avant cette étrange période de libertés supprimées. Le circuit est jalonné de rochers aux points de vue splendides.

Le départ se fait au parking de la Maison forestière Groupement Ornithologique du Refuge Nord Alsace. C’est l’entrée du site Natura 2000 « Vosges du Nord » et de la Réserve nationale de chasse et de faune sauvage de La Petite-Pierre. J’ai toujours du mal à associer tuerie (chasse) et la protection d’un espace. Mais je ne vais pas m’étendre sur ce sujet. Le lobby de la chasse est puissant et sait s’immiscer dans les plus hautes instances pour justifier ses tueries.

Les milieux traversés sont rares et protégés. La balade nous emmène d’abord vers le rocher de Loosthal (367 m.) , premier point de vue sur les collines boisées de résineux et de feuillus encore dénudés au coeur de l’hiver du Spitzberg et du Brudersberg.

Le rocher suivant est le Finkenstein mais il n’est pas accessible, protégé par une corde qui en interdit l’accès pour cause de nidification. Les panneaux interdisant son accès ne sont pas plus explicites.

Très vite on arrive au Rocher du Cerf (le Hirschfels), la vue est à couper le souffle. Excepté le château de Hunebourg aucune construction humaine n’apparaît. Ce domaine est l’endroit de prédilection du cerf élaphe . Un petit kiosque s’y trouve. En mars, un sapin s’est effondré sur lui suite aux violentes tempêtes de cette période mais ne l’a pas détruit.

Le chemin se poursuit vers la route forestière du Breitschloss, nous arrivons rapidement à la zone marécageuse du Lach pour le plus grand plaisir de Suzy.

La balade continue sur de larges sentiers qui nous amènent tranquillement au Rocher du Saut du Chien (le Hundsprung) composé de trois plateformes.

De là, un magnifique panorama s’offre à nous et nous décidons de nous poser à cet endroit pour pique-niquer (début mars). Une légende raconte que certains soirs d’été, quand le temps orageux perturbe les animaux, un grand chien noir aux yeux de feu saute d’un rocher à l’autre. Malheur aux passant-e-s qui voudraient le suivre, car il ou elle tomberait dans le vide et cette chute serait fatale. Mais heureusement, depuis la construction des trois passerelles, on risque moins de tomber dans le piège de cet étrange animal.

Gaston et Colette. L’enjeu de la pomme.

Ensuite on a fait un petit aller-retour jusqu’au rocher du Bélier pour nous repaître encore de cet extraordinaire panorama boisé mais sous un autre angle. Je ne me lasse pas de ces immenses solitudes délaissées des humains.

Le retour se fait par la Cabane du Breitschloss, étrange petite maisonnée isolée au cœur de la route forestière goudronnée du même nom que nous empruntons sur quelques centaines de mètres. Ensuite nous bifurquons sur notre gauche pour suivre le chemin du Mühlkopf. Ce dernier nous amène à d’autres points de vue sur La Petite Pierre cette fois ci.

Route forestière du Breitschloss

Le retour suit, par des sentiers moussus et d’autres points de vue impressionnants, la route forestière du Breitschloss sur les deux derniers kilomètres. Nous y trouverons même un bois de cerf.

Ce qui est certain est que j’y retournerai dès la levée du confinement, histoire de découvrir ces contrées noyées dans le camaïeu vert du printemps avancé.

14 mai.

3 jours que le déconfinement est en place. Chose promise, chose faite : je suis retournée sur les sentiers boisés de cette contrée et les verts ont enchanté la forêt…

Mes eaux fortes et mes brumes

chloeka - eaux et neige
Eaux & neige.

 

 

Quand les âmes veillent dans le blanc et le silence.
Quand les âmes veillent dans le blanc et le silence.
Les berges d’un lac sauvage en Forêt Noire : le Wildsee.

 

Le Noir&Blanc…mon passé aimé.

L'infinie de la route désertée * Automne *
L’infinie de la route désertée * Automne *

J’ai découvert le monde de la photo avec un reflex entièrement manuel (merci papa !) et de longues heures enfermées dans mes labos de tirage où je pouvais oublier le temps.

Je reste fidèle à l’émotion que porte le Noir & Blanc.

Eux & la neige.
Eux & la neige.
chloeka - brumes et eaux.
L’eau, la brume, le matin.

Je n'ai pas effeuillé la marguerite.
Je n’ai pas effeuillé la marguerite.

Là-bas, le Ventoux et sa complainte de nuages.
Là-bas, le Ventoux et sa complainte de nuages.

Mon chemin de brumes.
Mon chemin de brumes.
Arum blanc
Arum blanc
Instant suspendu où la tige s'est fossilisée dans un carcan de bois fragile au bout duquel tremble la baguette d'une fée.
Instant suspendu où la tige s’est fossilisée dans un carcan de bois fragile au bout duquel tremble la baguette d’une fée.
Iris libre au bord de mes étangs proches.