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Là où les forêts pansent les âmes

Emma devant notre logis

Il est des lieux qui, sans bruit, soignent ce que l’on ne parvient plus à nommer. Des espaces en marge, où le silence des arbres, la douceur des mousses, la rumeur d’une cascade ou le souffle humide d’un vallon nous offrent un refuge sans exigence. Chez Liliane, à flanc de montagne, les jours s’étirent autrement. Ici, les forêts accueillent sans condition. Elles recueillent les douleurs que l’on tait, les colères que l’on refoule, et les apaise dans l’humus profond de ces terres de légendes.

Ces trois jours passés dans ce havre vosgien, en compagnie de mes chiennes et de Phlau, ont eu la douceur d’un baume. Entre sentiers délaissés, pluie complice et solitude choisie, ce séjour fut un retour à l’essentiel. Non pas celui qu’on promet sur papier glacé, mais celui qui ancre, qui apaise, et qui rappelle, discrètement, que vivre autrement est encore possible.

Etrange été qui a débuté dans les larmes et un puissant sentiment de trahison. Pourtant je devrais être armée aux vues de mes expériences de vie. Mais j’oublie, j’oublie pour continuer à avancer, pour que les remords ou les colères ne m’annihilent pas, ne fassent pas de moi une personne aigrie, revêche, remplie d’amertume. Cette puissance de l’oubli est sans aucun doute ma plus grande capacité émotionnelle pour me préserver. Mais il faut que le temps lisse ces tempêtes et, pour l’instant, je suis toujours dans leurs frémissements.

La lâcheté humaine est le puissant vecteur qui canalise tous les ressentiments d’un nombre impressionnant de personnes ne sachant pas communiquer. Mon investissement dans le milieu associatif m’en a fait prendre la mesure… la démesure. Et je suis toujours estomaquée par la constance de ce fait quel que soit les personnes. Les gens évincent la parole plutôt qu’être dignes et assumer leurs actes, ils fuient. Pourtant nous nous glorifions d’intelligence, nous nous gargarisons d’une soi-disant supériorité du fait de notre capacité à communiquer. Mes chiennes, dont je partage le quotidien, ont plus la capacité d’échanger que bien des humains que j’ai côtoyés. Quelles peurs, quelles projections musèlent les mots et nourrissent des formes de violence qui seraient facilement évitables sans cette lâcheté inhérente à l’espèce humaine ?

Pour souffler, mon amie Liliane m’a proposé un séjour dans son logis à flanc de montagne, dans les Vosges, loin d’une humanité hostile. J’y suis partie avec ma famille logique.

Il pleut… enfin ! L’air est saturé de chaleur et je suis à plus de 700 m d’altitude. La balade du début d’après-midi a eu raison des énergies de chacune et les chiennes ainsi que Phlau dorment. Emma grogne parfois dans ses rêves. Une chèvre bêle à proximité mais je ne vois pas où elle est. Je suis toujours inquiète quand je côtoie les animaux exploités. Cela me renvoie évidemment à la violence systémique du spécisme. Et dans les campagnes, cette violence est inhérente à chaque parcelle de terre colonisée par notre humanité qui se croit légitime.  Car même le champ labouré, même le pré fauché, porte les stigmates d’une conquête rarement nommée. Sous les herbes dociles, des échos de forêts arrachées, de « bêtes » (ainsi nommées pour mieux effacer leur individualité) dispersées, de paysages modelés pour servir, cloisonnant les territoires des habitants légitimes de ces lieux — renards, chevreuils, lièvres, etc. Pourtant la terre ne nous appartient pas, encore moins ces êtres sentients qui y vivent, mais nous les avons rendus captifs de nos besoins de domination sans jamais remettre en question la nature de nos rapports à eux, ni l’imposture de nos choix.

A notre arrivée, les chiennes étaient si heureuses d’être en vacances avec nous (elles connaissent le lieu) qu’elles couraient partout dans l’appartement de joie, se jetant sur les jouets que nous avions apportés pour canaliser leur trop plein d’exaltation. Au moins, elles savent exactement quoi faire pour ne pas subir cette effervescence qui les submerge.

Découverte de l’étang des Dames et de la cascade du Rudlin

Les orages ont chassé les fortes chaleurs et apporté humidité et fraicheur pour le bien être de tout le monde.

L’appartement de Liliane est configuré de telle manière que les chiennes ne peuvent accéder à l’étage où il y a deux chambres sous le toit. Les marches sont trop raides. J’ai donc descendu un matelas une place pour l’installer dans la pièce principale afin de dormir avec elles. La négociation de la place pour ce matelas fut ardue. Emma a concédé de m’y laisser et s’est installée sur le canapé qu’elle convoitait toute la soirée. Il est étroit et j’y étais. J’ai dû négocier l’oreiller avec Suzy… Finalement tout le monde a fini par trouver sa place et j’ai plutôt bien dormi.

Phlau ayant été opérée il y a 15 jours, nous reprenons en douceur les randonnées ensemble.

J’ai pris le temps de chercher un circuit plutôt court avec peu de dénivelé, un endroit aussi que je ne connaissais pas. Ici, difficile de trouver des circuits plats. J’ai beaucoup arpenté ces vallons depuis que Liliane y vit. Elle me laisse régulièrement son lieu de vie, elle-même étant très nomade, elle n’y est pas constamment.

Mon choix s’est porté vers une cascade et un étang aux marges de l’Alsace… dans le département voisin qui porte le nom des montagnes où nous séjournons, à 30 mn de route d’ici.

C’est une route forestière étroite et à peine carrossable qui nous a conduit à notre point de départ au cœur de la forêt. Le chemin qui nous mène à la cascade du Rudlin est en sous-bois. Nous n’avons croisé aucun humain. La cascade d’environ 10 m est aménagée dans un étroit défilé, elle tombe dans une vasque naturelle en contrebas, puis une succession de cascades secondaires suivent le ruisseau. Comme tous les endroits où l’eau abonde, c’est luxuriant et sauvage, un écrin de verdure où mousses, fougères et fleurs s’épanouissent dans une joyeuse exubérance. Digitales, épilobes, myrtilliers enchantent le sentier. La cascade est classée site naturel protégé depuis 1910 et se situe à environ 100 m d’altitude au‑dessus de l’étang des Dames, dans la vallée du Rudlin — prochaine étape de notre courte randonnée.

Le circuit emprunte un chemin herbeux qui semble peu foulé où dansent d’aériennes graminées. Épicéas et sapins blancs dominent la canopée, ce qui définit un sol plutôt acide — un habitat idéal pour les graminées fines comme la canche et l’agrostide qui égayent la marche de leurs fines silhouettes dansantes. Les herbes hautes sont aussi un lieu de vie idéale pour les tiques. Nous sommes des cibles de choix. Le chemin large se rétrécit au fur et à mesure de notre avancée, visiblement délaissé. Les ronces, les noisetiers et les fougères s’y sont installées en maîtresses des lieux et, par endroit, nous devons porter Rosa, trop petite pour cette jungle vosgienne. Le chemin devient sente rocailleuse à flanc de colline où émergent des vues sur la Meurthe, rivière en contrebas.

Nous avançons lentement et prudemment dans ce foisonnement végétal, entre pierres glissantes, racines en travers et bouquets de graminées qui fléchissent sous notre passage. A plusieurs moments, j’ai même hésité à opérer un demi-tour. Au bout d’un km dans cette exubérance, le sentier rejoint un tracé forestier plus large et plus praticable. Et là, au bord du sentier, un squelette de chevreuil, blanc comme du calcaire. Un rappel direct que la forêt n’est pas qu’un décor paisible : elle est aussi le théâtre d’une lutte invisible, où chaque vie peut basculer. Et les pensées se bousculent dans ma tête : Pourquoi ? Comment ? A-t-il souffert ? Était-il jeune ? âgé ? Les chiennes ne sont pas intéressées par cette carcasse blanchie. La descente, abrupte, s’amorce.

Nous retrouvons, en bas, le long de la Meurthe, le tracé des randonnées « officielles ». Un panneau indique que le sentier ensauvagé que nous venons d’emprunter est « fermé suite à des intempéries ». Dommage qu’il n’y ait pas le même panneau en amont mais nous avons l’explication de cette impression de solitude totale et de végétation conquérante. Finalement, ce détour interdit aura été l’un des moments les plus marquants de la journée. Et la balade qui devait être une reprise facile pour Phlau s’est révélée plus technique que prévue.

Elle se poursuit sur un terrain irrégulier mais plus praticable : parfois rocailleux, parfois creusé par le ruissellement, elle longe des pentes boisées, suit la Meurthe, franchit des ruisseaux sur de petits ponts de bois moussus où chantent des eaux vives, et dévoile à l’occasion des vues dégagées sur les crêtes boisées en face. Un panneau historique rappelle les traces humaines discrètes des violences passées, comme ce vestige du funiculaire militaire de 14‑18, disparu dans le silence de la forêt. Le chemin nous conduit à l’étang des Dames, étang artificiel traversé par la Grande‑Meurthe, situé juste en dessous du hameau du Rudlin, et autrefois utilisé comme trop‑plein pour alimenter la scierie locale. L’endroit est charmant et paisible. D’ailleurs, toute la vallée respire cette tranquillité. Peu de touristes, peu d’humains… une végétation luxuriante, une impression de nature libre : le bonheur. Et pourtant, à mesure que l’on descend, les clôtures réapparaissent, découpant l’espace, redessinant les usages. L’élevage y reprend ses droits, cloisonne les terres et, dans la tranquille excuse des choses établies, réduit des vies sentientes à de simples fonctions — une violence banalisée, rendue invisible à force d’habitude.

A partir de l’étang, nous rejoignons la route forestière étroite qui nous ramène en pente douce à la voiture.

De retour à notre logis, nous « détiquons » les chiennes, nous vérifions également si nous ne sommes pas piquées. Et nous savourons le calme retrouvé, un livre à la main, les chiennes assoupies, et Couperin en musique de fond.

Les gris ont déteint les verts champêtres et adoucit l’or des chaumes moissonnés. Le paysage bouge sans cesse sous ces cieux délavés, voilant par intermittence les sommets lointains dans des nuées brumeuses où s’effilochent les nuages. C’est infiniment beau.

La pluie est ma meilleure amie en été. Elle apaise les émotions qui me submergent et crée un sentiment de mélancolie qui ne m’attriste pas. Elle me permet d’entrer dans une intimité profonde avec les palpitations de la nature qui me nourrissent. Elle est la porte qui ouvre sur les forêts enchantées des livres de mon enfance devenues réalité dans les brumes de ses ondées. C’est ça, elle me relie à l’enfant que j’étais.

Donc nous sommes parties sous une pluie légère, depuis le gîte, vers le sommet le plus proche : le Kalblin. Notre dernière balade avant de reprendre la route pour Strasbourg.

Le chemin étroit empruntait un morceau du GR5 en montée. Une brume légère envoutait le paysage. Les myrtilliers foisonnaient… Suzy s’est régalée. Elle adore les myrtilles et les gobe sur pied. Sur les hauteurs, à 900 m d’altitude, aucune vue possible. La pluie noyait l’horizon et nous enlaçait dans une fraîcheur bienvenue après les épisodes caniculaires des dernières semaines.

Nous sommes revenues au gîte par un sentier plus abrupt, j’ai pris Emma en laisse. C’est la seule que nous ne pouvons pas lâcher dans les bois, veillant au respect des habitant-es des lieux.

Nous avons repris la route pour Strasbourg en début d’après-midi.

Ce qui est incroyable est que le temps passé chez Liliane est court, pourtant j’ai le sentiment d’y avoir vécu un mois ! Ce lieu a un pouvoir de déconnexion étonnant sur moi et me fait toujours le même effet. Peut-être est-ce dû à la situation du logis, à flanc de montagne, isolé, avec cette vue incroyable ouverte sur les vallons boisés des Vosges ? C’est comme si je respirais en continu à plein poumon. Il a le pouvoir d’absorber mes pensées les plus moroses et de m’ancrer dans un présent réconfortant et doux à vivre, loin d’un quotidien trop urbanisé.

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Aux confins de l’eau et de la pierre

La forteresse du Hohenwield

Arrivée samedi 5 avril 2025 – Ofingen

Nous sommes à deux heures de voiture de la maison, au Sud-Est de Strasbourg dans une région située entre la Forêt-Noire et le Jura souabe, sur ces plateaux sommitaux qui donnent l’illusion d’être en plaine.

Nous avons loué une maison avec petit jardin dans un village de vacances le Feriendorf Öfingen, situé sur le plateau de Baar à 900 mètres d’altitude.

L’endroit offre une vue dégagée sur ces plateaux d’altitude et la maison est assez incroyable. De l’extérieur, on dirait une cabane rectangulaire en bois mais comme elle est construite sur une pente, elle se déploie sur trois niveaux et l’espace intérieur est immense !

De multiples chemins de randonnée sillonnent le village et passent devant notre porte. Nous sommes à quelques mètres de sentiers bucoliques qui offrent des vues dégagées jusqu’au Felberg, le plus haut sommet de la Forêt Noire qui culmine à 1493 mètres.

Ce qui est génial en Allemagne, c’est pour la nourriture, pas besoin d’apporter nos vivres ! Ici c’est la véganie. J’ai donc été faire les premières courses à Kaufland, supermarché local situé à coté de là où nous logeons.

Nous sommes arrivées en fin d’après-midi et avons fait une mini randonnée avec Rosa et Suzy pour se familiariser avec notre nouveau lieu de vie. Le soleil se couchait et embrasait le ciel de milles nuances rougeoyantes semblant flamber les forêts de résineux. La terre ocre s’irisait d’éclats fauves. Une ambiance martienne ou apocalyptique selon nos états d’âme.

Dimanche 6 avril 2025 – Sentier d’altitude au-dessus de la vallée de l’Eschach

La vallée de l’Eschach entre Horgen et Bühlingen est un paysage protégé depuis 1953. Nous avons fait un circuit d’environ 13 km en suivant la rivière. Dépaysement garanti car le cours d’eau emprunte des méandres au cœur de paysages enclavés où les traces humaines sont rares si ce n’est les panneaux d’informations qui nous renseignent sur l’histoire des lieux. Un chemin de St Jacques de Compostelle traverse ces territoires. C’est aussi un lieu de migration des crapauds.

Le circuit s’achève par un sentier de montagne saisissant, accroché aux pentes escarpées du coteau, suspendu au-dessus de l’Eschach. Là, le chaos du monde semble s’éloigner ; seuls subsistent le murmure de la vallée et le brouhaha de nos pensées. Ce chemin étroit nous mène au cœur de vastes forêts de sapins aux silhouettes élancées, cathédrales végétales où la lumière filtre discrètement à travers les cimes. Sous leur voûte silencieuse, le sous-bois frémit : tapis de mousse, éclats de fleurs printanières, et mille vies discrètes animent ces ombres accueillantes. Un bout de féérie.

Ce que j’aime aussi dans ces espaces, c’est qu’il n’y a plus de chasse et que l’élevage n’a pas colonisé toutes les pentes à l’inverse des Vosges du Sud. On peut encore s’imaginer qu’un autre monde est possible et arrêter, l’espace de quelques heures, la furie de ce monde.

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L’après-midi est paresseuse. Les filles récupèrent des overdoses d’odeurs de ce matin. Phlau explore Happy Cow pour savoir où nous sustenter dans les prochains jours et je vois le Felberg, inondé de lumière, depuis la table de la cuisine où j’écris.

Lundi 7 avril 2025 – découverte d’un cratère et du gouffre du Danube

Aujourd’hui ce fut un florilège de découvertes géologiques. Nous avons débuté par une petite randonnée d’une dizaine de km qui nous a conduit au cratère Höwenegg. Il résulte d’une activité volcanique il y a environ 10 à 12 millions d’années (Miocène). C’est l’un des volcans de la chaîne du Hegau.

« L’exploitation du basalte jusqu’à la fin des années 1970 a créé un cratère dans lequel les eaux de surface se sont accumulées pour former un petit lac vert scintillant. La zone est désormais une réserve naturelle.

Höwenegg est également connu pour les découvertes de fossiles qui ont été faites lors de fouilles au milieu du 20e siècle. Le plus célèbre d’entre eux est le cheval préhistorique à trois doigts, l’Hipparion. »

Source > https://geotouren-schwarzwald.de/immendingen-hoewenegg-runde/

Ce site est considéré comme un des gisements fossilifères les plus importants du Miocène en Europe centrale. Les fossiles trouvés ont permis de reconstituer une partie de la faune préhistorique du sud de l’Allemagne comme des proboscidiens (anciens éléphants) et des félins à dents de sabre.

Le paysage vallonné est parsemé de volcans basaltiques très reconnaissables car ils forment des collines coniques abruptes, souvent surmontées de châteaux en ruines. Et, au loin, sur la ligne d’horizon, on aperçoit les sommets enneigés de la chaine des Alpes.

A côté du site, il y a un énorme terrain d’essai de Daimler pour ses Mercedes. Les bois ont subi des coupes sévères mais nous avons veillé à rester en sous-bois pour la suite du parcours.

Au retour, nous avons fait une halte dans un lieu extraordinaire : le gouffre du Danube. Le fleuve s’infiltre dans un sol criblé de fissures, comme un vieux parchemin craquelé, et ressort 60h plus tard… dans le Rhin ! Une histoire géologique fascinante. Et nous l’avons vu littéralement disparaître par endroits, et entendu ses eaux gronder sous terre, aspirées comme par magie dans ses fissures invisibles.

C’est fou de penser qu’un fleuve aussi emblématique que le Danube peut s’effacer sous terre… pour aller nourrir un autre fleuve, le Rhin, son rival naturel. Car ici, on est à la frontière entre deux mondes : le bassin versant du Danube, qui se jette dans la mer Noire, et celui du Rhin, qui file vers la mer du Nord. Et chaque goutte d’eau infiltrée ici change de destinée – basculant d’un continent fluvial à un autre. Une frontière invisible, mais bien réelle.

En été, toute l’eau du Danube disparaît sous terre pendant plus de 200 jours. Lors de notre passage, une partie du lit du fleuve était déjà asséchée. Rosa et Suzy ont bu et se sont baignées dans des petites « flaques de Danube », comme des souvenirs d’un cours d’eau en fuite.

Sous nos pieds, il y a un immense réseau de grottes et de failles calcaires — un labyrinthe souterrain. C’est ce qu’on appelle un système karstique. L’eau y voyage sur près de 12 km, avant de rejaillir à la source de l’Aachtopf, la plus grande source d’Allemagne. Nous avons d’ailleurs décidé d’y faire un crochet sur le chemin du retour.

Ce qui est troublant, c’est que ce système reste en mouvement : petit à petit, le Danube semble délaisser sa route de surface, attiré par les profondeurs. Comme s’il ne savait plus très bien de quel monde il dépend, fleuve happé par les entrailles de la terre, tiraillé entre la lumière du ciel et l’obscurité du calcaire, entre l’Orient et l’Occident — un écho minéral à ce choix endémique de notre histoire humaine.

La géologie est passionnante et cette histoire m’a émerveillé pour la journée et sans doute le reste du séjour. Cela m’a donné envie de parcourir la chaîne des volcans proches et d’explorer les ruines qui s’y trouvent.

Repues de toutes ces découvertes et explorations, nous sommes rentrées au gîte pour y déposer Rosa et Suzy afin qu’elles siestent tranquillement et sommes parties déjeuner à Tuttlingen où Phlau a déniché le petit bijou végane de la ville : le Café Manuto. C’est à 20 minutes de la maison.

Quelle découverte ! C’est décidé, ce sera notre cantine. Il propose des petits-déjeuners et des déjeuners servis toute la journée, avec une variété de plats tels que des wraps, des bowls, des salades, des pâtes et des burgers. Le café offre également une sélection de boissons chaudes, jus de fruits et autres boissons non alcoolisées.

Notre repas était excellent. Les desserts sont crus et incroyables ! Divinement bons. La pistache semble à l’honneur et j’adore la pistache.

L’ambiance du restaurant est chaleureuse, parfaite pour une pause gourmande. L’intérieur est spacieux et baigné d’une lumière naturelle grâce à de grandes baies vitrées donnant sur la rue piétonne.

De grandes suspensions en verre au-dessus des tables diffusent une lumière douce et tamisée. Des banquettes confortables ornées de coussins, un long comptoir en bois naturel et des chaises noires minimalistes habillent la salle avec élégance, offrant un cadre à la fois moderne et convivial, propice à la détente comme à la conversation. Bref, on s’y sent bien.

Mardi 8 avril 2025  – Découverte de la forteresse du Hohenwield

Ce matin, je suis partie seule, une heure, avec Rosa et Suzy, marcher dans les bois proches. Le vent est tenace et glacé au petit matin, sur notre plateau sommital. Traverser la forêt nous a protégé de sa morsure. Les filles étaient ravies car le large chemin que nous avons emprunté était couvert de crottins de chevaux. Je l’étais un peu moins et j’ai passé une partie de la balade à veiller à ce qu’elles ne se goinfrent pas du crottin dont elles raffolent !

Ensuite, Phlau et moi sommes parties découvrir le paysage des volcans de la chaîne du Hegau pendant que les filles digéraient leur repas improvisé sur le canapé du salon. Nous sommes à 40 minutes de ces paysages, situés plus au Sud, proche du lac de Constance.

La découverte du jour était le Hohenwield, volcan éteint à 690 m d’altitude, sur lequel une forteresse du Xè s, impressionnante, se dresse, surplombant majestueusement tout le paysage qui s’ouvre sur la ville de Singen, le lac de Constance et les sommets enneigés des Alpes dans le lointain.

Au milieu des blocs de pierre et des murailles en ruine on peut rencontrer une espèce de sauterelle rare, le criquet italien.

Au Hohentwiel se trouve aussi le plus haut vignoble d’Allemagne avec 562 mètres d’altitude.

Cependant, une mauvaise surprise nous attendait au sommet : les billets pour visiter la forteresse ne sont pas vendus au château mais à l’office de tourisme de Singen ! C’est n’importe quoi ! J’étais désappointée de ne pouvoir la visiter. Nous avons décidé d’y retourner vendredi, munies des billets d’entrée cette fois ci !

En redescendant, nous avons pris le temps de flâner un peu dans la douceur printanière du jour et d’observer les prairies sèches qui habillent ce sommet. Puis nous sommes passées à l’office de tourisme de Singen acheter ces fameux billets.

Au retour, j’ai voulu sortir les chiennes mais elles n’étaient pas du tout motivées. J’ai donc abrégé la balade et nous sommes toutes posées au gîte dans des flaques de soleil. Ce soir, nous testons les deux plats véganes au restaurant du village de vacances.

Les deux plats furent excellents mais le serveur s’était trompé dans la commande et la cuisinière nous a d’abord apporté deux plats crémeux douteux. J’ai immédiatement posé la question s’ils étaient bien véganes. Elle a dit non et s’est confondue en excuses en repartant avec les deux plats ! J’ai toujours un doute quand je vais manger dans un restaurant carné qui propose des options végétaliennes.

Mercredi 9 avril 2025 – Découverte des gorges de l’Haslach

Aujourd’hui, nous avons découvert une randonnée absolument spectaculaire : le Genießerpfad Viadukt- und Schluchtentour, que l’on pourrait traduire par Sentier du plaisir – Tour du Viaduc et des Gorges. Rien que le nom donne envie de partir à l’aventure ! J’ai mis deux heures, la veille, à dénicher ce bijou sur Komoot et a le retravailler pour éviter l’asphalte et l’ennui de certains chemins monotones.

Le parcours, d’environ 13 km, nous a emmenés à travers une incroyable diversité de paysages. Nous avons traversé des forêts profondes, longé des gorges impressionnantes, admiré des rochers étonnants comme le Höllloch-Felsen et le Rechenfelsen surplombant l’Haslach, et marché le long d’un sentier de genêts à flanc de colline où les vallons et plateaux sommitaux de la Forêt Noire se découpaient dans le lointain.

Peu d’humains, peu d’urbanisation sur ce parcours extraordinaire qui nous a enchanté. Les ruisseaux traversés, les falaises abruptes très romantiques, les sentiers escarpés des gorges, les panoramas magnifiques ont sublimé notre journée. Le soleil et la douceur étaient aussi au rendez-vous.

Lors de cette magnifique randonnée, nous sommes passées devant un panneau racontant l’histoire de l’ancienne voie ferrée Kappel-Gutachbrücke – Bonndorf, surnommée affectueusement le « Bonndorferli ». Inaugurée en 1907, cette ligne desservait jadis la région six fois par jour avec ses locomotives à vapeur. Elle transportait aussi bien des voyageurs, des voyageuses, que du bois, des graines, du charbon… tout ce qui faisait vivre les vallées de la Forêt Noire.

Le transport de passagers a été arrêté en 1966, puis celui de marchandises en 1977. Les rails ont été démontés, laissant place à un tout autre voyage… Aujourd’hui, ce tracé revit grâce à la piste cyclable du Bahnradweg, très prisée des randonneurs, randonneuses et cyclistes.

Nous sommes rentrées repues de ces paysages sauvages et émerveillées par tant de beauté préservée.

Pour notre repas, nous sommes retournées au Manuto Café à Tuttlingen. Leur carte est tellement variée, leurs plats succulents et, au moins là, pas de confusions possibles, tout est végane !

Jeudi 10 avril 2025 – le mont Himmelberg : « la montagne du ciel »

Comme nous sommes situées à un point central qui rayonne vers une multitude de paysages variés à découvrir, nous faisons minimum 1 h de route tous les jours pour nos périples. Aujourd’hui nous avons décidé d’explorer les lieux à partir du gîte.

Notre vilage

Nous sommes aux pieds du Himmelberg qui culmine à 950 m d’altitude, de notre gîte la vue se déploie sur le plateau sommital et les massifs les plus hauts de la Forêt Noire découpent notre ligne d’horizon. Après les randonnées spectaculaires des jours précédents, je craignais d’être déçue par celle d’aujourd’hui. Evidemment, ce ne fut pas le cas.

Il y a quand même quelque chose, dans ces campagnes allemandes, qui me gêne, une scène qui frôle l’absurde : d’un côté, on épand des milliers de litres de lisier sur les champs qui pue, ruisselle dans les rivières, pollue les sols, mais personne ne s’indigne – parce que c’est “la norme”.

Et à côté de ça ? On oblige les humains des chiens à ramasser religieusement les crottes de leur animal, en pleine nature, dans des sachets plastiques individuels, bien hermétiques. L’acte est devenu un symbole de “civisme”, presque de vertu urbaine. Il ne s’agit pourtant que de quelques grammes de matière organique biodégradable, surtout dans la campagne. On les emballe, on les scelle, et on les jette comme si c’était du plutonium.

Où est la cohérence ?

Il semble qu’on ait deux poids, deux mesures. Quand c’est de l’élevage, en grande quantité, au nom de la “production”, on tolère l’intolérable. Mais quand il s’agit de la petite crotte d’un chien dans l’herbe d’un champ, alors là, on brandit la loi, la morale et la menace d’amende.

Ironique, n’est-ce pas ? On ensevelit des hectares sous le lisier qui pollue mais on s’indigne d’une trace canine sur un sentier qui fera la joie des limaces passant par là.

Peut-être qu’il est temps de revoir nos priorités. De reconsidérer ce qu’on appelle « salissure », et ce qu’on appelle pollution. Et surtout, d’arrêter de camoufler nos incohérences sous des couches bien rangées de plastique.

Notre périple du jour a donc traversé des champs immenses recouverts de lisier qui ont fait la joie des chiennes et beaucoup moins la nôtre.

La « montagne du ciel » (j’aime beaucoup ce nom), dont c’était l’objectif, est recouverte d’épineux et de hêtres. L’ail des ours illumine d’un vert tendre et surprenant les sous-bois où les branches des feuillus n’ont pas encore bourgeonnées. A son sommet, un abri en bois triangulaire, une table d’orientation et… une boîte contenant le « livre d’or » du sommet où les personnes passant par-là, ont laissé des mots, des vœux. Il restait une dernière page à remplir avant que le petit carnet ne soit plein. Nous y avons aussi mis notre vœu.

Nous avons fait une jolie boucle de 12 km sans croiser d’humains, traversé des allées de sapins géants, colosses silencieux et impressionnants de verticalité nous renvoyant à notre ridicule condition humaine. Nous avons cheminé sur de petits sentiers à peine visibles au milieu de l’ail des ours foisonnant et sommes rentrées, à nouveau repues de nature, de lumière et d’air frais.

Pour le déjeuner, nous sommes encore retournées au Manuto Café, notre cantine, à Tuttlingen. Nous avons testé l’offre du jour, une spécialité locale composée de pommes de terre röstis saupoudrées de sucre et accompagnées d’une compote de pommes maison. C’était surprenant et bon.

J’ai aussi pris une glace sur le retour, ma première de l’année, les températures s’y prêtant !

Vendredi 11 avril 2025 – Visite du Hohentwiel

Notre chemin nous a menées à nouveau vers le château fort, campé sur les hauteurs du volcan dont il porte le nom. Cette fois ci, nous avions nos billets.  Nous sommes arrivées à l’ouverture des grilles et l’avons visitée à tour de rôle pour rester avec les chiennes en contre bas. Quand j’en ai fait le tour, nous étions quatre humains dans cet immense espace surplombant les paysages alentour.

Cette forteresse du Hohentwiel trône sur les hauteurs des vallons du pays de Bade comme une sentinelle oubliée du temps. Ce bastion de pierre noire, vestige imposant d’un château imprenable, semble surgir du relief basaltique avec une austérité portant le poids des siècles vécus.

Construite au Xe s, puis agrandie au fil des siècles, la forteresse a longtemps été un symbole de pouvoir militaire et spirituel. À son apogée, elle servait de prison d’État wurtembergeoise et de rempart contre les invasions. Aujourd’hui en ruines, elle dégage toujours une force tranquille, avec ses bastions enchevêtrés, ses casemates silencieuses, ses portes effondrées ouvertes sur le ciel. Les vents y murmurent encore des récits de résistance et d’exil.

Depuis ses hauteurs, la vue s’étire sur le lac de Constance, la vallée de la chaine des volcans du Hegau et, par temps clair, jusqu’aux Alpes suisses. Le silence règne, seulement troublé par le bêlement des chèvres, gardiennes involontaires de ce décor vivant, dont la présence interroge sur notre rapport aux êtres sentients. Car, oui, des chèvres sont exploitées pour l’entretien écologique, elles sont considérées comme des « outils vivants » pour la gestion des paysages. Et évidemment, une fois qu’elles ne sont plus utiles ou qu’elles ne rentrent plus dans les plans d’élevage, elles finissent à l’abattoir. C’est la logique utilitariste répandue dans les systèmes agroécologiques traditionnels qui reposent sur l’exploitation des êtres sentients sous prétexte « d’entretien des paysages ».

Quand on monte vers la forteresse, sur la droite, il y a un large et haut portail en fer forgé qui s’ouvre sur un saisissant petit cimetière tapissé d’ail des ours. Un panneau raconte son histoire. Il s’agit d’un cimetière protestant déjà présent au XVIe siècle, il témoigne de l’époque où la place forte, devenue poste protestant après la Réforme de 1534, formait un petit district pastoral autonome. Après la destruction de la citadelle en 1801, le domaine subsista comme communauté rurale jusqu’en 1968. Les familles de fermiers y furent inhumées jusqu’aux années 1960. C’est un havre de verdure où les pierres tombales, usées par le temps, semblent dialoguer en silence avec les grands arbres qui les entourent. Je me disais que les morts et mortes, sous nos pieds, avaient bien de la chance de reposer dans un tel lieu même si elles n’en ont plus conscience.

Nous avons regagné le gîte en début d’après-midi et sommes reparties, pour notre déjeuner, au Manuto Café, pour un dernier repas succulent et sans souffrance.

Samedi 12 avril 2025 – L’Aachtopf : là où le Danube renaît…

Ce matin, avant de prendre le chemin du retour, nous sommes passées voir l’Aachtopf, la plus grande source d’Allemagne et l’origine de la Hegauer Aach, environ 3/4 de son eau provient du Danube, infiltrée près de Tuttlingen dans le calcaire jurassique fissuré où nous sommes allés voir le gouffre lundi.

Une source cristalline, mystérieuse et puissante, nourrie par les eaux disparues du fleuve.
Un lien secret entre Danube et Rhin, entre deux mers, deux mondes qui me fascine.

Durant près de 60 heures, le Danube devient silencieux, invisible, avant de renaître à l’Aachtopf. Là, ses eaux rejoignent le Rhin, entamant un nouveau voyage vers la mer du Nord, « trahissant » ainsi leur origine orientale.

Ce qui m’émerveille également est que ce phénomène karstique, unique en Europe, est encore en grande partie mystérieux. Les spéléologues ont exploré une partie de ces cavités, mais l’essentiel du réseau reste caché. Un monde parallèle, fluide et obscur, qui rappelle que sous nos pieds, les fleuves ont parfois leur propre logique et, surtout, que l’humain ne peut pas tout maîtriser. Pour moi, c’est une forme de réconfort : savoir qu’il existe encore des éléments qui échappent à notre contrôle, libres et insaisissables.

Si les rochers m’étaient contés…

Aujourd’hui je vous emmène au cœur de la forêt domaniale de Saverne.

Un endroit que j’affectionne particulièrement car isolé des habitations. Un endroit qui me laisse croire que je ne vis pas dans une des zones les plus urbanisées de la planète. Un endroit où m’évader est possible. Un endroit où je peux avoir l’illusion, pour quelques heures, d’être seule humaine sur les sentiers parcourus. Un endroit où je peux oublier les dérives de l’espèce à laquelle j’appartiens. Un endroit qui peut protéger mes rêves et nourrir mes espérances d’un monde plus juste.

J’ai tracé ce circuit au début du printemps.

Julie et Emma m’ont accompagnée dans mes découvertes par une radieuse journée d’avril.

Le point de départ est le parking proche de la maison forestière du Haberacker. A partir de là, on suit le triangle bleu jusqu’au carrefour de La Seeb d’où partent de multiples chemins de randonnée.

Nous décidons de monter vers les Seebfels, premier piton rocheux qui offre une vue sur le Schlossberg, juste en face, où se situent les ruines d’un château que j’aime particulièrement : l’Ochstenstein.

Ensuite nous continuons vers le deuxième promontoire rocheux, le Schweizerberg : celui qui abrite la Gloriette de Neubaufels, construite en 2006, où il est possible de se réfugier par temps pluvieux.  Le chemin serpente sur le petit plateau rocheux au milieu de fougères asséchées par l’hiver rigoureux.

On redescend ensuite, en suivant le cercle bleu, sur un chemin forestier qui bifurque très vite en une sente à flanc de rocher ouvrant un panorama boisé sur le plateau voisin.

Cette sente rejoint le chemin des pionniers (cercle rouge) qui mène, après 3 km, à la jolie maison forestière abandonnée du Baerenbach. Ce long chemin se déploie dans un décor boisé de toute beauté, révélant par endroits, le plateau du Wuestenberg, haut lieu de mythes nordiques. Le chemin doit son nom au 157è bataillon de pionniers qui l’a construit en 1895.

La maison forestière est au creux d’une petite vallée encaissée où coule le ru qui lui a donné son nom : le Baerenbach. Emma peut s’y désaltérer.

A partir de là, on entame une longue montée vers la grotte des Francs Tireurs dans un décor tout aussi enchanteur où le vert tendre des premiers feuillages irisent les verts plus sombres des épicéas recouvrant les vallons traversés.

La grotte des Francs Tireurs est un vaste abri-sous-roche de 28 m de largeur ouvert au pied d’une paroi de grès. Elle aurait servi de cache aux habitants et habitantes de Garrebourg au début de la guerre de 1870. Nous y croisons un couple qui alimente un feu de camp. Le moment semble hors de toute temporalité.

Assez vite, nous les laissons à leur complicité et continuons vers le sommet et ses rochers prometteurs en empruntant le chemin forestier du Margaretenweg.

A partir de là, roches monumentales, pitons rocheux, amas gréseux sont légions et offrent des panoramas tous plus beaux les uns que les autres : rocher Marguerite, Kelchfels, Pfannenfels.

C’est sur ce dernier que nous nous posons pour déjeuner. La vue sur le rocher de Dabo et les collines avoisinantes nourrit notre désir d’évasion.

Je me délecte du cake à l’orange que Julie a apporté dans ses sacoches.

Les derniers kilomètres descendent et montent plus sportivement en suivant le balisage triangle bleu.

Nous traversons une nouvelle fois le Baerenbach à la grande joie d’Emma et rejoignons, au bout d’un kilomètre, le carrefour de la Seeb, point de notre départ, où nous nous arrêtons pour savourer une dernière fois la magie de cette forêt et du moment partagé.

« Gravir

Prendre le pouls de la terre

Accrocher son regard aux ronces

Viser pentes abruptes

Repousser la satisfaction

Un peu

Plus loin

Grandir dans l’étirement »

Tania Tchénio « Pop-corn », 2020.

⋆ La forêt magique de Sasbachwalden ⋆

En ce lundi d’octobre, une brume épaisse recouvrait la plaine d’Alsace. Manuella a eu la géniale idée de me proposer de respirer l’air plus lumineux des hauteurs proches. Nous sommes donc parties découvrir de nouveaux sentiers en Forêt Noire entre 700 et 800 m d’altitude, autour de Sasbachwalden. De Strasbourg c’est à peine à 40 mn de voiture. Un vrai luxe.

chloeka- Randonnée à Sasbachwalden en Forêt Noire- octobre 2015-67

Randonnée plutôt physique sur toute la première moitié du parcours (700 m de dénivelé bien raide), la forêt nous a enchantées de ses ors et rouges de saison et de sa féerie nimbée d’une lumière extraordinaire.

Balade essentiellement en sous-bois, à faire à l’automne pour savourer toute la plénitude de cette période aux fabuleuses couleurs.

Le chemin aboutit à des lieux bucoliques parsemés de traditions locales, des châtaigniers essaiment tout le début du parcours où une vue extraordinaire s’ouvre sur les vergers et la plaine proche encore noyée de brume.

Dès le départ, un premier « schnapsquelle » nous invite à une pause désaltérante. Ce sont des endroits géniaux en Forêt Noire où vous pouvez déguster les produits de la distillation locale, des sodas, des jus de fruit en moyennant une petite contribution dans un tronc commun. Ces boissons sont tenues au frais dans une fontaine et le tout est en libre-service ! C’est juste magique.

chloeka- Schnapsquelle en Forêt Noire- oct 2015

Première rencontre : des chèvres aux longues oreilles tombantes viennent nous voir et nous observer de leur œil fendu et doré. Nous prenons le temps de quelques échanges et caresses avec elles.

chloeka- Randonnée à Sasbachwalden en Forêt Noire- octobre 2015-13 chloeka- Randonnée à Sasbachwalden en Forêt Noire- octobre 2015-9

Nous poursuivons dans la forêt par un chemin sinueux et raide, très glissant par endroit, vers le lieu-dit Glasshütte. Le parcours est surprenant, l’or des feuillages, au dessus de nos têtes, nous fait des puits de lumière et les couleurs illuminent le sous-bois.  Nous croisons des ruissellements de rochers moussus où quelques êtres fantastiques doivent sans aucun doute surveiller notre passage hésitant. La Forêt Noire regorge de légendes. Nous tombons sur deux petites grottes aménagées et portant chacune un nom : Phillip et Patrick.  Il est évident que des nains y habitent !

L’arrivée sur Glasshütte est étonnante. Nous découvrons une roue de moulin agrémentée d’un petit pont suspendu au-dessus d’un ruisseau chantant et un mini barrage où nous accueillent treize oies extrêmement bruyantes. Un panneau indique des mouvements de stretching à faire avec ses bâtons de randonneur (que nous n’avons pas).

Une autre pancarte placardée sur la porte d’une grande ferme, sur le chemin, nous prévient qu’il y aurait un chien en liberté dont il faudrait se méfier. Manuella et moi hésitons sur le sens à donner à cet affichage, n’étant ni l’une ni l’autre familière avec la langue allemande, nous finissons par comprendre que c’est de l’humour !

" Prudence- Chien en liberté - Si le chien vient, allongez-vous et attendez. Si aucune aide ne vient : BONNE CHANCE !!!"
 » Prudence- Chien en liberté – Si le chien vient, allongez-vous et attendez. Si aucune aide ne vient : BONNE CHANCE !!! »

Nous poursuivons, toujours à travers les bois, vers le Schindelskopf, point culminant de notre randonnée. Nous nous égarons un peu car moins attentives à la carte, revenons sur nos pas, retrouvons les bons sentiers toujours bien indiqués.

Après 3 heures de marche, nous nous posons dans une clairière, baignée de soleil, pour savourer notre pique-nique.

Nous redescendons vers Brandmatt, charmant village accroché à flan de colline, où nous tombons sur notre deuxième « schnapsquelle » qui propose même des confitures à acheter en libre-service.

La fin du parcours est extraordinaire. Nous découvrons le paysage romanesque des chutes d’eau de Gaishöll agrémenté de 13 ponts de bois, de 200 marches dans un décor digne des œuvres de Caspar David Friedrich. Manuella et moi, émerveillées, descendons ces gorges gardées par de puissants pitons rocheux granitiques antédiluviens.

Cinq heures de marche dans un univers de contes et de légendes nous ont rechargées en énergie positive.

chloeka- Randonnée à Sasbachwalden en Forêt Noire- octobre 2015-115

 

 

La Suède ~ été 2013 ~

L’été 2013 fut consacré aux eaux & forêts de Suède. Nous avions loué une maison en bois rouge perdue au cœur de la nature. Un bout de monde. Un bout de paradis.
La Suède est une passoire à lac. Chaque détour de chemin, de route, conduit à un point d’eau.
Tous les paysages sont immenses et les forêts bienveillantes accueillent un univers foisonnant qui réconcilie nos rêves d’enfant à notre imaginaire d’adulte.