En ces temps étranges de confinement où le présent semble s’éterniser dans une boucle d’intemporalité, j’ai pris quelques heures pour trier mes photos et je me suis dit que j’allais peupler mon blog (délaissé) de mes errances d’hiver. Ces intervalles de bonheur, dans les montagnes proches, sous des cieux chargés de sombres nuages bien loin de l’indécence de ce printemps au soleil ravageur et moqueur nous cloisonnant dans une prison de 1 km de circonférence.
En février, nous sommes parti-e-s sur les sentiers des collines du Holiesel et du Berg aux landes arides, entités naturelles les plus typiques et rares d’Alsace, préservées d’ailleurs par le Conservatoire des Sites Alsaciens. Y poussent des pelouses sèches parsemées de buissons et de quelques bouquets d’arbres qui abritent orchidées et anémones pulsatilles entre autres trésors.
La randonnée est facile et courte (11 km) à travers des collines boisées ou viticoles qui s’ouvrent sur la plaine alsacienne.
Les chemins étaient détrempés par les pluies régulières de ce mois de février. Dans les sous bois, nous avons même pu contempler le duvet délicat et d’un magnifique bleu soutenu de l’Anémone hépatique. Nous nous étions dits que nous reviendrions au printemps pour apprécier l’explosion de la végétation…peut être en 2021 ?
Le sentier emprunté traverse pour une grande part le vignoble de Dorlisheim. Le retour s’achève sur les hauteurs de Rosenwiller par le Holiesel et par la traversée du village jusqu’au joyau que forme le cimetière israélite.
Il est situé en bordure de forêt, ceint d’un haut mur qui le protège des intrusions. Des gendarmes veillent. Ce cimetière est l’un des mieux conservés d’Alsace où la communauté juive est présente depuis de longs siècles. La date de sa création est inconnue, on sait juste qu’il existait déjà au XIVè siècle.
Un pogrom eut lieu à Strasbourg le 14 février 1349, « le massacre de la St Valentin », où la communauté juive fut faussement accusée de propager la peste noire et des familles entières furent massacrées réduisant la population juive à moins de 100 familles dans toute l’Alsace. Ce n’est qu’à partir du XVIIIè siècle qu’on enregistre une augmentation des inhumations. En 1747, une première extension est réalisée et l’endroit est clôturé.
En 1793, en pleine Terreur révolutionnaire, le cimetière est dévasté. Les registres du lieu seront détruits durant la seconde Guerre mondiale et seule une copie de 1936 permet de retracer son histoire jusqu’en 1753.
Du moyen-âge à nos jours, on estime qu’environ 7000 personnes furent inhumées en ces lieux.
« Il m’a dit que lui aussi adorait s’asseoir dans les cimetières, et qu’il trouve que ce sont les endroits les plus paisibles du monde. »
L’étrange vie de nobody owens – Neil Gaiman