Les 55 jours étranges vécus pendant ce printemps 2020 m’ont rappelé combien la liberté était une chose illusoire et que nous n’étions que des pantins au service des gouvernements. J’ai donc dû mettre entre parenthèses mes escapades dans « mes » montagnes proches et je n’avais qu’une hâte, c’était de repartir sur ces sentiers escarpés.
La date du déconfinement a été fixée le 11 mai. Le lendemain, un mardi ensoleillé, je suis donc partie avec Justine pour une longue marche sur les chemins boisés des Vosges du Nord. Une randonnée vivifiante de 18 km qui nous a fait découvrir deux très belles ruines de châteaux forts moyenâgeux et nous a offert de relaxantes haltes au bord d’étangs tourbières aux écosystèmes protégés.
Le parcours débute et finit par l’étang de Hanau situé au cœur du Parc Naturel Régional des Vosges du Nord. Cet étang s’étend sur 18 hectares dont une partie est aménagée en zone de loisirs et l’autre protégée car la flore de l’étang est remarquable et d’importance patrimoniale, en particulier les tourbières acides abritant de nombreux insectes inféodés.
Le chemin se poursuit ensuite vers l’étang de Lieschbach, plus confidentiel dans son écrin boisé. Un ponton permet d’y accéder sans déranger les habitant-e-s de ses berges protégées.
C’est à partir de cet étang que débute la montée vers les ruines monumentales du Falkenstein. Ce château date du XIe siècle et il est semi-troglodytique . On y entre par un remarquable portail. Le grès qui lui sert de socle a été fortement modelé par le vent et les intempéries au cours des siècles et lui donne des allures et des couleurs ocres de canyon exotique. On peut y voir les vestiges du donjon, les salles troglodytiques et la tour du puits, qui avait trois fonctions : protéger le puits, défendre les abords, et servir, au niveau supérieur, d’habitation. La vue d’en haut s’ouvre sur un magnifique panorama sur les collines boisées des Vosges du Nord.
La randonnée se poursuit ensuite vers l’autre ruine imposante du parcours, 5 km plus loin, celle du château du Ramstein, construit à la fin du XIIIè siècle. Elle est située sur une barre gréseuse de plus de 270 m de long et seulement 6 m de large. Au cours du XIVè siècle, les seigneurs de Ramstein, devenus des chevaliers pillards, transforment le château en repaire de brigands. Il est alors assiégé et démantelé lors d’une expédition punitive par les Strasbourgeois en 1335. Il ne sera jamais reconstruit. On peut encore y voir deux salles troglodytes ainsi que le pan du mur du logis seigneurial dont la verticalité est repérable de loin.
En contrebas, se trouve deux souterrains creusés en 1936 par le Génie militaire pour en faire le quartier général de la Ligne Maginot. Ces aménagements sont utilisés comme abri par la population pendant les combats de l’hiver 1944-1945. Actuellement, l’endroit est fermé par des grilles car hébergeant une colonie de chauve-souris protégées par un arrêté préfectoral de biotope depuis le 25-09-1988. Tout le site fait partie de la Réserve naturelle des rochers et tourbières du pays de Bitche. On y trouve 11 espèces de chauve-souris sur les 18 identifiées dont le grand murin, le murin de daubenton et les deux espèces d’oreillard.
Le cheminement continue vers le joli village de Baerenthal, classé « Station Verte » où se trouvent l’étang de Ramstein aménagé en base de loisirs. Le parcours est bucolique et conduit à l’étang suivant, celui de Schmalenthal. C’est à cet endroit que nous décidons de pique-niquer. J’appréhendais de traverser un village mais ce fut très agréable. De plus, nous avons croisé très peu de personnes et avions le sentiment d’être propulsées dans une bulle spatio-temporelle du siècle passé.
Le retour se fait par une tranquille remontée de 5 km vers le col du Petit Dunkelthal à 300 m. d’altitude. A partir de ce col, nous redescendons vers la D662 que nous traversons pour rejoindre 1 km plus loin la tourbière de l’étang de Hanau où est garée notre voiture. Sur la montée nous passons devant la source d’argent où nous faisons encore une petite halte rafraîchissante.
A l’étang, nous nous posons une dernière fois sur le ponton pour savourer les délicieux cookies de Justine, mon amie cheffe en cuisine végétale. Ce bain de verdure et d’histoire nous a revivifiées surtout que nous n’avons croisé aucun humain sur les sentiers empruntés, l’illusion d’êtres seules dans cette nature verdoyante fut enivrante.